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de valeurs qui n’apparaissaient plus ressembler aux siennes depuis bien longtemps.

Il n’accordait que peu d’importances aux conventions sociales, aux apparences, et à tout ce qui en général venait à lui dicter sa conduite. Il ne possédait d’ailleurs rien à lui aucune famille pas d’enfant, pas de domaines aucune terre.

Dormant très souvent à même le sol à la bonne étoile, et ce malgré son âge avancez. Il se contentait de ce que la vie daignait bien lui offrir, une soupe de temps à autre, un bout de pain par-ci par-là. Il se portait généralement volontaire pour aider aux travaux des fermes, un sourire en guise de paiement lui suffisait amplement.

Il marchait la plupart du temps ivre à travers les rues, les vêtements déchirés, le béret de travers, la chemise ressortie de son pantalon taché.

Il n’impressionnait certes pas grand monde accoutré de la sorte, et ne possédait pas le charisme que l’on imaginait lier à son âge, mais qu’importe.

Cette existence, il l’avait choisie ! Aussi sordide soit-elle, d’apparence pour autrui, elle lui convenait parfaitement !

Les gens le croisaient de bon matin et il les saluait tous exhibant chaque fois son plus beau sourire afin de conjurer le sort. Et ce même quand ses semblables tiraient la tronche et ne lui renvoyaient en retour qu’un regard mesquin. Lui ne s’en offusquait pas ! Non ! Il savait pertinemment, mieux que quiconque, que cette vie n’octroyait de cadeaux à personne et que ce qu’elle donnait d’une main, elle le reprenait de l’autre bien plus violemment.

Donc, à quoi bon arborer sa mine d’enterrement ? Même si son sourire ne laissait apparaitre que trois dents de travers, et qu’il s’agissait là de sa seule possession, il l’offrait de bon cœur à n’importe qui.

Il demeurait tel un symbole de liberté que peu de gens décelaient en lui, mais que tous lui enviaient inconsciemment.

L’église il la fuyait comme la peste ! L’uniformisation de la société, voilà ce que représentait pour lui cette grenouille de bénitier qui prêchait son conventionnalisme à tout va, les forts d’un côté et les faibles de l’autre. Inutile de préciser à quelle cause s’étaient ralliés ceux-là depuis des millénaires.

Marc, fier comme un paon, adorait se pavaner à cette misérable fête de village, et bien entendu la manière lui faisait défaut.

Oui, sa consommation d’alcool excessive lui occasionnait du tort ! Non, il ne se lavait pas tous les jours ! Oui, il demeurait grossier et vulgaire ! Et puis quoi ?

Cette balle dans sa fesse gauche représentait peut-être le seul accomplissement de sa vie ! Tout le monde lui avait tourné le dos, toute sa vie durant, et ce depuis son plus jeune âge.

Quoi qu’il en soit, les mots du prêtre l’agaçaient au plus haut point. Des dizaines avant celui-là, se succédèrent les uns après les autres, et plus d’un se trouvaient exaspérer par sa personne, mais aucun d’entre eux n’a jamais osé lui parler de la sorte !

Mais cette fois-ci, le marteau frappa l’enclume si fort qu’il s’en retrouva brisés. Comment résister face à la meute ? Tous adoraient cet homme, les gens se délectaient de ses paroles tous les dimanches, chacun puisait dans ses prêches un réconfort certain.

Certes, il demeurait saoul, mais l’ivresse de la colère dépassait largement celle de l’alcool ! Et cela n’avait pas grand-chose à voir avec les remontrances du prêtre, qui n’ont provoqué qu’une légère égratignure à sa dignité disparue depuis des décennies maintenant.

Ce qui le peinât le plus, dans toute cette histoire, c’est que celui-ci, lui avait serré si fort le poignet en voulant attraper sa manche, qu’il ne put pour ainsi dire plus le bouger.

Ce déploiement de force inutile n’offrait qu’une seule justification, celle d’asseoir sa supériorité et de le rabaisser devant tout le monde. Ce vieil homme souffrait donc en l’occurrence d’une autre blessure bien plus préoccupante et qui apparaissait de fait beaucoup plus discrète.

Il s’agissait d’une lésion à son amour propre, et ce genre de dommage ne pouvait pas se soigner aussi facilement qu’un os déboité.

Effectivement, tous eurent l’occasion d’admirer de leurs yeux grands ouverts cet individu trainé par un prêtre tel un enfant qui se verrait asséner une correction.

Le regard de tous ces gens fixés sur lui devenait de plus en plus difficile à supporter. Qu’envisageait-il pour laver cet affront ? Il ne pouvait quand même pas entreprendre de se battre avec lui. Impossible pour son âge, même si ce n’est pas l’envie qui lui manquait.

Il savait qu’il ne suffisait pas de désirer quelque chose pour que cela se produise ! Il devait clairement se rendre à l’évidence, ses bras s’alourdissaient, ses mouvements devenaient lents, sa vision faiblissait. À peine aurait-il eu le temps de lever la main sur cet individu, qu’il se serait retrouvé à terre.

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