Chapitre 8
Molly
Allez, j’ai bien avancé aujourd’hui. C’est presque fini — franchement, c’est top : j’ai pris presque une journée entière de travail d’avance.
C’est le moment d’analyser la boîte de Petri au microscope. Je m’installe, retire mes lunettes un instant pour approcher mon œil de l’oculaire. J’observe attentivement, puis je note scrupuleusement tous les détails de l’expérience sur un petit post-it.
S’il y a bien une chose qui me passionne, c’est mon métier ! Ici, je peux tout analyser, décortiquer, observer en profondeur sans jamais risquer de me faire surprendre. Quand je suis avec des gens, j’ai toujours peur qu’on me voie à trop analyser chaque geste, chaque phrase, et qu’on me trouve bizarre à cause de ça. Ma difficulté à m’affirmer n’arrange rien. Je lève les yeux de mes notes, histoire de respirer un peu, et j’en profite pour observer la pièce autour de moi.
J’adore mon petit bureau à la maison. Il me ressemble tellement.
Tout est parfaitement rangé, classé — aucune faute possible là-dessus.
Des étagères entières de dossiers et de livres, classés par ordre alphabétique.
Au centre, un grand bureau en verre, pieds en métal. Tout est à sa place : mon ordinateur performant, une pile de post-it qui menace de s’effondrer (j’ai toujours peur d’en manquer), mes loupes, mon microscope, quelques flacons, des gants, ma balance de précision, un rack à tubes à essai… tout le nécessaire.
C’est un univers conçu sur-mesure pour moi.
Bref, vous l’aurez compris : j’aime que tout soit cadré.
Je me penche sur mon microscope pour examiner un disque d’échantillon quand la sonnerie de mon téléphone me tire de ma concentration.
Un message de Tricia, encore, sur le groupe WhatsApp qu’elle a créé pour le voyage. (Je ne compte même plus le nombre de messages qu’elle a envoyés depuis le lancement du groupe…)
Je lis : il y a une super promo sur les billets d’avion, mais il faut se décider vite — la promo ne dure que pour des dates précises.
Honnêtement, je ne sais pas trop quoi penser de ce voyage… C’est allé vite, trop vite même. Organiser tout ça sur un coup de tête ? Ce n’est quand même pas la porte à côté.
Et puis, Tricia est toujours un peu insistante — c’est sa personnalité, mais là… je trouve ça un peu dérangeant.
Je dois admettre aussi que je me sens parfois effacée. Le soir où nous sommes allées boire un verre, j’ai eu l’impression d’être écrasée sous les personnalités de Topaze et de Tricia.
Je suis perplexe. J’ai besoin de temps pour réfléchir. Je leur répondrai plus tard.
Je m’installe dans mon fauteuil de bureau, mais à peine le temps de souffler que mon téléphone sonne à nouveau.
Cette fois, c’est un appel de Paige.
Un nœud me serre la gorge et l’estomac : je sens qu’elle va insister, et je déteste devoir lui dire non… Pourtant, j’ai comme un pressentiment étrange, un petit truc qui cloche.
Je prends une grande inspiration et décroche.
— Allô ?
— Coucou Molly, comment tu vas, chou ?
Sa voix déborde d’enthousiasme — on dirait un enfant qu’on aurait lâché dans un magasin de bonbons.
— Ça va, je termine juste quelques expériences, mais j’ai bientôt fini. Et toi ?
— Ça va ! Je viens de rentrer, mes parents sont là ce soir, mais je voulais m’isoler deux minutes pour te parler d’un truc.
Je sais exactement de quoi elle veut parler, mais je fais semblant de rien.
— Ah oui, quoi donc ?
— Tu as vu les messages sur le groupe pour le voyage ?
— Oui, j’ai vu. J’avoue que j’hésite… Je trouve que c’est un peu précipité tout ça.
— Oh nooon ! Ne me dis pas que tu vas refuser ? Si tu ne viens pas, tu vas regretter toute ta vie, c’est une occasion en or ! Je suis trop heureuse rien qu’à l’idée de partir avec toi, et franchement, il est hors de question que je parte sans ma bestie à l’autre bout du monde ! Allez, s’il te plaît, dis oui ! On va passer des moments incroyables, je t’en fais la promesse.
— Heu… c’est que… que…
Bon, d’accord, tu m’as eue. J’arrive jamais à résister à tes demandes !
J’ai déjà chaud, comme si j’étais en ménopause d’un coup.
— Je t’aime, bestie ! Tu verras, tu ne regretteras pas, parole de scout !
— Je t’aime aussi… On verra bien. Bon, il faut que je te laisse, je dois finir.
— D’accord, gros bisous, byeee !
Je raccroche, la tête encore pleine de doutes.
Je me lève pour ouvrir la fenêtre, histoire de respirer un peu d’air frais et de reprendre mes esprits. Ça fait du bien.
Toujours aussi angoissée, je me force à envoyer une réponse sur le groupe avant de changer d’avis.
Je tape, avec un effort surhumain :
OK pour moi.
On verra bien ce que ça donnera…

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