16 - Bohars

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J'ouvre les yeux, je constate que je suis à nouveau allongé dans un lit d'hôpital. La lumière filtre à travers les rideaux de la fenêtre. Je cligne des yeux, fronce les sourcils, puis me redresse brusquement.

— Qu'est-ce que je fous là ?

J´observe la chambre aux murs blancs. Elle est différente de la dernière fois. Une télévision est accrochée au mur, au-dessus d'un bureau où est posé un ordinateur portable, des livres, des classeurs, puis une commode couleur brun noir, une table de chevet, et un poster des Avengers. Je me frotte les yeux, souffle nerveusement. Qu'est-ce que ça signifie ? Je me lève, je porte un jogging gris et un t-shirt blanc. J'avance vers le bureau, prends le calendrier, remarque toutes les dates barrées jusqu'au... 20 mars 2025. J'écarquille les yeux. J'hallucine ! Qu'est-ce que ça veut dire bon sang ?! Je cramponne ce bout de carton entre mes mains tremblantes.

Soudain, j'entends toquer à la porte. Je repose l'objet, puis me tourne vers l'entrée. Une femme vêtue d'une blouse entre dans la pièce. Elle me salue vite fait, dépose un plateau avec des comprimés, me somme de les avaler avec un grand verre d'eau, puis ressort de la chambre. Hors de question de prendre ces merdes ! Vexé, je jette ces médicaments à la poubelle. Où suis-je exactement ? Je tourne en rond dans la pièce, mains sur la tête, et décide d'allumer la télévision.

Sur la chaîne nationale, c'est l'heure des informations. Une alerte enlèvement vient couper le programme. Mon pouls s'accélère en lisant le nom de l'adolescente disparue : Ji-Hyun Park. Merde. J'augmente le son, c'est le quatrième signalement en deux mois, après un gars du nom d'Ulrich Schröder, et de deux autres, Lucas Santini et Colin Sullivan. Le journaliste montre ensuite le bâtiment gothique, je reconnais le lycée Fénelon de Brest. Il le décrit comme un établissement maudit, frappé par une malédiction. J'ai le souffle court, pose brutalement mes mains sur le bureau, comme pour me retenir de tomber. Ils n'ont pas disparu... Non, j'en suis sûr, ils sont les otages des Korrigans. Je dois les sortir de là.

Je me précipite en dehors de ma chambre, trottine dans le couloir, en jetant des regards partout. Je croise des personnes au regard vitreux. Je m'arrête net en apercevant un homme recroquevillé au sol, un autre debout à se taper la tête contre le mur. J'avance à pas feutrés jusqu'à l'ascenseur. Je regarde la pancarte qui indique le service : Addictologie. Putain ! C'est pas vrai !

Mon regard se pose ensuite sur les lettres en inox accrochées au mur : Hôpital psychiatrique Bohars. Je secoue la tête de gauche à droite, me frotte ensuite les yeux. Je ne sais même pas où se trouve cet établissement. Faut que je sorte d'ici. J'appuie sur la touche frénétiquement pour appeler l´ascenseur.

À cet instant, une femme, aux longs cheveux noirs lui cachant le visage, débarque. Elle avance comme Sadako dans The Ring. Je me colle dos au mur, anxieux, puis elle se met à hurler d'une voix à briser des verres en cristal. J'entends des bruits de pas lourds. Faut que je déguerpisse au plus vite. Je réfléchis, tourne la tête à droite à gauche, ah ! La porte de l'escalier. Je fonce vers elle.

Au moment de tourner la poignée, deux grosses mains m'agrippent par les épaules. Je jette un coup d'oeil, deux costauds en blouse grise me menacent de leurs yeux noirs et de leurs grognements de troll.

— Toi, tu retournes dans ta chambre, grommelle l'un d'eux.

— Attendez, vous ne comprenez pas !

Pas le temps d'argumenter, ils me soulèvent en me soutenant sous les bras. Mes pieds ne touchent plus terre. J'agite les jambes, tente de gigoter pour les obliger à me relâcher.

— Tiens-toi tranquille.

— Lâchez-moi ! hurlé-je. Je ne suis pas fou ! Je n'ai rien à faire ici !

— Ouais, ouais, tout le monde dit ça.

Je le mords au bras. Le gars me libère, hurle en se tenant. Je pique un sprint, mais deux autres types m'interceptent dans le couloir. Je suis pris en sandwich ! La sueur dégouline sur mes tempes, je n'ai plus d'issue.

— Ça va aller petit.

Il sort une seringue de sa poche de blouse. Là, j'angoisse grave. Je ne réflechis plus, je fonce dans le tas comme un rugbyman. Mais le gars est baraqué comme une armoire à glace, impossible de le plaquer au sol. Il m'agrippe par le col de mon t-shirt, puis me plaque ventre contre le mur. Il me coince les bras en croix derrière mon dos. Son collègue s'approche de moi et me pique l'épaule avec sa seringue. Je ressens une vive douleur, puis ma vue se brouille. J'ai le tournis, tout devient flou, je sens mes muscles se relâcher, et je glisse au sol telle une crêpe bretonne.

Lorsque j'ouvre les yeux, le visage de mon père apparait devant moi.

— Papa ? dis-je d'une voix pâteuse.

— Je suis là. Le médecin nous a téléphoné. Qu'est-ce qui t'as pris de vouloir t'enfuir ?

Je me redresse, passe une main dans les cheveux.

— Je ne suis pas fou.

— Maxence... soupire mon père. Tu racontes des histoires à dormir debout. Tout un tas d'inepties sur un jeu video vivant, des Korrigans tueurs, et même ta camarade Charlotte y est passée. Tu l'as traité de "Reine dérangée de la mort".

— Je n'invente rien !

— Maxence, dit-il en penchant la tête de côté. Les enquêteurs ont trouvé une substance illicite dans un Kouign-amann que tu as ingurgité.

— Que... quoi ? Les enquêteurs ? La police ? Qu'est-ce qu'ils ont à fourrer leur nez dans mes affaires ?

— Ce sont tes amis de lycée qui ont disparu... Tu es le seul à avoir été épargné. Alors... des soupçons ont pesé sur toi.

— Ce n'est pas moi ! Ce sont les Korrigans !

Je me prends la tête entre les mains, tremblant. Mon père pose ses mains sur mes épaules.

— Ne t'inquiète pas. Cette hypothèse a été écartée. Tu t'en es sorti et tu es tombé dans le coma. Tu sais quel jour nous sommes ?

— Je... Je ne comprends rien...

— Le 20 mars. Tu te souviens ?

Je ne réponds pas, me contente de secouer la tête.

— Calme-toi, reprends tes esprits, le temps que ton organisme soit purgé de cette... merde et tout ira bien, tu pourras sortir.

Je suis perdu, je n'ai jamais touché à la drogue. C'est quoi ce délire ? J'ai toute ma tête, j'en suis même certain. Mes amis sont en danger, je dois à tout prix les sortir de là. Mais je suis coincé ici, dans cet endroit pour malades mentaux. Je soupire, plus qu'à rester tranquille, faire bonne figure et gagner ma liberté.

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