Chapitre 10 : Une sombre légende urbaine, Partie 2

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  • Madame, vous ne pensez pas… s’exclama Dast avec inquiétude.
  • Si, c’est exactement à lui que je pense, continua Amalia en échangeant avec son majordome un regard résigné, avec de se tourner vers Triss et Sheamon. Son nom est Dorkos le Tisserand.
  • Tisserand ? releva Triss, les sourcils froncés. Ce n’est pas vraiment un nom de criminel…
  • Ne te laisse pas tromper par les apparences, lui conseilla la maitresse du Primera. Il dirige certes une entreprise de fabrication de tissus, mais ce n’est pas de là que vient son nom. On dit qu’il a l’habitude de tisser un linceul pour l’envoyer aux familles de ceux dont il a ordonné la mort. En réalité, il est le chef du principal réseau de crime organisé de Lutécia, si ce n’est de tout Paris. Cela fait des décennies que les anges et les exorcistes veulent sa peau pour ses crimes. Le problème, c’est qu’il n’y a pas de preuves tangibles car Dorkos est bien trop malin pour laisser trainer la moindre trace de son implication. Et surtout, il est couvert par Thénardier à qui il verse de généreux pots-de-vin tout en lui servant d’indicateur dans le monde du crime. Je pourrais passer une semaine à te citer tous ceux qu’il a vendus à la milice pour montrer patte blanche…
  • Le maire laisse un criminel aussi dangereux en liberté ?! s’offusqua Triss. Il est sensé veiller sur Lutécia, non ?
  • Thénardier est un opportuniste, Triss, répondit Amalia en haussant les épaules. Il se moque éperdument des crimes que commet Dorkos tant que cela ne risque pas de le compromettre lui-même. Le Tisserand se tient tranquille à l’intérieur de Lutécia, offre de généreuses donations à la municipalité, et le maire se charge de le couvrir. Mais Dorkos est un véritable rapace. Il est à l’affut de tout ce qui pourrait lui rapporter davantage d’argent, de pouvoir… Une affaire pareille, pour peu qu’on y mette le prix, l’intéressera sûrement.
  • Tu penses qu’on peut lui faire confiance ? demanda Sheamon.

Amalia esquissa un sourire désabusé.

  • Faire confiance à Dorkos équivaut à se planter soi-même une dague dans le cœur, ironisa-t-elle. J’ai eu affaire à lui, dans le passé. Il m’a réclamé une somme astronomique pour bénéficier de sa prétendue « protection ». J’ai refusé, bien entendu. Les jours suivants, nombre de mes commerces et employés ont été attaqués. Beaucoup de clients ont cessé de venir au Primera, par peur des représailles. Dast et moi avons alors doublé la garde autour de mes propriétés et engagé des troupes de mercenaires pour protéger nos convois. Pendant quelque temps, les attaques ont continué, mais elles n’ont cessé d’être repoussées. Puis un beau jour, les offensives ont cessé, et jamais plus Dorkos n’est revenu me voir.
  • Il a dû se rendre compte que tu étais un trop gros poisson pour lui, commenta le renégat.
  • Hum, je ne suis pas sûre que cette comparaison soit des plus flatteuses, Sheamon ! Cependant tu as raison. J’ai appris plus tard par une connaissance dans l’entourage direct de Thénardier que ce dernier avait lui-même ordonné à Dorkos d’arrêter, car cette hausse de la criminalité rendait les citoyens mécontents envers le maire. Ce qui, tu t’en doutes, n’enchantait pas vraiment celui-ci…

Elle inspira vivement, comme si considérer l’idée d’avoir affaire au Tisserand la rebutait au plus haut point.

