Chapitre 12

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Ils ont du retard. Ça fait quatre jours que je vis sur les quais, refusant de rentrer à la maison même quand il pleut, de m’alimenter et de parler à qui que ce soit. J’ai vu des regards tristes, désapprobateurs mais aussi compatissants. La majorité de la ville respecte ma volonté et certains viennent regarder la mer avec moi, sans un mot, juste en restant immobile avec moi. Parfois, je pleure sans m’en rendre compte, tombe à terre et crie ma détresse. Il y a toujours quelqu’un pour me consoler mais aucun mot de réconfort ne me soulage.

Un coup de tonnerre résonne au loin. Tout le monde qui s’était rassemblé autour de moi sans me déranger sursaute. Les enfants crient de peur et se cachent dans les jupes de leur mère. Un éclair déchire le ciel et ma terreur augmente. Mon mauvais pressentiment se fait plus présent et ma panique me fait perdre la tête. Je hurle ma colère, ma colère et solitude avant de me ruer vers l’eau. Je sens des mains qui essayent de m’arrêter mais je me suis prête à y aller.

Arrivée à trois pas de l’eau, je vois un puis deux et trois mats se détacher de l’horizon. Mon cœur se met à battre à mille à l’heure. Les voilà. Enfin ! J’entends des soupirs de soulagement derrière moi et je sens des larmes de soulagement couler le long de mes joues. Les bateaux s’avancent lentement vers nous. Même de loin, on voit que l’état des navires est nettement moins bon que celui de départ. Des traces de brulures sont visibles, des planches manquent et surtout, deux bâtiments sont absents.

Trop lentement à mon goût, les bateaux finissent pas accoster le long des quais de bois. Les hommes qui en descendent ont des mines défaites, marqués par la fatigue, le combat et la mort. Du regard, je fouille parmi les arrivants après mon homme mais je ne le vois pas. La panique remonte, plus forte et plus profonde qu’avant. Où est-il ? Lui est-il arrivé malheur ? Mes pensées s’envolent, mon imagination s’emballe et je le vois mort sur le champ de bataille, piétiné par mille et un fantassins.

D’un coup, je me retrouve perchée dans les airs, deux bras forts me tenant par ma taille qui s’épaissit. Je me tords le cou pour voir qui ose me prendre comme ça et rencontre deux yeux, océan émeraude et un sourire chaleureux. Mon homme est rentré, une belle cicatrice de plus sur l’épaule. Ma panique reflue plus vite que la mer à marée basse et me contorsionne pour me retrouver face à lui. Dieux qu’il est beau. Baldr lui-même est moins beau et moins lumineux que lui. Mes membres retrouvent leur vie et leur vivacité face à ces dents blanches comme des perles. Doucement, il me fait redescendre tout en approchant mon visage du sien. Enfin, nos lèvres se rencontrent. Elles ont un goût salé. Après une seconde de réflexion, je me rends compte que nous pleurons de joie tous les deux, d’où le sel.

Le son me revient rapidement, comme si quelqu’un s’était amusé avec le bouton du volume. Du silence le plus total, je passe aux cris, pleurs et autres exclamations de joie comme de tristesse. Mes pieds retrouvent le sol mais les bras de Flock restent accrochés à mes hanches. Trente des nôtres ont rejoint le Valhalla durant une des batailles de York. Je compatis à la douleur des jeunes veuves et des mères mais mon propre bonheur efface presque tout sentiment négatif. Ce soir, nous fêterons le retour de nos héros et chanterons à la mémoire des disparus.

Le lendemain, j’ai la tête pleine de coton. Je n’ai pas bu mais les festivités ont duré jusque tard dans la nuit et après plusieurs jours sans sommeil, le peu d’heures de repos que j’ai eues ne suffisent pas à tout récupérer. Quand je me réveille, le visage de Flock est plongé entre mes seins et ses bras me serrent contre lui. Je ne suis plus habituée à avoir quelqu’un dans mon lit et je me sens bizarre avant de placer mes mains sur ses épaules. Il soupire, enfonce son visage un peu plus loin et serre ma taille plus qu’avant. S’il n’y avait pas un futur bébé dans le chemin, je le laisserais faire mais là, ça fait mal. Délicatement, je le force à desserrer son étreinte mais je le réveille par la même occasion. Il relève la tête, perdu, me regarde et un sourire rêveur s’épanouit sur ses lèvres. Il replonge son minois vers ma poitrine et joue avec à travers le tissu de ma robe de nuit. Ça fait tellement longtemps que plus personne ne m’a touché !

