Enveloppe n°5

2 minutes de lecture

Jacksonville, Floride.

Le 30 janvier 2 018

Salut,

Excuse-moi, j'ai mis un peu de temps à te répondre, pas parce que je ne voulais pas le faire mais parce que j'ai longtemps cherché quoi te raconter. Je crois que je n'ai pas tant de belles journées à te faire découvrir. Les bons souvenirs ne sont pas monnaie courante chez moi, j'ai plutôt tout un tas de déceptions, de trahisons et de journées de réel obscurité qui feront probablement de parfaits sujets à aborder avec un psychanalyste.

Veux-tu être le mien ?

Non, c'est stupide, oublie ça. Et puis, le début de mon courrier est pour le moins pathétique. Pardon, je ne veux pas que tu me prennes pour un idiot en quête de chaleur, un chien en mal de caresses.

Alors, comme je te le disais, j'ai beaucoup pensé à ta question, fouillé dans mes souvenirs d'enfance jusqu'à ce que le visage de mon grand-père apparaisse dans mon esprit. J'ai revu sa moustache blanchie avec l'âge, les rides sur sa peau presque fanée et ses mains parcheminées puis, l'évidence a surgi. Il était ma personne préférée sur cette terre. Il est décédé il y a des années maintenant, et je ne l'ai vu qu'à quelques reprises seulement. Peut-être une dizaine. Pourtant, il m'a apporté plus de chaleur et de bonheur que quiconque. Ses yeux fatigués m'ont toujours souri, plus que les lèvres de mon père ne le feront jamais.

Je me souviens de ce matin là, j'avais neuf ans. Ma mère m'avait déposé chez mes grands-parents parce que ma nourrice était en arrêt maladie. Si mamie était souvent installée dans le canapé à regarder de vieilles séries, papy passait ses journées à s'occuper de son potager. Ses légumes étaient les meilleurs !

Alors qu'il arrosait son jardin, moi, je faisais du vélo sur les dalles de l'allée. Il me disait toujours de faire attention de ne pas tomber et je lui répondais que je n'étais plus un bébé. Il riait, puis me rappelait qu'une chute n'est pas causée par l'âge mais par l'attention et que moi, je passais mon temps à regarder en l'air. Il avait raison puisque j'ai fini par passer par-dessus le guidon après que ma roue ait cogné un sac de terreau. Je me suis ramassé la gamelle de ma vie et papy m'a rejoint aussi vite que possible avec une trousse de secours sortie de je ne sais où.

La douleur était horrible, mon genou et mon coude saignaient et une bosse avait déformé mon front. Je retenais mes larmes, les dents serrées parce que papa m'a toujours dit qu'un homme ne pleure pas. Mais papy, lui n'était pas de cet avis. Il m'a souri, a déposé un baiser sur mon crâne en tapotant doucement mon dos et il m'a dit : " Ne fais pas semblant avec moi, fiston. Je ne me moquerais pas de toi parce que tu as mal et que tu pleures. Un homme aussi peut être triste ou malheureux, tu sais, ça arrive plus souvent que tu ne l'imagines. Regarde, moi, j'ai pleuré quand le Titanic a coulé et que Jack Dawson est mort ! ".

Tu trouveras peut-être ça bête, Harlem, mais c'est mon plus beau souvenir. Je n'ai jamais oublié ce que mon grand-père m'a dit et je pense que je ne l'oublierai jamais.

Raconte-moi ton plus beau souvenir, j'attends ton retour...

Ps : Je crois que tes lettres sont devenues mon refuge.

À plus tard,

Skylar.

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