Chapitre 19 : Reen

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La jeune fille se retourna sur sa paillasse en grognant. Le soleil apparaissait à l’horizon tandis que le coq continuait à s’époumoner. La brune rabattit sa couverture sur son visage, espérant se rendormir. En vain. Toujours en grognant, elle rejeta les draps et se leva vivement.

Après s’être habillée, elle descendit silencieusement les escaliers de la petite maison qu’elle habitait avec son fiancé et la famille de ce dernier.

Étant orpheline, cela lui faisait bizarre de vivre avec autant de monde qui se souciait d’elle.

Elle traversa la petite pièce commune et déboucha dans la cuisine. Un jeune homme brun était aux fourneaux. Elle s’avança silencieusement et lui chuchota à l’oreille :

— Bonjour Oli.

Il sursauta et se tourna vivement vers elle en s’écriant :

— Reen ! Tu m’as fait peur, on dirait un assassin.

— Que nous cuisines-tu de bon aujourd’hui ? changea-t-elle de sujet.

— Des œufs.

— Pour changer, marmonna-t-elle dans sa barbe.

— Comment ?

— Rien ! Je vais mettre la table, déclara-t-elle en attrapant quatre assiettes.

§

La jeune femme était de sortie, elle avait pour mission d’acheter autre chose que des œufs pour une fois. Armé de son panier, elle marchait joyeusement entre les maisons du petit village. Reen ne faisait pas vraiment attention et percuta un jeune homme aux cheveux de couleur étrange.

Elle manqua de tomber mais le garçon la rattrapa de justesse.

— Désolé, marmonna-t-elle en lissant les plis de sa jupe.

— Non, c’est à moi de m’excuser, je ne faisais pas attention.

Il avait un accent étrange et ses yeux bleus lui rappelait étrangement quelque chose.

— Aurais-tu vu une jeune femme aux cheveux bleu et aux yeux violets ? demanda-t-il avec un sourire.

Une telle personne pouvait vraiment exister ? Des cheveux bleus et des yeux violets ? C’était impossible en Wesiria. D’ailleurs, le garçon ne semblait pas venir d’ici non plus. Etait-ce un Zalénien ? Était-il dangereux ?

— Non, désolé. Euh, je dois y aller. Au revoir.

Et elle s’enfuit à grande enjambées vers la place centrale où se trouvait le marché.

§

Cette fois, ce ne fut pas le coq qui la réveilla, ce fut une forte odeur de brûlé. Reen se leva brusquement et regarda par la petite fenêtre de sa chambre. L’horreur l’envahit soudainement, le village entier semblait brûler.

Prenant à peine le temps de s’habiller, elle se jeta dans les escaliers pour rejoindre Oli. Or dans la pièce commune, elle se retrouva nez à nez avec des inconnus. Ils étaient trois et se tenaient au-dessus des corps de la famille. Ses pieds nus rencontrèrent rapidement la mare de sang qui ne cessait de grandir.

Instinctivement, elle se précipita vers la cuisine et empoigna le plus grand couteau. Lorsqu’elle se retourna, les bandits l’attendait près de la porte en ricanant. C’était des déserteurs, ils avaient encore leurs insignes sur leurs armures. Retenant ses larmes, la brune resserra sa prise sur son arme de fortune.

Ils se jetèrent sur elle.

Le vide se fit alors dans son esprit, son corps prit le contrôle et abattit le premier soldat en quelques secondes. Le visage recouvert de sang, elle se jeta en hurlant sur le suivant qui mit un certain temps avant de réagir, permettant à la jeune femme d’enfoncer son couteau dans son œil gauche. Elle se tourna ensuite vers le dernier qui avait perdu son sourire.

§

Reen se tenait au centre de plusieurs cadavres, elle ne savait pas comment elle avait fait pour les tuer ni comment elle était arrivé dehors. Mais elle était en vie.