Je ne tarde pas à haleter et à courber le dos vers lui, avide de ses caresse. Il rit et souffle sur mes tétons dressés tout en faisant descendre ses mains vers mes fesses. Impatiente, je lui arrache sa chemise et son pantalon. Il rit de plus belle et roule sur lui-même, m’entrainant avec lui. À califourchon sur son bassin, ma robe remonte d’abord seule puis il me l’enlève. Depuis la dernière fois qu’il m’a vue nue, mon corps a changé, montrant avec fierté ma grossesse. Ma poitrine a grossi et est ultra-sensible et un petit ventre est apparu par-dessus mes muscles. Fasciné, il laisse courir ses doigts sur mes rondeurs et s’arrête au-dessus du bébé. À l’intérieur, c’est la java. Bébé est réveillé et prêt à faire la fête. Mon manque de mon futur époux me rend folle de désir. Ses yeux s’écarquillent quand il sent un mouvement. Il reste à fixer mon estomac un long moment puis les relève enfin vers les miens. Dans son regard, je lis de l’amour, du désir et du bonheur. Quelques larmes coulent le long de ses tempes et s’écrasent sur l’oreiller avant qu’il inverse à nouveau nos positions.

Son érection se pose à l’entrée de mon sexe et, déjà, mes paupières se baissent de plaisir. D’un grondement, il m’oblige à les rouvrir. Satisfait, il glisse en moi dans un coup de rein souple, me coupant le souffle. Il s’immobilise, me laisse le temps de m’habituer à sa présence alors il commence réellement à bouger. D’abord lentement avant d’accélérer la cadence. Trop d’émotions affluent en une seule fois. Je crie et je pleure. Je veux qu’il arrête et qu’il continue. J’en veux plus mais j’ai peur d’en demander de trop. Au-dessus de moi, Flock s’est agrippé à la tête de lit et à ma hanche, me tirant contre lui à chaque poussée. La pression dans mon bas-ventre gonfle comme un ballon. Le bébé pousse aussi, ce qui est étrangement jouissif. L’un pousse contre l’autre par à-coup.

C’est trop. Mon esprit part en éclats et ma jouissance est plus puissante que jamais, attisée par la longue absence et par ma grossesse. Perdue, je sens ses tremblements quand il jouit à son tour. Puis, épuisé, il s’écroule sur le matelas, m’entrainant avec lui. Ses bras passés autour de mon corps, nous restons un long moment à nous faire des câlins et à nous dire des mots doux. Je suis heureuse, comblée et tellement fatiguée que je me rendors, la tête posée sur son torse.

La porte de la grande maison s’ouvre sans prévenir, va claquer contre le mur et proteste contre cette agression. Je sursaute et Flock en profite pour sauter hors du lit et enfile son pantalon avant de gagner la grande salle. Je m’habille en vitesse et le rejoints. À un pas de la cheminée, je m’arrête. Des voix en colère me parviennent. Flock est furieux, mais c’est la seconde voix qui m’interpelle le plus. C’est celle du Jarl qui nous avait attaqués et qui avait refusé de me parler « vu que je suis une femme ». Oh mince... Je sens que je vais passer un sale quart d’heure mais je n’ai pas le choix. Il faut que j’assume mes décisions. Je respire un bon coup et m’avance. Les deux hommes sont face à face. Flock est un peu plus grand mais l’autre est plus large et gros. La planche sous mes pieds grince et attire l’attention sur moi. Le Jarl me fusille du regard mais celui de Flock se fait plus doux.

