CHAPITRE 02 — ROXANE

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CW/TW : Stalking (léger).

  Les matins d'automne sont toujours les plus compliqués. La pluie tambourine aux fenêtres, essaye de décourager quiconque de sortir. Le froid revient, plus mordant que jamais, jaloux de ces quelques mois d'été où on a osé l'oublier, cherchant à se venger. En cette période, on a cette impression constante d'avoir un début de rhume, ou d'angine, la gorge qui gratte et le nez qui pique. Les jours raccourcissent, le soleil prépare ses propres vacances en s'absentant de plus en plus longtemps, laissant la place à la nuit et aux nuages.

 Il y a pourtant cette atmosphère un peu magique. Les arbres qui semblent prendre feu alors qu'ils revêtent leurs plus belles tenus. Les écureuils qui fondent vers eux, les bajoues pleines, avant de disparaître dans un nœud où ils entassent leurs réserves pour l'hiver. Halloween approche, et avec lui l'excitation des enfants et de ceux qui le sont restés. Jamais rester au coin de feu, les jambes emmitouflées dans un plaid, avec une boisson chaude et un livre, n'a été si agréable.

 Roxane Wilde adore l'automne. Depuis toute petite. Avec les feuilles de peuplier et d'érables qui recouvrent les trottoirs et la route, et cette odeur si caractéristique de bois mouillé, elle a l'impression que toute la ville se transforme en forêt. Elle aime se promener dans les rues, le nez en l'air, sa musique dans les oreilles, seulement portée par le hasard de ses pas.

 Seulement, ce matin, Roxane n'a envie de rien. Le nez dans sa tasse de thé, les yeux dans le vague, elle se contente de rester là, à la table de la salle à manger, sans mot dire. Il est déjà dix heures passées, et elle vient simplement de s'habiller pour descendre prendre son petit déjeuner.

 C'est le bruit du piano de Nate, qui l'a réveillée. Le valse de Chopin s'est d'abord inscrite délicieusement dans ses rêves, avant de devenir de plus en plus forte et de la tirer doucement du sommeil, le plus beau des réveils. Elle est restée longtemps sous ses couvertures, les yeux encore fermés, à savourer la musique de son frère se répandre dans la maison, s'engouffrer dans chaque pièce, envelopper tout ceux qu'elle croise.

 L'odeur délicieuse des pancakes et du bacon grillé n'avait pas tardé à la rejoindre. Le ventre gargouillant, Roxane avait fini par, de mauvaise grâce, se sortir de la chaleur de ses draps pour enfiler ses vêtements et descendre au rez-de-chaussée en traînant des pantoufles.

 Sa mère n'était déjà plus en cuisine, depuis le temps qu'elle devait être levée, mais une assiette pleine attendait la jeune femme comme le Graal. Elle s'était fait couler un thé et avait mangé lentement, l'esprit ailleurs, encore bercée par la virtuosité de son frère dont les doigts semblait accélérer de plus en plus sur les notes de piano.

 La musique lui reste en tête, longtemps. Même lorsqu'il s'arrête de jouer. Aussi, elle sursaute comme un petit animal traqué lorsqu'il pose une main sur son épaule pour la saluer. Deux fossettes parfaites se creusent dans les joues parfaites de Nate lorsqu'il ricane face à la réaction de sa sœur. Depuis qu'ils se sont vu la première fois, vingt ans plus tôt, il n'a de plus grande passion que de la taquiner allègrement, tous les jours, toute l'année.

 Il se laisse tomber à côté d'elle, passe une main gracieuse dans ses cheveux dorés et, sans même demander la permission, se saisit de la dernière tranche de bacon qu'il dévore comme un affamé. Roxane n'a même pas l'énergie de protester. Non, vraiment, ce matin, elle n'a pas envie.

 — As-tu bien dormi, ô sœur de mes jours et de mes nuits ? demande Nate une fois qu'il a avalé la preuve de son larcin.

 — Ça ne veut absolument rien dire, soupire Roxane.

 — Mais parfaitement que ça veut dire quelque chose. Le jour, tu es ma sœur. Et la nuit, tu es ma sœur. Tu es donc la sœur de mes jours et de mes nuits. Du coup, je réitère ma question : as-tu bien dormi, sœur de mes jours et de mes nuits ?

 — Oui. Mais tu me fatigues déjà.

 Nate glousse avec ravissement alors que Roxane enfoui son visage dans le creux de son coude, dans un espoir vain de se rendormir, là, à même la table de la salle à manger. Elle remet aujourd'hui franchement en doute son amour de l'automne, avec son temps pourri et ses courants d'airs gelés.

