Une bien triste nouvelle
Après ce festin opulent, ils se retirent dans leurs appartements respectifs. Le sommeil les gagne rapidement, bercés par le silence feutré du palais.
Au matin, quand Béatrice se réveille, Ambrose n'est plus dans le lit. Une vague d'inquiétude l'envahit. Elle descend les escaliers lentement, ses pas résonnant dans le silence du palais. Elle atteint la salle de banquet où elle trouve Ambrose assis, la tête enfouie dans ses mains. Devant lui, sur la table, repose une lettre.
"Ambrose ?" l'interpelle Béatrice d'une voix douce.
Ambrose sursaute, redressant brusquement la tête. Ses yeux sont rougis, trahissant une nuit agitée. Il lui adresse un sourire contraint.
"Béatrice, pardonnez-moi. Je ne vous avais pas entendue arriver. Excusez mon impolitesse."
Son ton est grave, empreint d'une tristesse contenue. Béatrice s'approche, le visage soucieux.
"Que se passe-t-il, Ambrose ? Pourquoi êtes-vous si triste ? Et cette lettre..."
Elle désigne le parchemin d'un geste hésitant. Ambrose soupire, passant une main lasse sur son visage.
"Il faut que je vous explique, Béatrice. J'ai reçu cette lettre ce matin. Elle m'annonce... elle m'annonce que je dois partir."
Il marque une pause, comme s'il peinait à trouver les mots justes.
"Je dois aller dans le nord, voir un vieil ami. Un ami... malade. Je ne sais pas combien de temps je serai absent, une ou deux semaines, peut-être plus. Je suis navré de devoir vous quitter si soudainement.”
Béatrice est à la fois confuse et déconcertée. Elle vient à peine de quitter sa famille, de bouleverser sa vie entière, pour vivre avec Ambrose, et voilà qu'il lui annonce son départ imminent. Comment va-t-elle faire, seule dans ce palais immense et étrange, qu'elle ne connaît même pas ? Si elle se perd dans les dédales des couloirs, si elle se blesse lors d'une de ses explorations hasardeuses ? L'inquiétude la tenaille, se transformant peu à peu en une colère sourde.
« Ambrose, je ne comprends pas ! Tu m'as fait venir ici, tu m'as promis un nouveau départ, et maintenant tu me laisses seule, livrée à moi-même dans ce... ce labyrinthe ! Est-ce que tu te rends compte de ce que tu me demandes ? Je ne connais rien ici, je ne sais même pas où se trouve la cuisine ! Et si j'ai besoin d'aide, à qui vais-je m'adresser ? » Elle croise les bras sur sa poitrine, le regard défiant. « Pourquoi ne puis-je pas venir avec toi ? Si cet ami est si important, je pourrais t'aider à le soigner. »
Ambrose s'approche d'elle, lui prend les mains avec douceur. « Béatrice, je comprends votre inquiétude, votre colère. Croyez-moi, si je pouvais vous emmener avec moi, je le ferais sans hésiter. Mais ce voyage est... délicat. Il y a des raisons pour lesquelles je dois partir seul. Et quant à votre sécurité, ce palais est plus sûr que n'importe quelle forteresse. J'ai laissé des instructions claires à mes serviteurs, ils veilleront sur vous comme si vous étiez leur propre famille. » Il lui caresse la joue tendrement. « Je sais que vous êtes courageuse, Béatrice. Vous avez déjà prouvé votre force en quittant votre famille pour me suivre. Je sais que vous êtes capable de gérer cette situation. Voyez cela comme une occasion d'apprendre, de découvrir ce palais, de vous l'approprier. » Il la serre contre lui. « Je serai de retour dans quelques semaines, je vous le promets. Et nous aurons tout le temps de découvrir ce lieu ensemble. »
Après un long débat, émaillé d'arguments et de contre-arguments, de craintes et de promesses, Ambrose parvient finalement à convaincre Béatrice. Il lui confie alors un objet étrange : une clé rouge, anguleuse, traversée d'imperfections bleutées. Elle ne ressemble en rien à une clé ordinaire, mais plutôt à un fragment de cristal brut, taillé en forme grossière. « Gardez ceci avec vous, Béatrice. C'est la clé de toutes les salles de ce palais, je vous conseille la salle des archives. Vous y trouverez des livres, des cartes, des documents qui vous en apprendront davantage sur l'histoire de ce palais, sur ses secrets. Cela vous aidera à vous familiariser avec les lieux. »
Avant de partir, il la regarde droit dans les yeux, son visage empreint de gravité. « Prenez soin du château, Béatrice. Prenez-en soin comme de votre propre chair. Il est plus vivant qu'il n'y paraît. » Puis, il la serre une dernière fois dans ses bras, avant de disparaître dans un tourbillon de cape noire, la laissant seule, face à l'immensité du palais et à l'énigme de la clé rouge.

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