  • Le fait est que Dorkos est une vipère des plus venimeuses, mais c’est le seul qui pourrait créer une diversion susceptible d’attirer les anges et les exorcistes en toute discrétion. En plus, Thénardier ne l’a pas invité à sa fête. Or ça, Dorkos ne l’a pas digéré, parce que toute la haute société de Lutécia y sera et lui non. Il sera d’autant plus enclin à jouer les perturbateurs anonymes.
  • Dans ce cas c’est moi qui entrerait en contact avec lui, décida Sheamon. Tu connais certainement l’endroit où le Tisserand se terre ?
  • Bien sûr. Dast te l’indiquera. Mais sois prudent, Sheamon. S’il venait à découvrir ta véritable identité…
  • Je serais déguisé, ne t’inquiète pas. Dorkos ne me reconnaîtra pas. Donc nous avons notre diversion. Mais elle ne nous accordera tout au plus qu’une ou deux heures de répit. Ce qui veut dire que nous aurons moins de temps que prévu pour capturer le maire et son sceau magique.
  • A partir de là, on peut s’en tenir à la suite du plan de départ, continua Amalia. Nous rentrons dans la forteresse à vingt et une heures au début de la fête, toi déguisé en membre de ma garde personnelle. Pendant les festivités, tu en profites pour t’éclipser discrètement et attendre mon signal. De mon côté, j’engage la conversation avec Thénardier, et je l’amène dans un lieu isolé, son bureau de préférence. Comme il a toujours le sceau de la Barrière sur lui, cela nous facilitera la tâche.
  • Comment allez-vous faire pour l’isoler ? demanda Triss.
  • Le charme, jeune fille. Tous les hommes sont sensibles à mon charme ! déclara la maitresse du Primera en souriant, avant de couler un regard acéré en direction de Sheamon. Il y a quand même quelques exceptions ceci-dit… Enfin… les élections approchent et Thénardier aura besoin de mon soutien. Il m’écoutera, crois-moi.
  • A ce moment-là, comme convenu, je neutralise le maire, reprit Sheamon, qui paraissait ne pas avoir remarqué le regard de son amie. Je prends son sceau et je le force à m’apposer la marque. Amalia, tu devras faire semblant d’avoir été assommée, pour que personne ne te soupçonne d’être impliquée.
  • J’ai toujours eu des talents innés d’actrice.
  • …Une fois cette partie du plan achevée, je quitterai la forteresse avec le maire en passant par les égouts sous la ville. Vu la garde conséquente qui patrouillera l’enceinte de la forteresse et les alentours, fuir en passant sous les fortifications est notre meilleure chance. Dast, aurais-tu quelqu’un de confiance à l’intérieur de la forteresse qui…
  • Veuillez excuser mon impertinence, Monsieur Wave, intervint Dast. Mais en prévoyant qu’une aide interne vous serait probablement utile, j’ai d’ores et déjà contacté un vieil ami travaillant à la forteresse qui me doit une faveur et ne porte pas vraiment le maire dans son cœur. Il sera de service le soir de la fête. Les égouts passant sous le palais sont protégés par une grille et des enchantements de défense, qui ne peuvent être relevés que par un employé cadre. Vous aurez besoin de lui pour la traverser.
  • Bon travail, Dast, le félicita Sheamon. Les choses seront plus simples ainsi. J’ai étudié la carte des égouts et des souterrains. Ce sera un jeu d’enfant de m’y repérer. Je sortirai donc de la forteresse avec le maire en passant par les conduits jusqu’à toi, gamine, et…
  • Attendez une seconde ! le coupa Triss en levant la main. Sheamon tu n’as pas oublié notre pacte, non ?

Silence autour de la table. L’expression de Sheamon devint dure.

  • Je me rappelle très bien ce que j’ai promis, gamine. Mais tu ne peux pas me demander de préparer l’improbable. Tu n’as pas encore réussi à remplir ta propre part du marché, non ?

Triss déglutit. Heureusement Amalia lui offrit un répit salutaire :

  • Je ne crois pas avoir été mise au courant, lança-t-elle avec un regard incisif pour Sheamon. Toi, tu as encore décidé de proposer un marché truqué, non ?
  • Absolument pas ! se justifia le renégat, en évitant toutefois de croiser les yeux d’Amalia. Je lui ai juste promis qu’elle pourrait nous accompagner, mais uniquement si elle parvenait à me toucher au moins une fois dans un duel. Mais si elle ne réussit pas avant la fête, elle devra rester en retrait sans faire d’histoires.

Amalia poussa un soupir.

  • Inutile de m’expliquer davantage, lança-t-elle à Triss. Il faisait la même chose avec… Enfin, il sait que tu es exactement le genre de personne incapable de refuser un défi et qui, en plus, tiendra parole !

Elle lança un regard assassin à l’ange déchu.

