Chapitre 1

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La petite bâille, l'air épuisé. Elle détourne le regard des cubes en mousse qui jonchent le sol tapissé de gris. Je la prends sur mes genoux et l'embrasse tendrement sur le front.

Cela fait trois jours qu'elle vit avec moi et je ne peux toujours pas me résigner à la remettre à l'orphelinat. Elle me fait trop penser à Grace, avec ses petites bouclettes et ses joues pâles. Elle est étrangement sage, beaucoup trop calme et triste pour son âge.
Elle a l'air malade.

Jusqu'à maintenant, je ne l'ai jamais entendu prononcer le moindre mot. Je ne sais plus quoi faire. Je ne connais même pas son prénom. Elle n'a rien voulu dire. Et je commence à penser qu'elle ne parlera jamais.

Elle lève ses petits yeux bleus vers moi comme m'implorant du regard. Je ne comprends pas tout de suite. Enfin... Je sais. Elle a besoin de dormir.

Je la serre contre mon torse et me relève en la tenant dans mes bras. Elle n'est pas très lourde, je peux la porter sans problèmes jusqu'à son lit. Je la dépose doucement sous la couverture et éteints la veilleuse. Dès qu'elle ferme les yeux, je m'éclipse dans le salon.

Je m'assois sur le canapé et attrape un livre au passage. Je n'ai même pas le temps d'y jeter un coup d'oeil que, soudain, on m'arrache le bouquin des mains et un petit rire se fait entendre. Devant moi, Steven me sourit avec dédain.

- Tu perds ton temps. me lance t-il, sournoisement.

Je hausse les épaules et soupire. Il peut être tellement énervant quand il s'y met.

- Quoique tu dises, je ne l'abandonnerai pas.

- T'es pire que Clayton. Et en parlant de lui... Il te laissera pas sécher encore une semaine.

- Dis lui que je démissionne.

Etonné, Steven me regarde sans comprendre.

- Mais, tu ne peux pas voyons !

Je me lève pour lui faire face, puis, croise les bras, l'air plus déterminé que jamais.

- C'est la seule solution, Steve.

- Non mais ça va pas la tête Miles ! Tu te rends pas compte qu'il te tuera si tu fais ça ! ?

Je secoue la tête, indifférent à ses menaces en l'air. J'y suis habitué. Ça ne me touche plus depuis longtemps.

- Oh alleeer Miles... Tu ne peux pas faire ça... Tu n'as qu'à.. je sais pas moi .. ramener la fillette à l'orphelinat et on n'en parle plus !

- Hors de question.

- On n'a pas les moyens pour ces choses-là... Tu dois comprendre ! insiste t-il avec rage.

Je lui tourne le dos pour lui faire comprendre que ma décision est prise. Il vient m'encercler les épaules avec ses bras robustes et me chuchoter amèrement aux oreilles :

- Un enfant a besoin d'attention, d'amour, d'une éducation de qualité... Cette petite a besoin d'être entourée, d'avoir un milieu sain dans lequel évoluer... Est-ce que tu es sûr que tu sauras lui donner tout ce dont elle a besoin ?

J'hoche la tête lentement mais sûr de moi.

- Oui Steve... Je suis même prêt à en assumer les conséquences. Que ce soit avec ou sans ton aide.

Steven fronce les sourcils, destabilisé.

- Attends... Quoi ?! Tu ne penses pas être capable de te débrouiller tout seul quand même ? C'est une tâche énorme ! T'es fou ou quoi ?!

Je n'ai pas le temps de répliquer que des pleurs stridents brisent le silence. Je lance à Steven un regard plein de reproche et accourt auprès de la petite qui est en proie à un tumultueux cauchemar. Je cherche en tremblant une solution au problème. Le stress me paralyse entièrement. Je suis inapte à faire quoique ce soit. J'ignore quoi faire dans cette situation.

Je vois Steve arriver à mes côtés, une serviette imbibée d'eau à la main. Il s'assoit sur le lit et passe délicatement le bout de tissu sur le front fiévreux de la fillette, gémissante. Celle-ci tressaute légèrement puis, peu à peu, se calme, bercée par les douces caresses de Steve et ses chuchotements réconfortants.

Après que la petite se soit rendormie dans le plus grand des calmes, Steven lève les yeux vers moi et me dit en riant :

- Et donc... Tu disais réussir à t'en occuper ?

Je me mords anxieusement la lèvre et baisse les yeux vers mes mains encore tremblantes en soupirant de frustration. Steven se lève et me tire d'une main ferme à l'écart de la petite, endormie.

- Ecoute. me jette-il brusquement, une fois de retour dans le salon. Je ne sais pas ce qui t'as prit de te croire capable d'une telle besogne tout seul.

J'ouvre la bouche pour lui répondre. Il pose brutalement un doigt sur mes lèvres, me faisant ainsi taire.

- Juste écoute. Je m'inquiète, c'est tout. Je sais combien la mort de Grace t'a attristé. Je veux seulement m'assurer que tu sais à quoi tu t'engages en t'occupant de cette gamine. Je ne veux pas te voir à nouveau souffrir. Sérieusement.

Il le murmure presque, le regard inquiet. Je ne peux qu'acquiescer face à cet inexorable témoignage de compassion. Il s'approche de moi et me serre fortement contre lui en me tapotant le dos d'un geste amical.

- Je te soutiendrai toujours quoique tu fasses, Miles. Sache que je te suivrai même au-delà de la mort. Tu peux compter sur moi pour t'aider.

Ses paroles me touchent au plus profond de mon être. Un grand frisson me parcourt l'échine et je suis secoué de sanglots. Les mots ne veulent pas sortir. J'ai la gorge nouée, l'esprit embrumé.

Mais, je ne pleure pas. J'en suis tout simplement incapable. Pas après tout ce que j'ai vécu. Je suis vide, lessivé, incapable de bouger.

Je sens Steve me pousser doucement vers ma chambre, en me retenant par le bras pour ne pas que je perde l'équilibre. Il me fait asseoir sur mon lit et commence à déboutonner soigneusement ma chemise. Je suis trop fatigué pour l'en empêcher. Il me couche et me borde comme un enfant.

Et juste après avoir entendu un subtil "bonne nuit", je plonge dans un sommeil dénué de rêves et de cauchemars.

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