Quelques mots chuchotés et un mouvement de mains suffirent à Sévrar pour envoyer une puissante décharge vers la bête. Il connaissait des centaines de sorts offensifs pourtant, il les avait, pour beaucoup d’entre eux, seulement lu dans des livres. L’apprenti avait une excellente mémoire, il était donc sûr de n’avoir jamais entendu parler d’une bête pareille.

Lorsqu’il vit Silss absorber son attaque comme du jus de fruit, l’elfe ne put réprimer une vague de désespoir. Elle le sentit, car elle sentait tout changement dans les auras et fit résonner un gloussement dans l’esprit du jeune homme. Ce dernier se figea, comment pouvait-elle atteindre son esprit aussi facilement ? Il se reprit et, renforçant sa barrière mentale, le roux lança une nouvelle attaque. Cette fois, il puisa dans l’humidité du sol et l’envoya sur le reptile kaki.

Ce dernier ne parut pas le remarquer et attaqua enfin. Ce fut un déchaînement d’énergie que Sévrar arrêta difficilement avec un puissant sort de défense.

Le garçon se sentait épuisé, il se doutait que Silss y était pour quelque chose, après tout, tout était mort dans les environs, comme si la bête avait drainé toute l’énergie. De plus, il faisait de plus en plus froid.

Le reptile hurla son mécontentement lorsque Sévrar se protégea pour la énième fois derrière un bouclier magique.

Il avait beau attaquer, rien ne semblait avoir d’effet, la bête absorbait toute énergie. Comment allait-t-il se sortir de là ? Il ne savait n’y se téléporter comme Sheireen, n’y effacer sa présence comme Kala. Quelle était sa spécialité à lui ?

L’image de l’étrange créature qui lui avait servi de monture lui vint en mémoire. C'était sa spécialité, il savait contrôler les animaux. Mais Silss semblait bien plus intelligente qu’un cheval ou un oiseau.

Esquivant une nouvelle attaque, il se décida. Il devait agir avant d’avoir perdu toutes ses forces. Projetant violemment son esprit, Sévrar pénétra l’esprit du reptile.

Il envoya tout d’abord une vague d’apaisement, censé mettre en confiance la créature mais, il ne reçut en retour qu’une décharge d’agressivité pure. Il ne pouvait pas agir comme il le faisait habituellement, il allait falloir être plus convaincant.

Poussant avec son esprit, le roux avança plus profondément dans la conscience de la bête. Il cherchait la corde sensible, la chose qui ferait changer d’avis Silss. Avec quelle émotion devait-il jouer ? La peur ? Non, le reptile serait encore plus dangereux. L’amour ? L’amitié ? Peut-être qu’elle se sentait assez seule pour se laisser faire ? Il en doutait mais cela valait le coup d’essayer.

L’elfe trouva donc une parcelle vide et implanta l’idée. Sévrar est mon ami. Il ajouta de la confiance et de l’affection puis se retira.

La bête était figée, comme luttant intérieurement contre les sentiments qui s’emparaient d’elle. Le garçon devant elle avait l’air délicieux, il ne pouvait pas être autre chose qu’une source d’énergie, si ? Mais alors pourquoi se battaient-ils ? Il voulait passer, c’était ça. Pourquoi ne voulait-elle pas le laisser passer ? Elle ne s’en souvenait plus. Si, parce que son aura avait l’air délicieuse. Mais elle ne pouvait pas le manger, elle éprouvait de l’affection pour lui.

Profitant de son trouble, Sévrar courut vers le trou et sauta.

Ce mouvement fit sortir de sa torpeur le reptile. Non, c’était de la nourriture, il l’avait manipulé. Il ne devait pas s’échapper.

Pourtant, il était trop tard, le jeune homme tombait comme une pierre vers le portail, qu’il traversa avant que Silss ne le rattrape.

§

Sévrar était allongé au sol, essoufflé et transpirant. Il était dans le bureau de Rowenn.

— Enfin, te voilà, dit seulement le mage.

— Que s’est-il passé ? demanda l’apprenti en se relevant péniblement.

Il avait vraiment besoin de repos.

— Un test, et tu l’as réussi quoique pas comme je m’y attendais.

— Comment ça ?

— Je ne savais pas que tu savais modifier les esprits.

— Modifier les esprits ? Je me contente de convaincre les animaux de m’aider avec un peu de confiance.

— Tu modifies les esprits, même si tu ne t’en rends pas forcément compte. Tu as implanté une idée dans l’esprit de Silss, Sévrar.

— Je…

— Ce pouvoir ne doit pas être considéré à la légère. Tu pourrais modifier l’être même d’une personne, voir la pousser à se tuer elle même.

— Je n’ai jamais fait de telles choses ! Je me contente de souffler une idée à un oiseau pour qu’il porte mon message. Je ne le force à rien, j’aime les animaux et c’est réciproque.

— C’est ton aura qui fait ça toute seule, les animaux t'aiment car inconsciemment, tu leur insuffles de la confiance. Je sais aussi que tu n’as pas juste “soufflé une idée” à ta monture toute à l’heure, tu l’as contraint.

— Je- C’était un cas de force majeur et puis je l’ai relâché ensuite. Pour Silss, je n’ai utilisé que des émotions positives mais…

— Ca n’a duré qu’un temps. Tu sais d’instinct qu’une émotion négative aurait mieux tenu, je le sais, Sévrar, le coupa Rowenn avant d’ajouter. Je ne t’en veux pas de ne pas m’en avoir parlé, tu ne semblait pas vraiment prendre conscience de ce pouvoir.

— Je n’ai rien lu à ce sujet, je ne pouvais pas savoir…

— Je sais. Tu n’as rien lui dessus car c’est considéré comme de la magie interdite.

Sévrar en resta sans voix, il n’avait jamais fait quoique ce soit de répréhensible et il apprenait maintenant que sa spécialité était dangereuse et interdite.

— Je ne pense pas que cela serve à quelque chose de te punir. Personnellement, je pense qu’entre bonnes mains, ce type de magie ne pose pas de réel problème. Je ne l’apprend pas à mes apprentis car c’est interdit mais tu as ce don depuis toujours, je ne peux pas t’interdire de l’utiliser… Je vais juste te demander de ne jamais utiliser les émotions négatives.

— Oui, maître.

— Je veux ta parole, Sévrar.

— Je le promets.