  • C’est déloyal ! Tu sais parfaitement qu’elle n’a aucune chance contre un ancien capitaine des Indomptables !
  • Je n’en mettrai pas ma main à couper, répliqua Sheamon en jetant un coup d’œil furtif à Triss. Elle a un potentiel absolument hors du commun…

Triss rougit et baissa la tête, surprise devant ce compliment inattendue.

  • C’est toujours injuste ! continua Amalia. Je suis plutôt d’avis que Triss devrait nous accompagner. Cela simplifierait grandement l’opération puisque nous n’aurions pas à faire sortir le maire de la forteresse en risquant de mettre toute la ville en état d’alerte si jamais la garde s’en aperçoit trop vite. C’est un problème supplémentaire que nous pourrions éviter si Triss reçoit la Marque en même temps que toi au lieu d’amener Thénardier jusqu’à elle ! Je pourrais la faire passer pour une filleule venue d’Italie que j’aimerais présenter à la haute société de Paris…
  • Ta filleule, une vampire ? objecta Sheamon sceptique. Je ne suis pas certain que les nantis l’acceptent aussi facilement…
  • Il nous suffira de la déguiser !
  • C’est trop dangereux, Amalia. Pour toi, comme pour elle. Si nous sommes séparés et que la situation s’envenime, elle risque de se retrouver acculée. Tant qu’elle ne m’a pas prouvé sa capacité à se débrouiller, je refuse de lui faire courir ce risque.
  • Te prouver ? Combien de personne seraient simplement capables de t’atteindre ? Ne lui ordonne pas de gravir une montagne pour te prouver qu’elle peut surmonter une colline…
  • Je le ferai, déclara soudain Triss.

Silence. Amalia et Sheamon tournèrent leurs regards étonnés vers la jeune fille, qui se sentit gênée par l’attention dont elle était l’objet.

  • J’y parviendrai, affirma la jeune fille, en mettant dans sa voix toute l’assurance dont elle se sentait alors capable. Je parviendrai à toucher Sheamon avant la fête…

Elle soutint le regard de son protecteur.

  • Et à ce moment-là, toi aussi tu tiendras ta parole, n’est-ce pas ? continua-t-elle.

Sheamon esquissa un sourire.

  • Bien sûr, gamine. Dans ce cas, je n’aurai plus aucune objection.
  • Alors ça me va. Je réussirai.

La jeune fille n’avait plus aucun doute. Les paroles de Sheamon l’avaient décidée. Il avait reconnu son potentiel. Et Triss comptait bien le forcer à reconnaitre sa force. Elle ne fuirait pas devant le défi qu’il lui avait lancé. C’était leur duel et Triss le remporterait.

Amalia poussa un soupir avant de tirer une nouvelle bouffée de sa pipe.

  • Par Azaël… s’exclama-t-elle avec un sourire désabusé. Il fallait en plus que vous ayez le même tempérament… Eh bien si tu es aussi sûre de toi, Triss, je ne vois aucune raison de t’en empêcher. Passons donc à la suite du plan maintenant. Après que tu… que vous soyez sortis de la forteresse une fois le sceau apposé et le maire neutralisé, il ne vous restera plus qu’à passer les portes, qui sont en ce moment très bien gardées…
  • Sauf le soir de la fête à titre exceptionnel, précisa Sheamon. La garde sera réduite de moitié pour concentrer le gros des effectifs dans les lieux clés de la ville afin d’éviter les débordements possibles. Le maire ne veut pas qu’une émeute éclate au moment de sa réception, et il s’inquiète beaucoups des mouvements de mercenaires. Je l’ai appris d’un milicien à qui j’ai payé quelques verres dans une taverne tout à l’heure.
  • Ce n’est pas dangereux de diminuer la garde chargée de protéger les portes ? objecta Triss.
  • Oh tu sais, personne ne se risquerait à approcher la Barrière, lui apprit Amalia. Elle désintègre tout ce qui ne porte pas la Marque, et depuis que le maire a interdit aux vaisseaux des Enfers d’atterrir à Lutécia il y a quelques mois, le trafic entre la ville et le royaume souterrain est fortement réduit. S’il n’y avait pas besoin de maintenir un personnel suffisant pour entretenir les portes et les ouvrir au passage de l’Enfer Express, Thénardier aurait probablement dissous l’unité qui les garde depuis longtemps. Mais sa présence rassure la population.
  • On devrait donc pouvoir se faufiler facilement, déclara Sheamon. Ouvrir les portes, en revanche, sera plus compliqué. J’aimerais mettre le plus de distance possible entre nous et la forteresse quand Viviane et Maxwell débarqueront à la fête.
  • Laissez-moi me charger des portes, proposa Dast. Un train spécial de marchandises devrait normalement passer aux alentours de vingt-trois heures. C’est un voyage quotidien. Les portes s’ouvriront alors légèrement pour le laisser passer. Je ferai en sorte de bloquer les rails de façon à immobiliser le convoi pour quelques temps. Vous pourrez en profiter pour vous faufiler dans le train discrètement.
  • Comment feras-tu ? demanda Amalia en haussant le sourcil.
  • Hum, si Madame me le permet, je préfèrerais garder cela pour moi. Je m’en voudrais de vous causer une inquiétude inutile.

