Chapitre 14

5 minutes de lecture

Par Diraxo et Rowani


Lucas prit un oreiller sur le lit, puis il se mit à le boxer de toutes ses forces. Il se déchaînait dessus, y mettait toute sa colère et toute sa haine. Paul était en train de jouer avec ses sentiments, il savait parfaitement ce qui le faisait réagir et il s’amusait avec ça.

Il savait à quel point ça le faisait souffrir, de se sentir seul et de ne pas être aimé. Il lui avait raconté tout ça : à quel point il voulait se trouver un copain, le fait qu’il serrait les dents à chaque fois qu’il voyait un couple se tenir la main, que ça soit dans les films ou dans la rue…

Il rêvait de cette affection qu’il n’avait jamais eue. Son père avait fait de lui une machine à note, il avait résumé sa vie à des performances. Et il avait rêvé, depuis qu’il avait découvert que les garçons l’attiraient, d’en trouver un qui voudrait bien de lui. Il avait dévoré des centaines de romans, frissonnant à chaque passage de tendresse, essayant de s’imaginer la sensation que pouvait procurer un simple câlin, ou même une caresse…

Il n’avait jamais rien vécu de tout ça.

Alors Paul avait peut-être raison : il devait au moins essayer, ce manque devenait insupportable.

***

Quand Baptiste vit Paul arriver vers lui, il se mit à sourire immédiatement.

— Merci pour c’que tu m’as dit tout à l’heure, mec. Ça m’a grave remonté le moral.

— Ça m’a fait plaisir de t’aider, mais j’crois que j’ai une mauvaise nouvelle.

Paul afficha un visage grave et le regarda avec inquiétude, faisant frissonner son interlocuteur. Il sembla hésiter avant de parler, regarda tout autour de lui pour vérifier que personne ne les écoutait, puis approcha sa bouche de l’oreille de Baptiste.

— J’crois que Nathan a dit des trucs sur toi…

La bouche à demi ouverte. Il se tenait là sans bouger, n’arrivait à rien tandis que Paul le fixait. Dans la tête de Baptiste, tout s’était arrêté. Il éprouvait ce sentiment où toutes les couleurs deviennent ternes, où le regard se vide, où la tête devient froide, où le rythme cardiaque s’accélère subitement. Baptiste en était parcouru de la tête aux pieds, pendant que les battements de la musique lui faisaient bourdonner les oreilles et que l’alcool lui tournait la tête.

Il était comme mort. C’était sa pire crainte.

— Merci de m’avoir tenu informé, laissa-t-il sortir glacialement.

Tandis que Paul faisait demi-tour, Baptiste cherchait des yeux, paniqué, il donna un coup d’œil dans le couloir, la cuisine, le salon, la cuisine, encore le couloir. « Où est-ce qu’il est, bon sang ?! »

Baptiste ne savait plus quoi faire, il était tétanisé. Ce qui faisait de lui le plus gros fêtard de la soirée avait laissé place à une multitude de sentiments qui s’inter-changeaient les uns les autres au rythme des battements de son cœur à deux doigts d’exploser.

Dans la précipitation, il prit une bouteille par le goulot, la colla contre ses lèvres et la termina, cul-sec. Il avait tellement peur que la nouvelle se répande, ça le tétanisait. Et c’était uniquement à cause de Nathan.
« Ce salaud ! Il l’a bien prise, sa revanche ! pensait Baptiste. Lui qui me faisait croire qu'il m'avait pardonné. Il attendait juste le bon moment pour me détruire. Il va voir comment j’vais le détruire moi aussi.. .»

Soudain, il vit Lucas s’approcher de lui. Il avait l’air d’avoir envie de discuter, affichait une sorte d’enthousiasme mêlé à un peu de gêne sur son visage. C’était étrange : d’habitude, ils ne se parlaient jamais, et ils se connaissaient simplement parce qu’il était le cousin de Livia.