 Mentalement, elle essaye de se faire une liste de tout ce qu'elle a à faire pour la journée. Heureusement, la faculté a décidé d'offrir gracieusement à ses élèves leur mardi, jour béni où elle peut rester au lit tranquillement et rattraper son travail en retard. Et quel travail. Ils ne sont rentrés que depuis une petite semaine, et il lui semble déjà qu'elle est accablée de dissertations, de devoirs à rendre et d’exercices en retard. Elle remettra cependant tout ça à cet après-midi. Elle se promet depuis déjà plusieurs jours d'aller se perdre dans les rayons de sa librairie favorite, histoire de faire des réserves pour les prochaines semaines. Elle a épuisé sa dernière fournée bien trop rapidement, finissant même pas piquer sournoisement les livres de littérature classique de son frère. Elle mérite de nouvelles pages à l'odeur charmeuse.

 Elle sent le parfum de son père avant même de l'entendre et de le voir. Une effluve caractéristique, qu'elle reconnaitrait entre mille. Un mélange boisé et de senteur de cuir, légèrement saupoudré d'épices. Elle en imprègne ses poumons alors qu'elle sent un léger baiser se poser sur le haut de son crâne et une large main chaude lui tapoter l'épaule en signe d'encouragement.

 — Allez, les héritiers ! Haut les cœurs ! s'écrie la voix de John Wilde. Je vous rappelle qu'aujourd'hui, votre vieux père a pris sa journée. Alors, qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse ?

 Roxane relève la tête d'un mouvement brusque, comme si on lui avait annoncé que la fin du monde frapperait d'ici l'heure du thé. Elle aime son père, de tout son cœur. Elle pourrait mourir pour chacun des membres de sa famille s'il le fallait. Mais, en temps que jeune femme de vingt-et-un ans qui se respecte, elle n'a pas particulièrement envie de passer une journée entière avec son paternel surexcité. Ils finiraient, elle le sait, par se regarder dans le blanc des yeux sans trop savoir quoi se dire. Il voudrait tout savoir de la vie de sa petite princesse, et elle ne pourrait évidement que lui dire le plus évident, des phrases bateaux qu'il s'attend à entendre. Il la fixerait d'un air navré, mais compréhensif, persuadé qu'elle lui ment, et elle baisserait les yeux, honteuse de le faire.

 — Impossible, répond-elle avant que Nate ne la devance. Je vais à la librairie ce matin et je dois absolument m'avancer dans mon travail aujourd’hui.

 Une tasse de café chaude à la main, John écrase son poing sur sa poitrine et grimace, la flèche de la trahison de sa fille adorée l'atteignant en plein cœur.

 — Donnez-leur un foyer et de l'amour, et voyez comme ils vous remercient ! déclame-t-il d'un air dramatique. En restant le nez plongé dans les livres et leurs feuilles de cours ! Vous ne pouviez pas passer vos journée devant la console, comme tout enfant normal ? Une malencontreuse coupure de courant et le problème eut été résolu !

 — Ça veut dire que je peux passer la journée devant la console ? tente Nate.

 — Hors de question, jeune homme. Puisque ta sœur abandonne cruellement le vieil homme qu'est son père, la tâche t'incombe de m'accompagner au golf.

 — Il pleut des cordes, remarque Nate. Je ferais mieux de rester ici, à jouer du piano. Tu ne voudrais tout de même pas que je tombe ma...

 — S'il pleut, nous irons au club. N'essaye pas de te débiner si tu ne veux pas affronter la fameuse fureur infernale de John Wilde !

 Roxane et son frère échangent un coup d'œil amusé. La fameuse fureur infernale de leur père, ils la connaissent. On la leur brandit sous le nez depuis qu'ils ont respectivement quatre et cinq ans. S'ils l'ont craint pendant les trois premiers mois, ils ont rapidement relativisé lorsqu'ils se sont rendu compte que, face à leurs deux petits visages joufflus, John ne pouvait pas garder les sourcils froncés plus de quelques secondes avant d'éclater de rire ou de leur proposer de la crème à la vanille.

 Si, avec les années, les joues de Roxane sont toujours un peu trop rondes à son goût, celles de Nate ont perdu toutes leurs formes enfantines pour parfaire un visage déjà magnifique. Et pourtant, la fameuse fureur infernale de John Wilde ne s'est toujours pas arrangée. Aussi, la menace ne leur fait-elle pas grand effet. Mais Nate, beau prince, tord sa bouche dans une parodie de cri d'horreur, le souffle coupé par une fausse terreur.

 — Oh, non, pitié, Papa ! gémit-il. Pas la fureur infernale ! Je viendrais avec toi au golf, mais épargne nos pauvres âmes !

 D'un air satisfait, John ricane dans sa tasse.

 — Allez, vas te préparer, on part dans une heure. Et toi, ajoute-t-il en pointant Roxane du doigt, de deux choses l'une. Premièrement, sache qu'un Wilde n'oublie jamais un affront. De ce fait, tu es privé de dessert pendant trois minutes à compté de maintenant. Et pas de discussion. Ensuite, tu devrais voir avec ta mère, elle va à l'hôpital avec son club aujourd'hui, elle pourra sans doute te déposer sur le chemin.

