Chapitre 6
Topaze —
Quelques jours sont passés depuis l’épisode du bar. Quelle cuite j’ai prise ! J’ai enchaîné les gins comme si c’était des bonbons… Enfin, au moins, l’idée du voyage m’est restée en tête. Franchement, j’aimerais vraiment que ça se fasse. Reste à convaincre Amber d’y aller aussi.
J’entre dans l’immeuble où se trouvent les bureaux de l’entreprise. Ce n’est pas un métier facile, mais j’ai su gravir les échelons. Je suis la plus jeune commerciale de la boîte, et pourtant, mes chiffres sont excellents !
Je prends l’ascenseur jusqu’au troisième. Petit coup d’œil rapide dans la glace : mes cheveux sont bien ondulés, bien coiffés. Maquillage léger mais frais — un peu de poudre, du blush, un joli gloss. Il ne m’en faut pas plus ! Niveau tenue, rien de très original mais c’est propre : tailleur bleu ciel, chemisier en soie blanc cassé, escarpins assortis. Une vraie working girl.
Mon bureau, c’est un open space partagé avec quelques collègues. Le mien est simple mais plutôt élégant : un plateau en bois noir, avec des zones en cuir où m’appuyer pour écrire. Pieds en inox brossé, design sobre. Bon, à vrai dire, la partie cuir ne sert pas à grand-chose… je tape 95 % de mon temps sur le clavier.
Je me mets au travail. Pas mal de choses à gérer aujourd’hui, alors j’avance à fond. Jusqu’à ce que… mon regard glisse sur le bureau de David. Vide. Je sens une boule dans le ventre. C’est ça, la culpabilité ? Non. Stop. Pensée parasite, là. Je ne regrette rien. Ce qui est fait est fait. Et puis David s’est comporté comme un connard à de nombreuses reprises. Les remarques misogynes, j’ai arrêté de les compter. Alors non, ce n’est pas aujourd’hui que je vais avoir de la pitié pour lui !
Les heures passent. J’ai enfin terminé ce que j’avais à faire — avec une bonne heure de retard. Je suis l’une des dernières à quitter les lieux.
Ce soir, je passe chez Amber. Elle a accepté qu’on se voie. Je suis trop contente ! On passait presque toutes nos soirées ensemble, elle et moi, avant… Maintenant, c’est plus rare. J’espère lui remonter un peu le moral. Et surtout — objectif : lui parler du voyage.
Tricia nous a déjà envoyé les photos de l’hôtel. INCROYABLE ! Il n’y a pas d’autre mot. Le lieu est somptueux, hyper luxueux. Franchement, je ne comprends même pas comment les prix peuvent être aussi bas. Ce serait presque criminel de ne pas en profiter. Encore quelques mois, et ce sera réservé à des multimillionnaires. Enfin… pas encore moi. Mais ça viendra. Je me construirai le patrimoine que je mérite. On verra bien ce qu’elle en pense.
J’arrive devant chez Amber. La maison me file une claque de nostalgie. Je nous revois, rentrant du collège, fonçant dans la cuisine pour piller les placards. Quelle époque… Je pouvais avaler trois paquets de gâteaux sans prendre un gramme. Maintenant, c’est une autre histoire. Je ne voulais pas y croire, mais c’est vrai : passé 25 ans, le métabolisme te dit merde.
Je sonne. Elle m’ouvre. Juste voir sa petite bouille me met de bonne humeur. Elle sourit. Ça faisait longtemps. Son visage est radieux, ses dents blanches, bien alignées. Ses taches de rousseur illuminent sa peau, ses cheveux roux encadrent un regard… un feu. Littéralement. Ses yeux sont comme un brasier.
— Bonjour princesse, ça fait plaisir de te voir ! Comment tu te sens aujourd’hui ?
— C’est toujours compliqué, mais ça va légèrement mieux. Je suis sortie me balader cette semaine… Ça devait faire trois semaines que je ne l’avais pas fait.
Nous nous installons dans le salon, sur son immense canapé vert, en face de la cheminée. Le feu crépite. J’ai toujours adoré les feux. Je pourrais rester des heures à les regarder…
— Et toi alors, comment tu vas ? Le verre avec les filles s’est bien passé après notre dîner ?
— Oui, ça va. Journée chargée au boulot, mais j’ai tenu bon. Savoir que je te voyais ce soir, ça m’a motivée à tout boucler vite.
Je lui souris, léger rire au coin des lèvres.
— Le verre ? Sympa. Peut-être un peu trop. Je me suis réveillée avec un mal de crâne monumental… Mais on a discuté d’un projet. Justement, je voulais t’en parler.
Elle me fixe, curieuse. Ses yeux brillent comme deux torches.
— Tricia a trouvé une promo de malade pour un hôtel entre les Philippines et l’Indonésie. Les prix sont cassés, c’est du jamais vu pour un tel lieu ! Et les billets d’avion ne sont pas chers non plus. Paige et Molly sont partantes. Je sais, le timing est peut-être mauvais, mais justement… ça pourrait te faire du bien, t’apporter un peu d’air, un renouveau.
— Tu t’es encore retrouvée soûle, hein ?
— Bah écoute, quand on m’apporte du gin, je ne sais pas dire non !
Je rigole doucement, l’air de rien.
— L’offre est tentante, mais… c’est compliqué. Je passe mes journées à penser à maman. Partir d’ici, ce serait comme l’abandonner… comme la trahir. Et puis être entourée non-stop… rien que d’y penser, ça me stresse un peu.
Je me rapproche.
— Je comprends. Mais je suis certaine que ta maman aurait voulu que tu vives, que tu profites. Ce serait sûrement la première à t’encourager à saisir cette occasion. Et pour l’intimité, tu n’as aucun souci à te faire : on partagerait une chambre, et tu pourrais rester tranquille quand tu veux. Personne ne te forcerait à sortir ou à faire la fête si tu n’en as pas envie.
Je lui prends la main.
— Tu es ma meilleure amie. Les autres sont sympas, mais ce n’est pas pareil. Je veux qu’on partage ce moment toutes les deux.
Enfin… “sympas” est peut-être un grand mot dans le cas de Molly, mais ça, elle n’a pas besoin de le savoir.
— Écoute, je veux bien y réfléchir… mais je ne sais pas si je suis prête.
Je vois son visage se ternir. Sans réfléchir, je la serre dans mes bras. Je sens ses larmes dans mon cou.
— Je comprends, mon amour. Tu n’as pas à décider maintenant. Ce soir, on est ensemble. C’est tout ce qui compte.
La soirée se passe. On papote un peu, puis on lance un film avec des petits snacks, comme à l’époque. Elle finit par s’endormir doucement, sa tête sur mon épaule. Je lui caresse le bras en silence. Finalement, je reste dormir ici. Soirée pyjama. J’adore ! Et demain matin… je pourrai réattaquer la négociation au petit-déj.

Annotations
Versions