Amalia haussa les épaules.

  • Fais comme tu veux, mais évite de te faire prendre. Un majordome de ta qualité ne se trouve pas à tous les coins de rue. D’ailleurs je ne sais même pas si j’aurais l’envie de te remplacer, mon ami…
  • Votre confiance me touche énormément, Madame, répondit le majordome en s’inclinant. Mais n’ayez pas d’inquiétude, je ne me permettrais pas de salir votre nom en me faisant appréhender.

Sheamon prit son verre de viralt.

  • Alors nous sommes fixés ; je rendrai visite à notre ami le Tisserand, annonça-t-il. Ensuite, on devra se préparer au mieux avant le grand final. Je sais que c’est inutile, mais Dast, Amalia, vous pouvez encore décider d’abandonner… En fait, il vaudrait mieux que vous ne soyez pas impliqués. Je trouverai un autre moyen de…
  • Ne commence pas avec tes discours de héros, Sheamon, l’avertit Amalia en posant sa pipe et en levant son verre. Il n’y a pas d’autre moyen et tu le sais très bien. J’ai été impliquée au moment même où tu as posé le pied dans le Primera. Ça ne me gêne pas le moins du monde. Je dois même avouer que je m’ennuyais légèrement ces temps-ci. On peut dire que ma vie manquait de péripéties... Alors quoi de mieux pour se distraire qu’une opération criminelle visant à kidnapper le représentant de Satan, en violant la moitié des lois de Lutécia par-dessus le marché !
  • Ne prends pas cela à la légère, grommela Sheamon.
  • C’est très simple, pourtant ; mon ami a besoin de moi. Je n’ai pas l’intention de t’abandonner.

Sur ces mots Amalia leva sa seconde main. Un verre propre posé sur le bureau de la directrice du casino vola jusqu’à elle. La maitresse du Primera l’attrapa et le tendit à son majordome.

  • Qu’en est-il de toi, Dast ?

Ce dernier tenait toujours la bouteille de viralt dans sa main droite, prêt à servir les convives attablés. Il accepta le verre en inclinant la tête. Le majordome le remplit alors avant de le lever et de poser la bouteille sur la table.

  • Si Madame s’engage dans cette voie dangereuse, mon devoir est de l’assister au péril de ma vie, déclara-t-il solennellement d’une voix élégante.

Triss ne savait pas très bien ce qu’elle devait faire, mais elle ne voulait pas rester simplement spectatrice. La jeune fille s’empara donc de la bouteille et, sous les regards étonnés des adultes, se servit une généreuse quantité de viralt. Elle leva ensuite son verre à son tour avant de lancer un regard de défi à l’exorciste.

  • Ne m’oubliez pas ! rappela-t-elle fermement aux adultes. Moi aussi, j’en fais partie !

L’étonnement de Sheamon se mua en résignation, puis en sourire désabusé.

  • Comme l’a dit Amalia, c’est une conspiration qui vise à capturer le maire de Lutécia et à enfreindre la moitié des lois de la ville au passage, ce qui revient à faire de nous des ennemis du Roi-Démon… Autant dire que ce qui nous attend en cas d’échec, c’est l’exécution ou la prison pour l’éternité. Alors autant réussir un coup d’éclat qui entrera dans la légende de Lutécia !
  • Une sombre légende urbaine… ironisa Amalia. Ça me plait !

Sheamon leva son verre.

  • Au succès ! s’exclama-t-il avant de porter le verre à ses lèvres.

Dast, Amalia et Triss, reprirent en chœur avant de l’imiter.


