Chapitre 26 : Terre Blanche

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Les arbres défilaient autour de lui. Il avait pourtant remarqué que les feuillus laissaient doucement place à des sapins. Depuis quand chevauchait-il ?

Sévrar était parti immédiatement après avoir parlé à la vieille femme du temple. Il avait dévalé la ville en manquant de glisser plus d’une fois, puis avait récupéré ses affaires et payé plus que le prix de la chambre, en s’excusant de devoir partir si vite. Ensuite, juché sur sa monture, il quittait cette ville peu accueillante.

Depuis, il avait dormi deux fois à même le sol. Il devait donc approcher de la frontière entre la Terre Bleue et la Terre Blanche. Les sapins le confirmaient, et bientôt, la neige.

L’elfe n’en avait jamais vu avant.

Ainsi, lorsque les premiers flocons se posèrent sur sa peau pâle, il sursauta. Ce n’était qu’une petite neige qui ne tenait pas sur la terre de la forêt et qui fondait immédiatement à son contact. Pourtant, le roux était émerveillé. Cet élément était si différent de sa spécialité qu’était le feu. Il perdit beaucoup de temps à observer ses petits éléments gelés tomber du ciel.

Ce fut le cheval qui finit par avancer de lui-même, impatient. Sévrar l’avait habitué à galoper pendant des heures.

— Très bien, nous y allons, riait le magicien. Heureusement que tu es là.

Aussi loin de la guerre, il en avait presque oublié sa mission. Du monde comptait sur lui, beaucoup ignorait pourtant qui il était, mais les réponses qu’il collectait étaient essentielles à la victoire de Zalia.

— Il s’agirait de ne pas trop prendre la grosse tête, se marmonna-t-il à lui-même.

Ils arrivèrent rapidement à l’orée de la forêt. Après avoir traversé plusieurs cours d’eau venant de l’Odo, le fleuve le plus proche, ils débouchèrent sur une grande plaine. Rien ne venait boucher la vue du jeune elfe. Seulement, au loin, plusieurs montagnes enneigées. Sévrar savait qu’à leurs pieds se trouvait Khov, la capitale de la Terre Blanche.

Il éperonna donc sa monture dans leur direction, l’herbe givrée craquait sous ses sabots.

Heureusement pour lui, la saison des blizzards était encore loin. Il n’avait donc pas besoin de troquer le cheval de la princesse contre un traîneau tiré par des chiens ou par n’importe quelle autre bête. Le rouquin n’aurait pas aimé annoncer à Zalénia qu’il avait laissé sa monture quelque part sur la Terre Blanche.

Cette étendue plate sans obstacles permettait à Sévrar de tracer sa route sans détour.

Plus le cheval avalait les mètres et s’éloignait de la Terre Bleue, plus il faisait froid et l’elfe n’avait pas de vêtements chauds sur lui. Il se résigna donc à utiliser la magie, mêlant l’air et le feu, il se créa un cocon de chaleur contre lequel les flocons fondaient.

À la nuit tombée, il n’avait nulle part où dormir. Il voyait bien une forêt au loin, mais il mettrait des heures à la rejoindre et cela lui ferait dévier de sa route. Plus aucun arbre n’assurait donc sa protection contre le vent, le froid ou tout simplement les hommes. Il n’aimait pas ça, mais il ne pouvait que s’en prendre à lui-même. Il aurait dû y penser plutôt avant de se précipiter sur cette plaine.

Il allait encore devoir utiliser ses pouvoirs.

L’elfe descendit de selle et posa ses mains sur la terre gelée.

— Encore de la magie élémentaire. Moi qui pensais que c’était la magie la moins utile, disait-il à voix haute.

Sans une formule, le sol ondula puis se souleva. Sa monture hennit de surprise mais ne s’enfuia pas, elle avait confiance en Sévrar. Le garçon modela la terre solide comme si c’était de l’argile, créant un abri sommaire où le cheval allait immédiatement s’installer. Le roux alluma ensuite un feu et s’assit le dos contre la bête.

