L'aube des ténèbres
Dans la bibliothèque, elle choisit un livre de romance aux pages jaunies, une échappatoire facile aux tourments qui la rongent. Elle s'installe dans un fauteuil de velours rouge, moelleux et confortable, et se plonge dans sa lecture. À ses côtés, un plat préparé par les automates : une salade de fruits exotiques, parfumée à la menthe et arrosée d'un sirop léger au miel. Les heures s'égrènent lentement, bercées par les mots doux et les promesses d'amour du roman. La fatigue finit par l'emporter et Béatrice s'endort, le livre ouvert sur ses genoux.
Mais le répit est de courte durée. Bien vite, les convulsions la reprennent, violentes et incontrôlables. La voix, sinistre et persuasive, se fait de nouveau entendre, tissant des plans machiavéliques et semant le doute dans son esprit. Finalement, comme la nuit précédente, Béatrice ne dort pas. Elle passe la nuit à lutter contre la voix, à se débattre contre ses propres démons, épuisée et terrifiée.
Le matin se lève, gris et morne, reflétant l'état d'âme de Béatrice. Elle se sent prisonnière d'un cauchemar sans fin, incapable d'échapper à l'emprise de cette force maléfique qui la consume de l'intérieur. Ambrose doit revenir. Il est son seul espoir.
Se lever est une épreuve de plus en plus insurmontable. Deux nuits blanches, rongées par les convulsions et la voix, ont épuisé ses réserves d´énergie. Chaque mouvement est une douleur, chaque pensée un fardeau. Elle ignore comment faire taire la voix qui la harcèle, comment échapper à l´emprise de cette présence maléfique. Toutes ses tentatives, toutes ses idées, ont été vouées à l´échec.
La lecture, les recherches dans les archives, la compagnie des automates, rien ne semble pouvoir apaiser son tourment. Le désespoir l´étreint, froid et implacable. Elle se sent comme une naufragée, ballottée par les vagues d´un océan sombre et impitoyable, sans espoir d´être secourue. Sa volonté s´effrite, sa force l´abandonne. Elle se demande si elle va sombrer, si elle va finir par céder à la voix et aux plans monstrueux qu´elle lui souffle.
La simple pensée la glace d´effroi. Elle doit se ressaisir, se battre, ne pas se laisser submerger. Mais comment ? Où trouver la force de continuer, quand tout semble perdu ? La lumière du jour peine à percer à travers les rideaux épais de sa chambre, comme si le palais lui-même était plongé dans un état de mélancolie profonde.
Béatrice se sent à l´image de ce lieu : sombre, mystérieux, et irrémédiablement hanté. Elle a besoin d´aide, d´un guide, d´un sauveur. Elle a besoin d´Ambrose. Son retour est sa seule et unique obsession, son unique source d´espoir.
Le palais pèse sur ses épaules comme un suaire. L'idée de trouver des réponses au village le plus proche germe en elle, une étincelle d'espoir dans l'obscurité. Elle prend sa décision et se prépare avant l'aube. Le chemin est long, sinueux, et la forêt semble se refermer sur elle à chaque pas. Les arbres centenaires se dressent comme des gardiens silencieux, leurs branches noueuses se rejoignant au-dessus d'elle, filtrant la lumière du soleil.

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