2 - Départ

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Un an et demi plus tôt...

2 janvier 2024

Adieu, Issy-Les-Moulineaux. La tête collée à la fenêtre, emmitouflé dans ma doudoune noire à capuche, j'observe mes parents ranger les valises dans le coffre de la Peugeot 3008 blanche.

Expert contrôle qualité pour les eaux de Paris, mon père a été muté au village de Crozon dans le Finistère pour travailler à l'usine d'eau potable de Poraon, en tant que responsable. Il doit régler un problème de traitement des eaux brutes de captage ou je ne sais plus quoi. Il ne parle que de ça à la maison et il justifie cette décision comme un appel en renfort. Je définirais plutôt ce départ comme une mise au placard.

Je soupire, puis me retourne, bras croisés. Le va-et-vient des déménageurs qui emportent les cartons et les meubles me donne le tournis. Je n'ai que seize ans et ma vie se termine aujourd'hui. Qu'est-ce que je vais foutre en Bretagne, sérieux ? J'ai tout ici, Paris à quelques stations de métro, les sorties cinéma à Montparnasse, les balades au quartier Saint-Michel, les soirées chez Capucine à Montmartre, les magasins du Forum des Halles, les compétitions de jeu vidéo à la Villette, et là-bas, dans ce trou perdu, que vais-je trouver ? La déprime totale. Je regarde les traces laissées par mes posters d'Avengers et de Kylie Jenner sur les murs blancs. Je ne veux pas y aller.

Je suis du regard ma sœur Anaïs passer dans le couloir aux murs taupe. Elle tournoie en chantonnant le refrain de la Reine des Neiges. Sa jupe bleue virevolte, son manteau blanc scintille et ses cheveux blonds ondulent à chaque saut. À douze ans, elle devrait arrêter de se comporter ainsi. Elle s'arrête devant ma chambre.

— T'es prêt, grand frère ?

— Non.

Elle se met à bouder, les lèvres en cul-de-poule. Puis j'entends les marches de l'escalier en chêne grincer et une odeur de lavande me chatouille les narines. Ma mère vient me chercher.

— Maman ! lance Anaïs, joyeuse.

Elle arrive sur le pas de ma porte de chambre.

— Qu'est-ce que t'attends, le déluge ?

— P'têt bien.

— Allez, descends, papa nous attend.

Je soupire, me fourre les mains dans les poches, les suis, résigné et renfrogné.

Dehors, je reste planté quelques instants sur le trottoir. Je contemple la rue de Meudon et ses maisons étroites collées les unes aux autres. Je jette un dernier coup d'oeil à notre habitation à étage, à la façade en pierres et aux fenêtres encadrées de moulures blanches. Les rayons du soleil forment une étoile sur la pointe givrée du toit. Puis, je pose une main sur le tronc rachitique du bouleau. Je ne le verrai pas grandir. Soudain, une fumée noire l'enveloppe. Je fronce les sourcils. C'est le camion des déménageurs qui démarre en crachotant du pot d'échappement.

Je secoue la tête de gauche à droite et aperçois Anaïs me faire de grands signes derrière la vitre légèrement teintée de la voiture.

— Monte ! crie ma mère.

Je grimpe à l'arrière en grommelant. Mon père enregistre l’adresse de destination sur le GPS : Fredzh Larksen'ach* 29160 Crozon. Je n'arrive même pas à prononcer le nom ! Je fouille sur Google Maps, et découvre un quartier résidentiel proche de la plage de Morgat. Le temps de trajet s'affiche : 6H avec péages.

Oh misère... Super pour commencer l'année.

***

* Merci à Léopold Ine pour le nom ;)

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