 Roxane sourit alors qu'elle se lève et sautille vers son père d'un pas léger. Se dressant sur la pointe des pieds tant il la domine de sa haute taille, elle pose un baiser sur sa joue couverte d'une belle barbe drue.

 — Bonne journée, mon Papa. Je te promet que la prochaine, on la passera tous les deux.

 — J'y compte bien, jeune fille. J'y compte bien.

 Elle s'éclipse, part à la recherche de sa mère. Il y a, elle l'admet, très peu d'inconvénients à vivre dans une maison gigantesque de trois étages en plein cœur de Londres. Mais l'un d'eux, si ce n'est le principal, est la capacité merveilleuse qu'ont les autres habitants à disparaître dans la multitude de pièces qui composent la demeure. Si elle veut éviter de se poser au pied des escaliers et beugler le nom de la personne désirée pendant dix minutes en espérant qu'elle l'entende, Roxane doit se lancer dans une inspection longue et méticuleuse de la douzaine de chambres, salons et salle de bain dans lesquels ils évoluent tous.

 Elle fini par retrouver Mary au deuxième étage, comme elle s'y était au fond attendu, dans le petit boudoir de lecture. Un épais livre ouvert sur les genoux, elle contemple le feu qui ronronne dans l'insert d'un air absent. Mary a toujours l'air épuisée. Elle n'est pas malade ou exténuée de trop longues années de travail, non, c'est simplement l'impression que donne ses paupières tombantes et son léger sourire. Roxane n'arrive jamais à se défaire de l'idée que le moindre coup de vent un peu trop entreprenant la briserait probablement en deux.

 Lorsque Mary voit sa fille dans l'encadrement de la porte, elle tend la main vers elle pour l'inviter à la rejoindre, dans un geste qui semble la vider de toutes ses forces. Roxane se glisse vers elle et embrasse les cheveux cendrés de sa mère pour la saluer.

 — Bonjour, ma chérie, dit doucement Mary en fermant son ouvrage. Comment vas-tu, ce matin ?

 — Ça va. Papa m'a dit que tu allais à l'hôpital avec le club ?

 — Et il a tout à fait raison, comme toujours. A vrai dire, je pars dans – elle jette un coup d’œil à la fine montre argentée qui orne son poignée – oh ! dans une demi-heure ! Tu veux nous accompagner ?

 — Non merci, mais je me demandais si tu pouvais me déposer à la librairie, sur le chemin ?

 Mary pose une main fine, fraîche, sur la joue rose de sa fille et plonge ses yeux dans les prunelles émeraude de Roxane.

 — Comment dire non à un visage pareil, sourit-elle. Évidemment que je te dépose. Ne me mets pas en retard, en revanche, sinon Janet Bradshaw va nous faire un arrêt cardiaque.

 — Au moins, elle sera déjà sur place.

 Mary lève les yeux au ciel avec un petit rire, l'air faussement choqué devant l'humour de sa fille, et congédie Roxane d'une petite tape affectueuse sur la hanche. La jeune femme ne se fait pas prier, et file dans sa chambre. Elle a une demi-heure pour se préparer.

 Lorsqu'elle aperçoit son reflet dans le miroir accroché à son armoire, elle pousse un long soupire. Son jean est troué, son sweat, emprunté à Nate quatre ans plus tôt sans aucune intention de lui rendre, est trop grand et les boucles de ses cheveux roux semblent la défier de tenter de les dompter. Elle reste un instant interdite, fixant sa propre image immobile qui la nargue. Se changer ou ne pas se changer, telle est la question.

 Sans trop savoir pourquoi, ni comment, son regard glisse vers le bas de sa penderie. Son cœur se frigorifie dans sa poitrine, ses organes remontent dans sa gorge, ou descendent dans ses talons, elle est incapable de le dire. Le souffle coupé, elle vérifie que la porte de sa chambre est bien fermée avant de se jeter sur le sac noir qui dépasse sous ses robes. Elle écarte les vêtements d'un geste brutal, sans aucun intérêt pour les tenues qui tombent en désordre sur le sol. L'oxygène revient à ses poumons par à-coup alors qu'elle remarque que la fermeture éclaire qui protège son secret est encore en bonne place, le petit cadenas parfaitement fermé. Elle se laisse tomber sur le sol, soudainement épuisée par cette montée d'adrénaline.

 Tout va bien.

 Personne ne sait.

