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Le Père Baptiste participait aussi très souvent. Ce vieil homme adorait venir s’asseoir à l’une des tables élevées spécialement pour l’occasion, il y restait là de longues heures, stoïques, scrutant avec attention tout ce qui se tramait aux alentours.

Les festivités se prolongeaient toute la nuit durant, la musique résonnait. Comme pour faire pâlir d’envie les bourgades avoisinantes, les occupants prenaient plaisir à chantonner l’hymne du village dès l’ouverture du banquet, chacun y donnait de la voix.

Ce même rituel se répétait inlassablement à chacune de ses fêtes. Les plus anciens se bousculaient afin d’entamer la mélodie les premiers, eux qui ont vu de leurs yeux se profiler les heures les plus sombres du village, savaient pertinemment ce que la cohésion de tous représentait. Ils souhaitaient par cette action, exacerber l’unité.

Tous avaient d’ailleurs donné de leurs personnes pour cette bourgade, Charles perdit un œil durant la Grande Guerre, Léon fut amputé de la jambe. Marc, le plus bavard d’entre eux, quant à lui, prit même l’initiative lors de la dernière soirée organisée, d’exhiber fièrement sa blessure à la fesse gauche.

Ce fragment de balle jamais retiré constituait pour lui son plus beau fait d’armes. Inutile, de préciser que le triste spectacle de cet homme âgé de quatre-vingt-huit ans, le pantalon baissé et le postérieur à l’air, n’amassait pas foule.

Mais lui ne s’en souciait guère, il hurlait au visage de tous sur un ton qui en agaçait plus d’un.

— Sans mon flasque derrière, vous parleriez tous allemand !

Marc demeurait ce que l’on peut appeler « un bon vivant », il se déplaçait de stand en stand, goûtant frénétiquement cette niôle que lui offraient généreusement les villageois.

Lentement mais surement, ses propos devenaient de plus en plus incohérents au fil de son avancée à travers le parvis. Même les quelques personnes admiratives de cet héroïque postérieur ne comprenaient pas comment cette blessure lui fut réellement infligée.

Un coup, un Allemand lui tirait dessus, alors qu’il tentait de fuir. Une autre fois, à lui seul fait battre en retraite tout un escadron ennemi.

Quoi qu’il en soit, personne ne doutait un instant de la véracité, de ses dires, et ce malgré le fait, que sa version changeait à chaque verre d’alcool absorbé.

Le prêtre Baptiste, vraisemblablement agacé par la vision de cet homme imbibé, proférant des propos incohérents, bondit de sa chaise, l’attrapa brutalement par la manche, l’emmena à quelques pas de la foule.

Et sur un ton ferme, lui dit.

— Qu’est-ce que les gens vont penser de toi ? Quel triste spectacle offres-tu à la vue de tous ? Un ancien combattant cul nul ! Regarde-toi, tu n’arrives même plus à te tenir debout ! Tes phrases ne veulent rien dire ! Tu n’as pas honte de ce que tu es !

Lui tenant tête, le fixant droit dans les yeux.

Marc semblait très peu impressionné par le discours moralisateur du prêtre.

Lui s’était toujours tenu à l’écart de ses braves hommes d’Église, garants de la bonne conscience et propagateur

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