Il arriva devant lui, sembla chercher ses mots, puis il entrouvrit les lèvres :

— C’est cool, j’me sens moins seul maintenant que j’suis pas le seul gay dans la soirée !

Nouveau moment de blanc, Baptiste était encore tétanisé face à Lucas. Paul avait raison, Nathan allait le foutre en l’air et il ne savait plus comment agir, il était simplement perdu pendant que les yeux brillants de Lucas le fixaient.

— Désolé, c’était pas la meilleure approche, fit-il avec un rire gêné.

Baptiste ne voyait plus rien à faire, il était bloqué et son esprit ne trouvait qu’une échappatoire : la fuite. Alors Baptiste prit ses jambes à son cou en direction de la porte d’entrée. Il l’ouvrit, et se ramassa dans les escaliers en marbre avant de continuer sa course en boitant sous les regards choqués de ceux qui assistaient à la scène.

« Putain, calme-toi Baptiste ! Calme-toi ! » se répétait-il. 

Une fois chez lui, il se précipita vers la salle de bain, la tête dans les toilettes, à vomir ses tripes. Les larmes de Baptiste tombaient goutte à goutte elles aussi. Il fut pris d’une bouffée de chaleur, et se retourna en direction de la douche. Il empoigna le pommeau et mit l’eau au plus froid possible pour réussir à se calmer un peu.

Mais rien n’y faisait. Il revoyait toujours en boucle les images de la soirée. Il revoyait Lucas arriver. Il revoyait Nathan qui parlait avec Lucas et Livia. Sa bouche qui souriait en disant que Baptiste était gay.

Et puis il revoyait son corps nu dans son lit. Ses yeux marron qui le regardaient amoureusement 5 mois plus tôt. A ce moment où ils étaient tous les deux nus, sous la couverture, ce moment ou Baptiste avait eu accès à l’intimité la plus profonde de Nathan. Ces moments magiques que Baptiste avait vécus.

D’un coup, Baptiste fut pris d’une chaleur insupportable. Son premier réflexe fut de courir vers le congélateur. Il dévala les escaliers du sous-sol à une vitesse excessive, ouvrit la porte du congélateur puis plongea si fort sa tête dedans qu’il se cogna contre un sachet de viande congelée. Une immense colère envahissait Baptiste et jeta le sachet hors du congèlateur, il y mettait des coups de pieds, se déchaînait dessus comme il aurait eu envie de se déchaîner sur Nathan. Il rêvait à cet instant d’avoir Nathan en face de lui pour le frapper de toutes ses forces, ou l’embrasser, le frapper. Ou les deux, il avait la haine contre celui qu’il aimait encore.

— Foutu congélo, même à cette température, on sent rien ! Incroyable cette merde !

Baptiste cherchait à tout prix du froid. DU FROID !

Il perdait la tête.

Il courait partout en hurlant et en pleurant à la recherche de froid et son désespoir lui fit retirer ses vêtements et se coller contre le carrelage de son salon pour enfin trouver de la fraîcheur pendant qu’il sanglotait.

Dans une ultime tentative pour se calmer. Baptiste saisissait son téléphone dans sa chambre. Il chercha dans ses contacts : « Matteo, Thomas, Paul ! » ; « Appeler ! ».

« BIIIIIIIIIIP…. »

— Votre correspondant n’est pas dispo…

— PUTAIN DE MERDE, Y A JAMAIS RIEN QUI VA !!!

Baptiste n’en pouvait plus il était en train de s’acharner sur tout ce qu’il voyait, il s’approcha de la fenêtre, l’ouvrit et jeta son téléphone le plus loin possible. Jusqu’au plus profond de lui, Baptiste voulait s’écraser au sol exactement comme son téléphone. Mais il se sentait tellement lâche de ne pas réussir à sauter. Pourtant il le voulait terriblement. Mais cette fois, sa lâcheté aura eu raison de lui.

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