 Elle se passe une main tremblante sur le visage, la respiration encore hachée. Ça ne peut plus continuer. Chaque fois qu'elle voit le sac légèrement décalé dans son armoire, elle est prise d'une panique maladive, l'angoisse lui sert la gorge. Personne ne peut savoir, personne ne doit savoir. Et elle a l'impression de jouer avec le feu un peu plus chaque jour. Elle ne peut pas rester là, dans la grande maison familiale, alors que sa... condition, risque d'être exposée au su de tous. Elle y a déjà pensé, plusieurs fois. Et ça ne paraîtrait pas étrange, de la part d'une étudiante, de vouloir prendre son indépendance. Sans compter qu'elle est certaine que ses parents l'aideraient plus que généreusement. Mais il y a toujours quelque chose qui la retient ici, dans cette immense maison qui l'a vu grandir. La nostalgie, peut-être. La peur. Nate.

 — Roxane ? On y va, ma chérie !

 La voix de sa mère l'arrache à ses pensées. Elle referme la porte coulissante de sa penderie avec soin, glisse un minuscule morceau de papier à quelques centimètres du sol. Si quelqu'un vient fouiller dans ses affaires, au moins elle sera au courant. Elle attrape son sac et le jette sur son épaule, enroule une écharpe autour de son cou alors qu'elle descend les escaliers en trombe.

 Ne rien montrer.

 Ne rien laisser paraître.

 Jamais.

***

 La petite libraire, au cœur d'un boulevard, est coincé entre deux bâtiments deux fois plus haut qu'elle, ce qui donne l'impression constante qu'elle est en train de se faire presser jusqu'à la moelle, et la rend presque ridicule. De fait, peu de personnes ne prenaient la peine de pousser la petite porte aux vitres poussiéreuses et les rayonnages ne partageaient leurs trésors qu'avec le silence. Beaucoup préféraient aller faire leurs emplettes dans des magasins plus grands, plus connus et plus fournis que celui-ci.

 Pourtant, depuis plusieurs années, Roxane ne pouvait se résoudre à faire la moindre infidélité à Shakespeare and Co. tant elle aime la petite boutique, de son atmosphère à l'odeur de papier et de poussière, à son éclairage tamisé, en passant, évidemment, par Perks. Le libraire n'était certes pas l'homme le plus aimable du monde – il grognait plus qu'il ne parlait – mais il l'avait prise en affection et lui grommelait dessus un peu moins qu'aux autres. De temps en temps, il gardait même un livre à son attention derrière le comptoir élimé, ouvrage qu'il avait soigneusement choisi pour elle.

 Lorsque sa mère la dépose devant le petit commerce et qu'elle en pousse la porte, le chant habituel est la seule chose qui accueille Roxane. Derrière son comptoir, Perks a les yeux rivés sur les rayonnages, fixant un point qu'elle ne peut pas voir, maugréant des malédictions dans sa barbe. Un nouveau client, sans doute. Certes, il était difficile d'imaginer que quelqu'un puisse avoir l'idée de dérober un livre, surtout ici, mais la boutique n'avait aucun système de sécurité et il était facile de glisser un ouvrage sous son pull avant de sortir les mains dans les poches. Aussi, le libraire était-il particulièrement vigilant dès qu'une personne autre que ses clients habituels passait la porte de sa librairie.

 Même s'il ne la regarde pas, Roxane adresse un petit signe de la main au vieil homme et se dirige d'un pas sûr vers le rayon des policiers, à la recherche de Thomas Harris. Si elle s'est promis de s'acheter de nouveaux romans, son exemplaire du Silence des Agneaux risque de s'effriter entre ses doigts dès qu'elle osera l'ouvrir de nouveau. Or, il est absolument hors de question qu'elle passe plus de deux mois sans retrouver Clarice Starling et le Docteur Lecter.

 Elle laisse glisser sa main le long des rayonnages, survolant des yeux les noms des auteurs jusqu'à, enfin, trouver le livre tant convoité. Alors qu'elle attrape une copie neuve de son livre de prédilection, une odeur nouvelle vient lui chatouiller les narines, une odeur qu'elle n'a jamais connu jusque-là, mais qui dégage pourtant quelque chose de familier. Un mélange de cigarette froide, de sucre et de... de... Elle se retourne, peut-être un peu brutalement, et se retrouve nez-à-nez avec un torse vêtu de noir. Elle relève son nez couvert de tâches de rousseur pour dévisager l'inconnu plongé dans un livre, tout en sachant pertinemment que c'était là le meilleur moyen de paraître louche et étrange.

 Le jeune homme, sans qu'elle ne puisse vraiment mettre le doigt dessus, a un petit quelque chose, une aura, qui lui donne envie de prendre ses jambes à son cou. Pourtant, si ce n'est sa haute taille – il la dépasse d'une bonne tête – rien dans sa posture ou son physique ne paraît très menaçant. Ses cheveux noirs auraient peut-être bien besoin d'un coup de ciseaux, et sa bouche, pleine et rose, laisse deviner un sourire en coin, mais rien qui ne lui semble redoutable. Elle ne peut même pas voir ses yeux, baissés sur l'ouvrage qu'il tient entre les mains, seulement ses longs cils bruns qui balaient l'air devant eux et qui font d'avantage penser à ceux d'un âne que d'un redoutable prédateur. Non, il n'a pas l'air dangereux. Seulement... suspicieusement beau. Mais pourtant, il y a quelque chose. Elle se retient de le renifler de nouveau, au risque de passer pour une folle.