Il s'endormit étrangement rapidement, mais rien ne se passa durant la nuit et lorsque le soleil pénétra dans l'abri en terre crue, le feu brûlait toujours. Le sol brillait à la lumière, rendant le paysage presque irréel lorsque le jeune elfe se leva enfin.

Les nuages gorgés de neige de la veille étaient très loin, ainsi, lorsque Sévrar remonta sur sa monture après avoir rendu à la terre sa forme initiale, il put enfin admirer la ville. De l’autre côté d’un immense lac aussi lisse qu’un miroir, s’élevait la cité. L’eau reflétait les bâtiments qui brillaient comme s'ils avaient été taillé dans la glace.

— Les magiciens de cette ville doivent être incroyables, murmura la jeune elfe en observant le tableau qui s’offrait à lui. Allons-y !

Le cheval hennit avec entrain avant de partir au galop. Le vent sifflait dans les oreilles du roux tandis qu’ils contournaient le plan d’eau.

La ville se rapprochait à grande vitesse, le son qu’elle émettait aussi. Car oui, elle faisait du bruit, ou plutôt de la musique. De plus en plus intrigué, Sévrar poussait sa monture à son maximum.

Lorsqu’il fut aux portes, le jeune homme compris enfin. Le vent, en s’engouffrant dans la ville, faisait vibrer les bâtiments faits, semblait-il, de glace.

— Comment est-ce possible, marmonait-il en descendant de l’animal. Durant les tempêtes, le bruit doit être assourdissant.

— La musique guide les voyageurs jusqu’ici lors des blizzards, expliquait l’un des gardes qui l’avait entendu.

— Mais, et les habitants de la ville ? Cela ne les gêne pas ?

L’autre souriait sous son casque avant de lui faire signe d’entrer. Le magicien obéissait, suivit de son cheval. Le mur d’enceinte était très épais, au point que Sévrar n’entendait plus le sifflement harmonieux de la cité. À la lumière des torches, il distinguait plusieurs symboles gravés dans la glace.

— Ces inscriptions me font penser à ceux qu’il y a autour de la porte du bureau de Rowenn, disait à voix haute l’elfe. Ils servent à isoler du bruit, est-il possible que…

Le tunnel se finissait, mais pas sa phrase. Son raisonnement était pourtant juste, la ville était isolée de sa propre musique. Il n’y avait que le bruit des habitants qui vaquaient à leurs occupations. La plupart d’entre eux ressemblaient d’ailleurs à Kala. La peau pâle, les yeux et les cheveux clairs. Les quelques étrangers à cette terre étaient plus que voyant et Sévrar ne dérogeait pas à la règle avec ses cheveux roux. Décidément, il n’arriverait jamais à se fondre dans la masse.

— Excusez-moi, jeune homme, disait une vieille dame dans son dos, le faisant sursauter.

Il se retourna brusquement, prêt à retomber nez à nez avec la vieille du temple d’Adurnoss, mais ce n’était pas elle.

— Oui, madame ? Que puis-je faire pour vous aider ?

— Votre cheval pourrait-il tirer ma charrette jusqu’à chez moi ? Mon propre cheval est malade.

— Oui, avec plaisir.

Il s’avança vers le petit véhicule rempli de divers pots taillés dans la glace et l’accrocha méticuleusement à sa monture.

— Voulez-vous monter ? demanda-t-il en se retournant vers la dame, mais cette dernière avait déjà prise de l’avance.

Il attrapa les rennes du cheval et commença à le guider à la suite de cette nouvelle rencontre. Ils traversèrent de nombreuses rues, zigzagant entre les passants, avant d’arriver devant une petite maison où attendait un vieillard sur le perron.

— Tu en as mis du temps, j’ai cru que j’allais devoir annoncer ton décès, ricannait-il à l’intention de la dame.

