Razzaville  1/2

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Brazzaville – République du Congo

Il est des amitiés que l’on n’attend pas. Des rencontres surprenantes, qui changent notre vision du monde, notre regard sur les autres, sur la vie aussi. Je viens d’en faire l’expérience, et je vous assure que celui qui m’a ouvert les yeux, je ne suis pas près de l’oublier ! Il mesure près de soixante centimètres, pèse moins d’un kilo et demi et se nomme Pit. C’est un rat géant, un rat de Gambie. Autant dire qu’il existait peu de chances pour qu’on devienne amis, lui et moi ! Et pourtant...

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Après Tichitt et son désert, place à Brazzaville, en République du Congo. Nouveau pays, nouvelle ville, nouvelle ambiance, tout y est si différent encore de ce que j’ai pu connaître jusqu’ici ! Je savoure une nouvelle fois ma chance, la chance que j’ai de vivre cette vie de voyages et de découvertes, de traverser ces lieux incroyables, d’admirer ces paysages magnifiques. A Brazzaville, tout est beaucoup plus vert qu’à Tichitt, bien sûr. Rouge, jaune et vert en vérité, en accord avec les couleurs du drapeau, comme si c’était la terre, le soleil et la végétation qui avaient inspiré ce dernier. Mais c’est peut-être le cas après tout, je ne sais pas, je ne suis pas très calée en drapeaux. Faudrait que je demande à Papa…

Brazzaville est une ville étonnante. Elle fourmille de vie, un peu comme Dakar, même s’il y règne une atmosphère différente. Ce qui m’y interpelle le plus, c’est le fleuve. J’aime les fleuves, et celui-ci a quelque chose de fascinant. Large comme une mer, le Congo est puissant, féroce, vivant. Il sépare Brazzaville de Kinshasa, sa jumelle, son double, sa sœur ennemie – si j’ai bien compris ce qu’ont essayé de m’expliquer Maman et Papa. Mais les questions politiques m’intéressent peu, pour moi seul l’humain compte, le vivant en tout cas.

Le premier endroit que nous avons visité, c’est le marché. Dans chacune des villes que nous traversons, Maman aime commencer par ce lieu de rencontre, elle dit qu’on y prend le pouls du pays, que c’est l’endroit idéal pour en saisir le caractère. Celui de Brazzaville est folklorique, bruyant, animé. C’est un marché joyeux, plein de vie, appétissant. Qui déborde de fruits et de légumes colorés et savoureux… C’est l’image que j’aurais pu en garder si, au détour d’une allée, nous n’étions pas tombés sur un stand de viande de brousse ! Mon estomac n’a fait qu’un tour devant les serpents, rats, têtes de singes et autres horreurs étalées, et Maman s’est empressée de poser sa main sur les yeux d’Alphonse pendant que Papa me poussait fermement dans une autre allée et que je retenais un haut-le-cœur de dégoût.

  • Ici on mange ce que l’on peut, ce que l’on trouve, a dit Papa devant mes yeux effarés. La viande de brousse contribue à la survie. On a la chance de ne pas en avoir besoin lorsque l’on vit dans un pays riche.

Je n’ai pas posé de questions : je venais de réaliser, une fois de plus, que la vie n’est pas la même pour tout le monde.

C’est à la sortie du marché que j’ai rencontré le garçon le plus antipathique de toute la Terre ! Tout a commencé lorsqu’un rat énorme, gros comme un chat, s’est glissé entre mes jambes, me laissant échapper des cris d’effroi. Moi qui ne m’étais pas encore remise de l’étalage de viande de brousse ! J’ai commencé à sauter sur place, en hurlant, sous le regard inquiet de Papa, lorsque j’ai entendu un éclat de rire moqueur à quelques pas de moi. J’ai cherché des yeux l’origine de ce rire et j’ai alors assisté à une scène qui m’a déconcertée : le gros rat qui m’avait fait si peur se trouvait à présent dans les bras d’un garçon de mon âge, assis à même le sol, dos au mur, et ce garçon me regardait fixement tout en caressant son monstre et en se moquant de moi, sans la moindre gêne ! Ma première tentation a été de lui demander ce qui lui semblait si drôle et de le prier de cesser illico mais les vibrations de mon kaléidoscope m’ont fait comprendre que cette rencontre n’avait rien d’un hasard ! Je me suis donc contentée de l’ignorer, de le gratifier d’un haussement d’épaules et d’un regard dédaigneux, puis je me suis éloignée, me demandant ce que tout cela pouvait bien vouloir dire.

De retour à l’hôtel, l’image de ce garçon insupportable et de son affreux animal de compagnie ne m’a pas quittée, et j’ai ressenti une sorte de malaise à l’idée de les recroiser bientôt. Plusieurs questions me revenaient sans cesse : comment peut-on s’attacher à un animal aussi dégoûtant qu’un rat ? Quel échange, et quel plaisir à le caresser ? Mais aussi : pourquoi ce rendez-vous, donné par le kaléidoscope ? Quelle aventure étais-je amenée à vivre avec eux ? Quand et à quelle occasion allais-je les retrouver ?

J’ai eu beau consulter mon objet magique à plusieurs reprises, celui-ci est resté muet, comme il le fait toujours lorsque le moment de l’annonce n’est pas encore venu...

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A suivre...

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