 Il doit se sentir observé, car il s'arrache à la contemplation de son roman pour lever la tête vers elle. Elle déglutit avec difficulté. Ce n'est pas tant la taille de ses yeux qui la frappe, ni même leur couleur – quoiqu'ils soient d'un bleu étrange, un peu trop clair pour être honnêtes – mais plutôt ce qu'elle peut y lire. Elle connaît se reflet, pour l'avoir rencontré de trop nombreuses fois dans son propre reflet durant les nuits sombres. Une lueur sanguinaire, terrifiante. Étrangement, elle est persuadée d'être la seule au monde à pouvoir l’observer, tant elle est sournoise, vicieuse.

 L'inconnu se contente pourtant de lui offrir un petit sourire charmeur avant de tourner les talons et de disparaître dans le rayon voisin. Elle reste un instant en suspend, n'osant qu'à peine respirer. Elle ne sait pas ce qu'elle a vu. Elle ne sait pas qui elle a vu. Mais quelque chose remue au fond de ses entrailles, un instinct primal qui lui hurle de fuir. Elle ne prend même pas la peine de récupérer ce pour quoi elle est venue. Elle se contente de tourner les talons et de fuir la boutique, fuir cet homme étrange qui la perturbe tant.

 Elle hésite un instant sur le chemin à prendre. Elle ne sait pas si elle veut errer dans les rues, jusqu'à oublier, jusqu'à ce que la peur quitte enfin son corps, ou s'enfouir sous ses couvertures jusqu'à ce que l'ambiance sécurisante de son foyer ne la rassure complètement. Elle coupe la poire en deux, décide de rentrer à la maison en passant par Kensington Garden. Elle aime ces moments de tranquillité, seule, ces quelques minutes, quelques heures, si elle est chanceuse, durant lesquelles personne ne lui adresse la parole. Elle peut enfin se perdre dans ses pensées, sans risquer de vexer quiconque de par son inattention. Et quelles pensées.

 Malgré les efforts constants des employés communaux, les feuilles jonchent inlassablement le sol. Les chiens prennent un malin plaisir à sauter dans la terre humide avant de revenir en bondissant vers leurs propriétaires, les pattes boueuses et le poil mouillé, un air de ravissement complet sur leurs museaux poilus. Quelques nourrices ont décidé de profiter de cette brève éclaircie, probablement une des dernières de l'année, pour sortir les enfants, et l'air de jeu est rempli de rires joyeux et de cris agacés. Roxane ralentit pour laisser passer un petit écureuil courageux qui traverse le chemin à la vitesse de l'éclair avant d'aller se percher dans un arbre au cas où l'un des chiens aurait la soudaine envie de jouer avec lui.

 Tous les gens qu'elle croisent semblent merveilleusement heureux, sans le moindre souci, simplement ici pour savourer l'instant présent. Elle aurait adoré être comme eux. Insouciante. Elle ne se souvient pas de la dernière fois qu'elle a passé ne serait-ce qu'une heure sans avoir peur, sans se poser une myriade de questions sans réponses sur ce qu'elle est, qui elle est... Son frère finit en général par la tirer de ses réflexions, volontairement ou non, mais elle garde cette impression constante qu'elle finira un jour par se noyer sous ces vagues d'incertitudes. Elle frissonne à la seule idée d'y penser et rentre légèrement la tête dans les épaules.

 L'horrible pressentiment que lui a fait l'inconnu dans la librairie refuse catégoriquement de se dissiper, et s'il y a bien une chose qu'elle a appris au fil des années et de toutes ses nuits sombres, c'est de toujours se fier à son instinct. Cette homme est dangereux. Elle ne sait pas pourquoi, elle ne sait pas comment, mais elle sait, au plus profond d'elle, que quelque chose d'absolument à trop pointe à l'horizon. A cause de lui. Quelque chose qui risque de changer le cours des choses. De façon irréversible. Et cette seule pensée la tétanise. Elle tient trop à son confort, à la sécurité que lui apporte son nom pour se permettre de tirer un trait dessus. Et, pire que tout, elle craint que quelque chose n'arrive à son frère. Si c'était le cas, si le moindre mal venait à s'abattre sur lui, elle ne se le pardonnerait jamais. Les pulsions qui la rongent de l'intérieur depuis des années l'ont forcée à bien des sacrifices, et elle s'est toujours senti responsable de la sécurité de Nate. Elle fera tout ce qui est en son pouvoir pour le protéger.