— N’y compte pas, ce sera moins qui t’enterrerais. Hory est malade, je l’ai laissé à un ami et ce jeune homme m’a aidé à tout ramener.

L’homme le remercia avant de disparaitre dans le logement. La femme secoua la tête en soufflant et se tourna vers Sévrar :

— A mon tour de vous aider, vous êtes manifestement étranger et vous cherchez surement un endroit où dormir ?

— C’est exact, pourriez-vous m’indiquer une auberge ?

— Non, non, ne vous embêtez pas avec une auberge, dormez donc ici.

— Mais, nous ne nous connaissons pas…

— Allons bon, tu aurais peur de deux vieillards ?

— Non, bien sûr que non. Mais vous…

— Comment t’appelles-tu ?

— Sévrar.

— Enchanté, voila, maintenant, nous nous connaissons. Aller, aide-moi à ranger tout ça.

§

Le repas était servi, une bonne soupe de légume dans laquelle flottait des pommes de terre. Cela sentait délicieusement bon. Ils commencèrent à manger en silence, l’homme au bout de la table semblait ne pas vouloir faire la discussion et la femme, Charlotte, était très concentré à engloutir son bol.

Mais lorsqu’elle eut fini, elle devint immédiatement plus loquasse.

— Que viens-tu faire à Khov ?

— Je fais des recherches sur une prophétie, je suis magicien. Il y a une bibliothèque ou quelque chose dans le genre ici ?

— Oui, évidemment. Mais nous avons quelque chose de bien plus utile. Enfin, ça, c'est à toi d’en juger.

Le jeune homme arrêta de manger, très intéressé. La vieille en profita pour faire durer le suspens.

— Nous avons la table des rêves.

— Qu’est-ce que c’est ?

— La légende dit, que si quelqu’un affublé d’une magie assez puissante dort sur cette table, toutes les réponses à ses questions lui apparaitront dans ses rêves.

— Ne lui raconte pas n’importe quoi, il va mourir de froid s’il dort là-bas, le haut de la ville n’est pas protégé du vent, intervint alors le vieux. Et puis, ce n’est pas parce qu’il est magicien qu’il est obligatoirement assez puissant.

— Que se passe-t-il si je ne suis pas assez puissant ?

— Tu te transformes en glace, lui répondait Charlotte.

— Selon la légende, toujours, marmonna le vieux. Il fait si froid là-haut.

Le repas se finissait plus ou moins en silence. Les garçons mangeaient et Charlotte parlait.

Puis, enfin, ils allèrent se coucher.

Dans le petit lit qui avait appartenu au fils de ses hébergeurs, Sévrar n’arrivait pas à dormir. Cette histoire de table des rêves l’intriguait beaucoup. Si Charlotte disait vrai, elle pouvait grandement raccourcir son voyage. Mais aurait-il la force de survivre, d’après l’homme, il se pourrait que la table ait besoin d’une grande quantité d’énergie. S’il finissait changé en glace…

Non, cela ne pouvait pas arriver, il faisait partie de la prophétie. D’ailleurs, que se passerait-il si l’une des auras disparaissait soudainement ? Était-ce seulement possible ?

Sans vraiment s’en rendre compte, il finissait par claquer la porte de la petite maison derrière lui. La nuit était gelée, le vent n’aidait pas. Le garçon s’en voulait un peu de partir s’en prévenir Charlotte et son mari, il avait laissé un mot, mais ne savait même pas s’ils savaient lire.

Le roux se promit pourtant de repasser par chez eux après avoir fait ce qu’il avait à faire.

Il se souvenait que le vieux avait parlé des hauteurs de la ville, ainsi commença-t-il son ascension. Les maisonnées les plus hautes étaient basses et longues pour ne pas prendre trop de vent, mais ainsi, la rue était à découvert. Plus il montait, plus il renforçait le sort qui gardait l’air autour de lui à une température modérée. Le froid était fort, mais Sévrar aussi.

