Enveloppe n°7
Jacksonville, Floride.
Le 10 février 2 018
Harlem,
Tu peux m'écrire des dizaines de pages si tu le souhaites. Surtout, ne te brides pas, pas avec moi. Je sais ce que l'on ressent lorsque l'on est seul dans notre douleur. Ce que le cœur éprouve quand la solitude nous englobe dans un nuage de mauvais temps. Mon ciel aussi est sombre, mais, je ne supporte pas l'idée que le tien soit gris. Je pense que tu mérites les couleurs de l'arc-en-ciel. Je ne suis pas suffisamment éclairé pour te les apporter alors, nous pourrions peut-être les chercher tous les deux ? Enfin, si tu veux.
Ne te freine pas sur les mots, te lire est comme partager un moment avec toi. Comme si nous étions sur un banc, dans un parc, à discuter pendant des heures. C'est comme ça que je le vois, je ne sais pas toi.
Ta dernière lettre m'a fait de la peine, j'espère que tu te sens mieux désormais. Le deuil est long, je sais ce que c'est. Un jour ça ira mieux, tu verras. La douleur se transformera en une douce mélancolie, tes lèvres s'orneront d'un sourire tendre quand tu penseras à ton père et tes larmes s'effaceront. Je sais, c'est dur. J'aurais voulu t'enlacer pour t'apaiser, au lieu de ça, j'ai effleuré de mes doigts tremblants chacune des traces d'eau séchées. Papy a raison, un homme peut souffrir. Un homme peut pleurer et un autre homme peut l'aider à effacer les réminiscences d'un passé trop compliqué à supporter.
J'ai de nouveau de l'espoir, il apparaît, des fois, quand Jason me dévisage au lieu de me cogner. Parfois, je me dis qu'il s'est lassé mais sa colère finit toujours par éclater, comme mon arcade qu'il a heurté. Je suis toujours aussi pathétique mais il m'arrive de vouloir partir. Loin d'ici, loin de lui, loin de mes parents qui m'ignorent. Peut-être qu'un jour, je pourrais venir te voir ?
Nous aurions pu échanger nos numéros de téléphone. J'y ai pensé mais j'ai peur que le charme de nos échanges se volatilise. Je préfère t'écrire, même si j'attends des jours avant d'avoir tes réponses, plutôt que de t'envoyer des textos qui perdront l'éclat et la sincérité de nos courriers. Je ne sais pas ce que tu en penses, dis-moi ?
Pour être honnête, mon cœur a battu étrangement pendant la lecture de ta lettre. Ce rythme était étonnant, effrayant et nouveau. J'ai eu peur puis j'ai fini par sourire comme un crétin, bien que la peine me prenait à la gorge.
Es-tu le soleil ou la lune ?
Suis-je la terre ou le ciel ?
Je pense avoir la réponse.
Je peux être ton ciel.
Je crois.
Mais, je suis obscur, souvent noir, parfois gris, jamais bleu.
Ce n'est pas un cadeau que je t'offre.
Ou alors, il est empoisonné.
Oui, tu es moins fort que ce que j'imaginais mais tu en es d'autant plus authentique. Je ressens tes maux à travers tes mots et si je pouvais, je panserais tes plaies. Ça aussi c'est niais mais ça me fait sourire alors je crois qu'il n'y a aucun mal à le penser. Tu peux dire ce que tu veux à ta mère. Tu es mon ami, mon correspondant, un peu mon confident aussi. Tu es le soleil et la terre quand je suis la lune et le ciel.
Pendant longtemps, j'ai pensé être seul, n'avoir personne avec qui parler mais finalement, je n'avais juste pas trouvé celle avec qui me libérer.
Alors, merci d'avoir répondu à ma lettre désespérée d'il y a quelques mois.
Ps : Quand tu seras prêt, je serai là pour t'écouter me livrer ton secret.
Sky.
Annotations