 Plus ses pas la mènent à travers Kensington, plus elle se rapproche de Orme Court, plus elle sent son cœur se serrer. Elle est incapable de chasser l'angoisse qui l'étreint depuis qu'elle a quitté la boutique. Lorsque son foyer est plus clairement en vu, elle aperçoit la silhouette sombre qui attend devant le perron. Elle déglutit avec difficulté.

 Plus elle s'approche, plus le corps, adossé contre une colonne de la maison, se fait distinct. Petit à petit, elle reconnait la veste en cuir, le jean troué et les cheveux légèrement trop long. Elle jette un coup d’œil nerveux à son téléphone. Sa mère ne devrait pas rentrer de l'hôpital avant une bonne heure, encore, et Nate et leur père sont déjà probablement partis au golf. Si elle doit se défendre et commettre l'irréparable, sa famille ne la verrait pas. C'est déjà ça. Discrètement, elle glisse une main dans son sac et ses doigts se referment sur le petit manche de bois qui ne la quitte jamais. Elle le glisse dans sa manche et continue sa marche d'un pas qui, elle l'espère, se veut le plus assuré possible.

 C'est lui.

 Elle en est certaine, maintenant. Lorsqu'il la voit arriver – elle le soupçonne cependant de l'avoir repérée bien avant – il se redresse légèrement et balance sa cigarette dans le caniveau d'une pichenette désinvolte. Elle serre les dents Comme quelques minutes plus tôt, il lève vers elle ses yeux trop bleus et lui adresse un petit sourire. Sans trop savoir pourquoi, elle a envie de lui arracher les entrailles. Elle parvient, avec toutes les difficultés du monde, à se retenir. Dans le fond, rien ne dit, pour l'instant, s'il est réellement mal intentionné.

 Peut-être est-ce du au hasard, s'ils se sont croisés à la boutique. Peut-être veut-il tout simplement parler à son père. Peut-être l'a-t-il reconnu, à Shakespeare and Co. et que c'est simplement un de ces énergumènes étranges, obsédé à l'idée de croiser quelqu'un de connu. Après tout, son visage s'est déjà retrouvé une ou deux fois dans le journal. Mais Roxane a appris à ne jamais croire au hasard.

 Elle s'arrête à sa hauteur. Attend qu'il prenne la parole. Elle ne lui tournera pas le dos tant qu'elle n'aura pas une idée précise de ce qu'il veut, et qui il est. Mais elle ne va pas non plus lui donner le plaisir d'engager la conversation. Le silence qui suit lui semble atrocement long. Chaque seconde s'égraine avec lenteur, s'étire au possible, racle les tréfonds du temps.

 Le sourire de l’inconnu ne fait que s'agrandir.

 — Il faut bien que je t'avoue, Roxane, que je suis un très grand fan. Très admiratif de ton travail. Si capable, et tout ça sans entraînement, c'est vraiment magistrale.

 Le cœur de la jeune femme manque un battement. Une petite voix sournoise, dans les tréfonds de son esprit, lui souffle qu'il ne parle pas de son travail universitaire. A-t-elle manqué de discrétion, ces derniers temps ? Pas qu'elle le sache. Elle attend toujours l'heure la plus noire de la nuit avant de se faufiler à l'extérieur, vérifie toujours qu'elle n'est pas suivie, et n'utilise rien dont le bruit aurait pu attirer l'attention. Même le plus fin des observateurs, s'il ne savait pas précisément ce qu'il cherchait, n'aurait pas su la distinguer dans les ténèbres nocturnes.

 Elle tente de ne rien laisser paraître, ses mâchoires se contractent davantage. L'intrus s'approche. Elle recule brusquement. De nouveau, l'odeur de sucre et de cigarette lui emplie les narines, avec en fond... cette odeur. Elle en est sûre, maintenant. Elle la connait trop pour pouvoir la confondre avec quoi que ce soit d'autre.

 Il tend la main vers elle, sans doute pour qu'elle la serre, mais elle se contente de regarder ses doigts avec méfiance. Il ricane. Laisse son bras retomber le long de son corps.

 — Ne t'en fais pas, sourit l'étranger. Avec moi, ton secret est en sécurité. Je ne dévoilerais pas qui tu es. Ce que tu es. Ce que tu es vraiment.

 Il insiste sur le dernier mot et Roxane sent toute couleur disparaître de son visage. Il a une voix douce. Grave, un peu rocailleuse, mais douce. Mais ses paroles, malgré tout le charme qu'il tente s'insuffler à son ton, sont plus piquantes que mille aiguilles. Le poing de la jeune femme se resserre sur le manche de bois et, à une vitesse étourdissante, dans un geste rendu expert par les années, un éclair d'argent surgit de sa manche. Elle va se jeter sur lui. Lui arracher la langue, pour lui faire comprendre combien elle est normale. Sans histoire.