Luttant contre le vent, il finissait pourtant par arriver au sommet. L’entrée d’une grotte s’ouvrait devant lui, l’air si engouffrait dans un bruit sinistre, mais cela ne fit pas s’arrêter l’elfe. Déterminé, il plongea dans la gueule béante qui l’amena de l’autre côté de la montagne.

Le vent avait disparu, tout était plus calme de ce côté-ci. La lune éclairait la neige, rendant le sol brillant. Sur la corniche, se dressait trois roches taillées, entre elles, une roche plate qui devait être la table. Le tout surplombait une plaine vide de végétation, s’il avait fait un meilleur temps, il aurait presque pu apercevoir Liodas.

Avant tout, le garçon fit le tour de la corniche, observant attentivement les symboles gravés dans la pierre. Il ne fallait pas sous estimer les anciennes magies, elles pouvaient être les plus dangereuses. Le magicien ne voulait surtout pas faire d’erreur, cela pourrait lui être fatal.

Certains idéogrammes lui semblaient familier tandis que d’autres lui étaient totalement inconnus. Les premiers pouvaient vouloir dire que les pierres absorbaient l’énergie magique de l’utilisateur, il n’y avait aucune trace de la contrepartie dont avait parlé les vieux, mais peut-être était-ce les symboles inconnus qui s’en occupait, à moins que ce ne soit qu’une légende.

— Bon, quand il faut y aller, chuchota-t-il en entrant dans le cercle.

Sur la pierre plate où il devait surement s’allonger pour enclencher le processus, Sévrar trouva de nouvelles écritures. Ces dernières avaient pour but de le plonger dans un sommeil plein de rêves.

— Super, rien d’alarmant.

Le roux décida tout de même de créer une sécurité qui lui permettrait, si son énergie descendait dangereusement, de l’extirper de là. Puis, après une dernière vérification, il s’allongea.

Les yeux rivés sur le ciel et ses étoiles, ses paupières se fermèrent doucement.

Immédiatement, le magicien sentit l’énergie le quitter tandis que ce qu’il voyait se colorait. Une scène se dessina alors derrière ses paupières closent.

Il y avait deux femmes, l’une à l’aura noire, surement Sheireen et l’autre à l’aura blanche éclatante. Elles se fusillaient de leurs regards violets similaires. Le décor était flou, mais Sévrar arrivait à comprendre que les deux élues se tenaient sur les restes fumants d’une ville. Chacune tenaient une épée étincelante, elles étaient prêtes à se battre.

La voix de la vieille femme du temple résonna dans ses oreilles : “Si la destruction l’emporte, les auras s'entre-déchireront. Le Diamant combattra l’Obsidienne. Et le monde sombrera dans le chaos.”

Était-ce donc ce qu’il voyait ? La fin de ce monde ?

Il n’eut pas le temps de se poser de question que le temps sembla revenir en arrière. L’aura noire se tenait au-dessus d’un corps inanimé, Sheireen semblait submerger par la rage, son aura ne cessait de croitre, englobant son environnement. Tout à coup, l’aura implosa, plongeant le magicien dans le noir. Une lueur apparue alors, c’était de nouveau la fille à l’aura de diamant, cette dernière semblait purifier les lieux autour d’elle.

“L’aura noire est donc la cause de la destruction, l’aura de diamant son opposé, peut tout arrangé.” pensa le roux.

La scène changea de nouveau.

Sévrar volait maintenant au-dessus de Zalia. Il se sentait pourtant de plus en plus faible, il fallait faire vite. En passant proche de la montagne où son corps se trouvait, il pu voir les pierres briller d’une lumière dorée.

En quelques instants, il fut au-dessus de la Terre Rouge, la fin de son voyage, il sentit son sort l’attirer vers la réalité.

“Non, il faut que je sache…” pensait-il en tirant sur la corde.

Alors qu’il se faisait aspirer dans un trou noir, une silhouette auréolée de rouge apparu devant lui.

Son corps percuta le sol sans ménagement.

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