3.3

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"Debout, Pratha", répéta le Prince en passant sa main sur le visage de l'adepte. Ce dernier, qui avait l'impression que sa tête allait exploser à tout moment, se contenta de grogner misérablement. Il était strictement incapable d'ouvrir les yeux. Le Prince soupira avant de se lever. L'adepte entendit des pas se rapprocher depuis le couloir.

"Allez-y, soupira Bhagttat en ouvrant la porte. La deuxième personne, qui laissait s'échapper des cliquetis à chaque pas, s'approcha de l'adepte et vint s'asseoir à proximité de son visage. Elle fouilla dans une besace avant d'en sortir une petite bouteille qu'elle porta aux lèvres de Pratha.

- Buvez, ordonna la voix."

Pratha se contenta de répondre par des marmonnements abscons. La voix soupira et ouvrit de force la bouche de l'adepte. Elle donna un coup sur la bouteille, et le liquide à l'intérieur vint se loger directement dans le fond de sa gorge. L'adepte toussa vigoureusement et se mit à suer à grandes gouttes. Ses paupières, devenues brûlantes, s'ouvrirent de force.

Il aperçut alors l'intérieur d'une chambre luxueuse, aux murs recouverts de tapisseries aux motifs religieux. La figure d'Eshev, brodée sur l'une d'entre elles, semblait l'observer. Pratha eut honte. Le Prince, assis sur un petit fauteuil rembourré, lisait silencieusement un ouvrage dont la couverture et le dos étaient couverts de multiples symboles skritts dorés. Le titre, Les Raisons de la Chute du Grand Royaume, Deuxième Tome, faisait partie d'une série de six livres dont tous les passionnés d'Histoire tentaient d'obtenir des copies. L'apournari avait de nombreuses fois aperçu les exemplaires présents dans la bibliothèque du Chram, mais ces derniers faisaient pâle figure à côté de celui que consultait avidement le souverain. Le visage de Dravi s'était totalement évanoui.

"Qu'est-ce qu'il s'est passé ? bredouilla l'adepte. Sa langue avait un goût amer et une texture poisseuse.

- Tu as été bête... souffla le Prince. Tu as été au-delà de tes limites, et tu t'es évanoui... dans un premier temps. Pobrann t'a suivi, d'ailleurs. Après t'être évanoui, j'ai dû, enfin... Dravi a dû te faire porter jusqu'au poste de gardes le plus proche; soi-disant pour te mettre en sécurité. Officieusement, cela m'a permis d'ordonner que l'on t'amène jusqu'ici.

Il lui jeta trois pièces de dix dvats.

"Qu'est-ce que c'est ? demanda Pratha.

- J'ai gagné mon pari, et il fallait bien quelqu'un pour éponger tes pertes. Prends cet argent comme un cadeau de ma part ; j'ai passé une bonne soirée.

- Je... Merci, Votre Majesté, répondit l'adepte. Je m'en servirai pour acheter les derniers numéros des revues jarapouries ; c'est le Grand Qalam qui m'en a chargé.

- Ghasni s'est mis à lire ce genre d'inepties ?

- Non, non... Il veut simplement s'en servir comme d'un moyen de prendre la température des relations entre l'Empire et Jarapour.

- Tu me rassures, répondit le Prince. J'enverrai quelqu'un se les procurer pour toi. Tu ne peux pas sortir, aujourd'hui."

Il se retourna et vint plonger ses yeux de loup dans ceux de l'adepte ; l'expression féroce sur son visage le terrorisa.

"Ce n'est toutefois pas cela qui me préoccupe.

- Que... quoi donc, alors ? bredouilla Pratha.

- Eh bien, tu te rappelles de ce que je t'ai dit, concernant les espions pour le compte des rébéens ?

- Qu'ils sont partout ?

- Et qu'ils peuvent prendre n'importe quelle forme ; dont celle d'un magicien peau-dorée, à tout hasard. Je l'ai senti. Il a ausculté ton esprit.

- Mais... quand ça ?

- Une fois que tes barrières ont été totalement abaissées ; juste avant ton évanouissement."

Pratha commença à comprendre et sentit l'effroi monter en lui.

"En parlant de magie...

- Qu'y a-t-il ?

- Eh bien... pardonne-moi de le dire si franchement... Mais pourquoi rien n'est fait contre la pratique ? Comment cela se fait-il que des habitants de Samsharadh puissent à la fois faire des paris sur des combats d'animaux, d'esclaves, proposer des représentations de magie, sans que la loi ne leur tombe dessus ?

- C'est simple, déclara le Prince. J'ai déjà un front à gérer à l'est. Je ne peux pas en ouvrir un deuxième à l'intérieur de notre pays : le résultat serait désastreux. C'est le même raisonnement que celui que j'ai concernant les "retours au Père". Ce que tu as vu hier soir, Pratha... n'est que la pointe émergée du tas de fumier, soupira le Prince. Quoi qu'il en soit, pour en revenir à notre sujet initial... Tu dois partir dès ce soir; je te parie ma couronne que l'ambassadeur Rébéen va exiger une audience cet après-midi. Nous devons les prendre de court, car ils vont demander à examiner les bijoux que tu as apportés, c'est une évidence. Et lorsqu'ils les verront..."

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