 Il ne se laisse pas démonter. Ne cille même pas. Il se contente de reculer d'un pas et d'écarter les pans de sa veste, jusqu'à découvrir un Colt 1911 accroché à sa ceinture.

 Nauséeuse tant elle a envie de voir le sang de l'homme couler, Roxane tente de réfréner la douleur qui lui tord le ventre. S'il est plus rapide qu'elle, ce dont elle n'a étrangement aucun doute, sa lame ne fera pas le poids face à une balle entre les deux yeux.

 — Roxane, ma douce, qu'est-ce que tu crois ? Que j'allais venir te trouver, uniquement muni de mon charmant sourire et de mes beaux yeux ? Ce sont des armes redoutables, je veux bien te l'accorder, mais ne sois pas stupide. Tu sais bien que les gens comme nous ne se séparent jamais de leurs armes.

Comme nous. Les deux mots résonnent dans l'esprit de Roxane plus longtemps qu'ils ne devraient.

 — Tu as parfaitement entendu, ajoute-t-il avec un sourire de plus en plus large. Comme nous. Comme toi. J'ai les mêmes besoins que toi. Les mêmes envies. Et si je suis là aujourd'hui, c'est dans l'idée de te faire une magnifique proposition.

 — Une pro...

 Elle se mord la lèvre. Si elle n'a pas fini sa phrase, elle lui a tout de même entrouvert la porte, donné une infime partie de son attention. Et il n'en faut pas plus à l'étranger pour s'engouffrer dans l'ouverture qu'elle lui propose. Son sourire, jusque-là simplement arrogant, devient franchement victorieux. Il sort un paquet de cigarettes de la poche de son jean, sa partie est gagnée.

 — Mais tout à fait. Une proposition. Et pas des moindres. Tu vois, je suis bien placé pour savoir que les personnes comme nous sont seules. Ne me dit pas le contraire, ajoute-t-il alors qu'elle n'a pas la moindre intention de rajouter quoique ce soit. Même entourés d'une famille, de soi-disant amis, on est seul avec nos besoins, parce qu'ils ne pourront pas comprendre, ils ne pourront jamais comprendre. Tu seras seule avec ton secret. Et si tu décides un jour de leur dire, tu seras seule avec ta honte et l'ignominie qu'ils voudront te faire porter sur le dos.

 Roxane sert un peu plus les dents. Les mots de l'intrus trouvent un écho en elle qu'elle refuse d'entendre. Autour du manche de son cran d'arrêt, ses doigts tremblent imperceptiblement. Il a raison. Mais elle veut qu'il ait tord. De toutes ses forces. Elle ne sera jamais seule, tant que Nate sera là. Elle ne sera jamais isolée, tant que ses parents veilleront sur elle. Et pourtant, souffle la petite voix derrière son oreille. Tu sors seule, la nuit. Tu as peur seule. Tu souffres seule.

 — Nous ne sommes qu'une poignée, dans tout le pays, continue l'inconnu. La plupart d'entre nous ne pensent qu'à s'entre-déchirer pour savoir qui aura le plus de pouvoir à la fin de la journée. Les idiots n'ont toujours pas compris que c'était moi. Ils ne m'arrivent pas à la cheville. Mais toi... Oh, toi !

 Il écarte les bras, pour illustrer son propos. Mais Roxane ne voit rien de ce qu'il semble vouloir lui montrer dans le vide entre ses mains.

 — Tu es parfaite. Je te veux, Roxane. Je te veux à mes côtés, qu'on parcourt les routes ensemble, sans autre soucis que de laisser parler qui nous sommes vraiment. Ne plus se cacher. Ne plus mentir. Régner sur le monde.

 Elle ne répond toujours pas, bien qu'un flot d'insultes remonte le long de sa gorge et lui brûle les lèvres.

 — On peut entrer ? dit-il en pointant la porte du doigt. Ce serait tout de même plus confortable pour discuter.

 Il fait mine de se diriger vers la maison. Roxane ne réfléchit, ne calcule pas son geste. Elle bondit sur les marches du perron. Brandit le couteau, juste sous sa gorge. S'il s'avance d'un pas de plus, elle lui tranche la carotide. Il est hors de question qu'il passe la porte de son foyer, cette maison qui porte tant de sécurité en elle. Il ne fera que la souiller, déchirer la bonté de la demeure avec son aura répugnante. Il lui donne envie de vomir. Pas seulement de par ses propos, mais à cause de cette lueur d'amusement, lorsqu'il parle de leur nature. Comme s'il se délectait de ce qu'ils étaient obligés de faire pour survivre.

 Il sourit de nouveau, tire une latte de sa cigarette et prend absolument tout son temps pour recracher la fumée, en plein dans le visage de la jeune femme. Elle se retient pour ne pas tousser. Plutôt crever que d'admettre que le moindre de ses gestes puisse l'atteindre.