***


Quand Triss se réveilla le lendemain, la matinée était déjà bien avancée. Elle sentit sa tête tourner dès qu’elle fit mine de se redresser sur son lit et la reposa sur son coussin en grimaçant. Son estomac faisait également des sienne et paraissait abriter une bête terrifiante qui la griffait de l’intérieur. Triss regretta d’avoir mangé autant de glace. Après réflexion, le viralt non plus n’avait pas dû faciliter la digestion. La glace et les boissons étaient pour les vampires ce que sont les friandises pour les humains. Succulents, mais mauvais pour leur santé.

Triss se força cependant à quitter son lit. Elle regarda autour d’elle, mais ne vit pas la moindre trace de Ryku. Ce dernier avait dû rester avec son maître. Elle grimaça en sentant ses migraines reprendre…

Quelque chose sur le bureau attira son attention et elle se traina jusqu’à lui. Un message et une fiole contenant un liquide vert peu ragoûtant, avec la clé de la salle secrète. Triss se força à bouger jusqu’au meuble, prit le papier et lut la lettre.

Gamine,

Tu baves légèrement quand tu dors. Je me doute que tu risques de te réveiller dans un sale état à cause du viralt. Je t’avais prévenue ! Bois cette potion, elle devrait te permettre de te sentir rapidement mieux. Je vais rencontrer Dorkos, et je dois aussi m’occuper de quelques affaires en ville. Ne quitte pas le Primera, entraîne-toi si tu veux, mais surtout sois discrète. Je serai de retour vers six heures. Ce sera l’occasion de voir si tu as progressé…

Triss déchira la feuille, irritée au plus haut point. Ce satané ange déchu se moquait encore d’elle ! Elle l’imaginait sans peine rentrer à pas de velours dans sa chambre, esquisser un sourire moqueur en voyant la jeune fille endormie et laisser son message sur le bureau, savourant d’avance le réveil atroce qui l’attendait…

La jeune fille se calma en sentant sa migraine revenir à la charge. Cela ne servait à rien de pester dans le vide. Elle devait s’entraîner de son mieux si elle voulait avoir une chance de remporter son pari. Triss saisit la fiole, l’ouvrit et en sentit le contenu. L’odeur lui donna aussitôt un haut-le-cœur. Hors de question d’avaler ça…

Puis son regard glissa sur les morceaux éparpillés de la lettre de Sheamon.

En grimaçant, la jeune fille prit son courage à deux mains et avala d’un trait la potion verte. Le goût était atroce… Mais Triss sentit aussitôt une fraîcheur bienfaisante se répandre dans tout son corps et chasser les nausées qui l’assaillaient depuis son réveil.

Elle dût reconnaitre que Sheamon avait eu raison. Puis Triss se rappela qu’il y avait un atelier d’alchimie dans sa salle secrète. Avait-il lui-même élaboré cet étrange breuvage pour l’aider à récupérer de ses excès de la veille ? Peut-être avait-t-elle mal jugé le renégat…

Mais de nouveau, son regard glissa vers les morceaux du mot de Sheamon. Non, définitivement, cet ange déchu était un rustre mercenaire de la pire espèce !

Triss s’habilla rapidement après s’être débarrassée de tout ce qui avait fait d’elle le soir précédent une charmante jeune fille de la haute société. La robe gisait à terre, abandonnée par sa propriétaire qui d’ailleurs ne comptait plus jamais en porter une… Néanmoins, par respect pour Amalia, Triss la déposa délicatement sur le fauteuil. Elle remit les habits offerts par Sheamon, soigneusement lavés et repassés.

La jeune fille décida de s’essayer à la méditation. Elle s’assit en tailleur sur le sol, inspira profondément, puis tenta de faire le vide dans son esprit. Mais c’était bien plus difficile qu’elle ne l’avait imaginé. La jeune fille ne parvenait pas à se concentrer correctement car les pensées se bousculaient dans sa tête. Elle se força à se focaliser sur sa respiration. Peu à peu, ses efforts commencèrent à porter leurs fruits. Sa concentration la fit entrer dans un état de transe jusqu’alors inconnu, stimulant ses sens. Les sons autour d’elle lui semblaient plus clairs, l’air paraissait vivant…

Soudain, quelqu’un frappa à la porte, rompant la transe dans laquelle était plongée la jeune fille.





A suivre... 

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