L’endroit qui m’habite encore

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Il y a un endroit en moi où le monde ne fait plus de bruit.

C’est une pièce sans murs, sans porte, mais où chaque silence a une odeur de pluie ancienne.

Le sol est fait de souvenirs — ceux qui collent un peu aux pieds, ceux qu’on voudrait laver, mais qu’on finit par apprivoiser.

Je m’y promène souvent quand la vie devient trop bruyante. J’y retrouve les visages que j’ai aimés, les mots que je n’ai pas dits, et les battements que j’ai laissés s’éteindre entre deux tempêtes.

Au centre, il y a une fenêtre. Pas vers l’extérieur, non. Vers moi.

Une lumière douce y entre, presque timide, comme une cicatrice qui s’éclaire.

J’y vois mes ombres danser avec mes éclats, mes échecs s’asseoir à côté de mes renaissances.

Ici, rien ne juge.

Ici, même la douleur a le droit d’être belle.

Je m’y installe parfois, les genoux serrés contre moi, à écouter les battements de mon cœur cogner contre les murs invisibles.

Chaque écho me rappelle que j’existe encore.

Que malgré les absences, les fêlures et les pertes, quelque chose continue de battre — plus doucement, mais avec sincérité.

Il y a dans cet endroit une sorte de tendresse pour tout ce que j’ai été.

Une main invisible qui vient caresser les cicatrices, sans chercher à les effacer.

Les murs se parent parfois de voix anciennes.

Celles qu’on a fait taire, celles qu’on a étouffées sous la honte ou la peur.

Elles me parlent encore, mais je les écoute autrement.

Je n’ai plus besoin de les combattre. Je les remercie, même.

Elles m’ont appris la résistance, la patience, et cette étrange beauté du chaos.

Plus loin, il y a une rivière.

Elle traverse mon paysage intérieur sans jamais s’arrêter.

C’est elle qui emporte mes colères et mes regrets.

Je la regarde couler, chargée de tout ce que je ne peux pas dire, et quand elle s’éloigne, elle laisse derrière elle un silence neuf, comme une page blanche.

Cet endroit est vivant.

Il grandit avec moi, il respire à mon rythme.

Il porte encore les traces des tempêtes passées, les brûlures du feu, mais aussi les bourgeons des recommencements.

C’est un lieu que je ne montre à personne, parce qu’il n’a de forme que dans mes veines.

Mais parfois, j’en laisse s’échapper quelques fragments : un mot, un regard, une œuvre, un texte.

Alors, ceux qui savent voir, devinent l’endroit.

Il n’existe nulle part, et pourtant il est partout où je vais.

Il n’a pas d’adresse, mais il répond toujours quand je l’appelle.

C’est mon dedans, mon refuge, mon abri.

L’endroit qui m’habite encore —

et que j’habiterai toujours.

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