 — Tu sais, reprend-il calmement, j'essaye vraiment d'être poli, depuis tout à l'heure. Mais si tu avances ce couteau ne serait-ce que d'un centimètre de plus, je t'arrache les entrailles.

 Elle le croit. Elle n'a aucun mal à le croire. Chaque mot qu'il a prononcé, depuis l'instant où elle est arrivée à sa hauteur, n'est que pure vérité. Et elle sait qu'il sera plus rapide, fort et incroyablement plus brutal qu'elle, malgré toute la rage qu'elle pourrait mettre pour se défendre.

 — Tout ce que tu endures sera terminé, Roxane. Une vie de rêve. Plus la peine de te cacher de ta famille et...

 — Bien sûr que si.

 Cette fois-ci, elle n'arrive plus à tenir sa langue.

 — Je refuse de les mêler à ça. Peu importe ce que je fais, où je vais, je leur masquerais toujours la vérité. Ils ne sauront rien.

 — Tu ne comprends vraiment pas, n'est-ce pas ? Si tu viens avec moi, si tu me rejoins, ils ne seront plus un problème. Plus un fardeau. Tu ne les reverras plus, et tu n'auras donc plus besoin de mentir.

 Si Roxane avait hésité, ne serait-ce que le temps d'un battement de cil, à le suivre, sa décision est désormais radicale et sans appel. Jamais elle ne renoncera à ses parents. Jamais elle n'abandonnera Nate. Il est tout ce qu'elle a, son univers. Depuis le jour où on l'a déposée à l'orphelinat, et jusqu'à aujourd'hui, ils n'ont jamais été séparés plus de quelques heures. Et elle refuse qu'il en soit autrement. Et cet individu étrange, terrifiant, s'attend à ce qu'elle lui tourne le dos, d'un simple claquement de doigts ? Elle en rirait si la situation n'était pas aussi tragique.

 Elle rétracte la lame du couteau d'une pression sur le métal, le range soigneusement dans la poche de son jean. Sans un mot, elle tourne le dos à l'inconnu. Sort les clés de son sac. Elle ne se retourne que lorsque la porte d'entrée émet le petit cliquètement qui lui indique que la serrure est déverrouillée.

 — Écoute, dit-elle de son ton le plus calme. Je ne sais pas qui tu es. Je ne connais même pas ton nom. Mais j'ai, apparemment, besoin de clarifier quelque chose. Jamais je ne quitterais ma famille pour suivre un taré dans ton genre. Jamais je ne les laisserais seuls. Jamais. Malgré tes paroles mielleuses et pleines de promesses, tu ne me feras pas leur tourner le dos. Maintenant, pars. Pars, et ne reviens jamais.

 Elle s'engouffre dans la maison, et claque férocement la porte derrière elle. Elle n'a pas envie d'attendre sa réaction. Elle s'appuie contre le chambranle, complètement sidérée. Lorsque son frère ramenait des amis à la maison, quand ils étaient petits, ceux-ci étaient toujours sidérés par les hauts murs et les immenses pièces richement décorées de la bâtisse. Elle en connait chaque coin, chaque angle... Elle aime cette maison, et les années qu'elle a passé entre ses murs, d'un amour profond. Pourtant, aujourd'hui, jamais son foyer ne lui a semblé si étriqué. Les murs se resserrent autour d'elle, la menacent de leur haute taille, cherchent à l'étouffer.

Qu'est-ce qu'il vient de se passer, putain ?

 Elle s'attend à se réveiller, à tout instant. S'extirper de ce cauchemar poisseux.

 Le plus discrètement possible, elle se glisse vers les petites fenêtres qui encadrent la porte, ses pieds touchant à peine le sol comme si le moindre craquement de parquet risquait de déclencher l'apocalypse. Elle jette un rapide coup d’œil à l'extérieur, priant le ciel pour que l'inconnu ne la repère pas. Elle ne veut pas lui donner la satisfaction de penser qu'elle puisse avoir des remords, ou qu'il lui a fait peur.

 Personne.

 Il a disparu.

 Elle se laisse tomber à même le sol. Une larme roule le long de sa joue. Nerveuse. Triste. Haineuse. Terrifiée. Elle ne sait pas. Elle ne sait plus. Elle s'en fou bien, après tout. Elle a envie de vomir. De hurler. D'appeler sa maman et de pleurer dans ses bras jusqu'à s'endormir sur ses genoux, épuisée. Vidée.

 Dans sa poche, son téléphone émet une brève vibration. Il lui semble qu'elle épuise toute ses forces par le simple fait de sortit l'appareil et de regarder l'écran.

 Un numéro inconnu.

 Deux mots.

 La nausée, de nouveau.

Donovan Gray.

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