Une ombre passa alors au-dessus de sa tête, faisant courir un frisson le long de sa colonne vertébrale. Un dragon. Son village se trouvait au milieu des terres de Wesiria, loin du front. Que faisait une de ces créatures ici ?

Enjambant les corps à ses pieds, la jeune femme se mit à courir vers le centre du village. Le feu était partout, léchant les murs de pierre, carbonisant tout ce qui était en bois et noircissant les pierres. La chair ne faisait pas exception. Il y avait des morts partout, mais elle évitait de regarder leurs visages, de peur de reconnaitre quelqu’un.

Reen arriva enfin à la grande place. En son centre, plusieurs personnes s’étaient réfugiés dans la fontaine. Elle y reconnut la vieille dame chez qui elle allait acheter du riz. Il y avait aussi son seul ami, Joan.

— Reen ! cria celui-ci. Rejoins-nous !

— Vous ne pouvez pas rester là. Il faut fuir ! cria Reen en s’approchant du petit groupe.

— Par où ?! demanda le jeune homme en ouvrant grand les bras. Il n’y a plus aucune échappatoire.

En effet, la rue par laquelle était arrivé la brune était maintenant bouché par des débris en feu. Ils étaient pris au piège.

§

“Léarco !” s’exclama une voix dans la tête du jeune homme, le réveillant en sursaut.

Il était allongé contre le flanc d’Apala, sa chaleur le protégeait du froid des plaines de Wesiria. Cela faisait presque une semaine qu’ils cherchaient Sheireen.

“Léarco !” s’écria-t-elle de nouveau.

Orion volait en cercle au-dessus d’eux, c’était lui qui hurlait dans son crâne.

“Un village brûle.”

— Merde.

Le dragonier se leva vivement et monta sur le dos d’Apala. Ils rejoignirent le dragon noir avant de filer vers le village. Ils n’étaient arrivés que la veille et avaient convenus de visiter plus avant les trois groupements de maisons aux alentours le lendemain.

“Que faisons-nous ?” demanda la dragonne en planant loin au-dessus des maisons en feu.

— Ces gens n’y sont pour rien dans la guerre, essayons de sauver ceux qui sont encore en vie.

§

Le flammes se rapprochaient dangereusement de la fontaine et Reen commençait à douter vraiment de ses chances de survie. Peut-être aurait-elle dû mourir avec Oli et ses parents. La brune se rendait alors compte qu’elle tenait encore serré dans son poing le couteau de cuisine plein de sang.

Un enfant cria. Deux ombres passaient au-dessus de nous.

— N’ayez pas peur ! cria quelqu’un dont la voix lui semblait familière. Nous venons vous chercher.

L’un des dragons descendait alors vers eux. Les flammes se reflétaient sur le reptile, rendant liquide l’or de ses écailles. Sur son dos, se tenait le jeune homme que Reen avait percuté quelques heures plus tôt.

Il la reconnut et lui sourit gentiment alors qu’un deuxième dragon se posait, ignorant les flammes. Les villageois se resserrèrent encore plus les uns contre les autres.

— N’ayez pas peur, répéta-t-il.

— C’est un zalénien, chuchota quelqu’un dans le dos de la jeune fille.

— Si ça se trouve c’est ses dragons qui ont mis le feu, renchérit un autre.

— Vous devez me faire confiance, disait le jeune homme. Sinon vous mourrez.

Reen prit alors son courage à deux mains et avança vers le dragon doré.

— Non, Reen ! Ne fais pas un pas de plus, c’est l’ennemi ! ordonna un homme contre lequel pleurait un enfant en bas âge.

— Ce n’est pas notre ennemi, c’est celui des Sharaka ! Nous brûlerons si nous restons ici ! Tu ne veux pas que ton fils vive ?

L’homme baissa les yeux vers le bambin et acquiesça doucement. Il le souleva et s’avança aussi. Petit à petit, tous montèrent sur l’un des dragons. Ils étaient sept. Les seuls survivants du village.

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