  • Ne laisse pas ta femme te distraire. Elle a une langue de vipère.
  • Non. Pas vraiment de vipère. Plutôt acérée quand il le faut.
  • C’est pour ça que tu me menaces de mort ?
  • Ah bon ? Je ne me rappelle pas d’avoir émis une seule menace après votre attaque avortée. Il me semble que j’ai même donné un de nos meilleurs bateaux pour prouver ma bonne volonté et mon souhait de paix et d’amitié entre nos deux clans.
  • Quel bateau ? Je n’ai rien reçu d’autre que des menaces de mort !
  • Alors d’où provient la soie que vous m’avez donnée ?
  • Quelle soie ? Je n’ai jamais donné un cadeau aussi précieux.
  • Faites-vous confiance à votre représentant ?, demande Flock sans sevoir vers quel raisonnement il part.
  • Il m’a paru affable mais digne de confiance, quand il est venu.
  • Mon représentant ? J’ai envoyé ma fille et son futur époux mais il ne devait pas prendre part aux négociations. Ce sont eux qui m’ont dit à propos des menaces.
  • Pourtant, c’est toujours un homme seul qui est venu à moi. Et j’ai plus d’une douzaine de témoins pour le prouver...
  • Je vous crois. Ma fille et cet homme n’ont plus donné signe de vie depuis plus d’un mois.
  • Vous nous en voyez désolés mais nous n’avons rien à voir avec cette histoire. On peut vous aider à les retrouver mais ce n’est pas nécessaire de venir ici et de l’accuser de choses qui ne sont pas vraies, répond vertement mon futur époux.
  • Je suis désolée que vous ayez cru que je vous menaçais mais il me semble que j’ai été claire quand vous êtes venu la dernière fois. Vous vous êtes montré grossier et condescendant, mais j’ai laissé couler, à condition que vous partiez.
  • Je comprends et mon avis sur vous a changé. Vous pouvez faire une bonne cheffe. Vous êtes têtue et combattante, prête à vous jeter dans le danger pour protéger les vôtres et je ne peux que respecter ça. Mais ça ne résout pas le problème de ma fille et de mon futur gendre.
  • Nous comprenons mais nous n’en savons rien. Je ne les ai jamais vus et Fraya soutient qu’elle n’a vu qu’un homme. Je pense que si vous rentrez chez vous, vous le retrouverez assis à votre place.
  • Comment ? Vous osez menacer ma place ?
  • Non. Je dis simplement les choses telles qu’elles sont. Votre futur gendre est le genre d’homme à profiter de la situation pour récupérer ce qu’il veut depuis le début, n'est-ce pas? Il a été extrêmement heureux d’accepter le bateau et n’a pas parlé une seule fois de vous le donner, maintenant que j’y pense. C’est un opportuniste que vous feriez mieux de garder à l’œil, avant qu’il ne vous plonge une hache dans le dos.
  • À vous entendre, on pourrait presque penser que vous êtes à la source de ce plan.
  • Ça suffit ! Choisissez votre position ! Vous complimenter puis insulter ma compagne avant de revenir sur vos pas. Vous savez très bien qu’elle n’a rien à voir avec la désertion de votre fille et que nous ne sommes pas la menace. Tout a commencé à cause de vous, je vous rappelle.

Le Jarl pousse un soupir, s’assied par terre et son regard se perd aux pieds de Flock. Je vais chercher une chope de notre bière la plus forte et la lui tend. Il accepte avec un petit sourire, soupire à nouveau et des larmes silencieuses commencent à couler dans sa barbe fournie. Je rejoints mon chef, passe un bras autour de sa taille et il m’attire plus près de lui. Nous échangeons un regard avant de laisser l’homme tranquille, rejoignant dehors la foule inquiète qui a entendu les cris et les accusations.
Je descends tranquillement les quelques marches, dérangée par une nausée mal venue. Il est passé midi et je n’ai toujours rien mangé. Ma tête se met à tourner mais Flock me rattrape de justesse. Je l’entends au loin demander après un peu de nourriture, concentrée sur ma respiration et essayant de calmer la nausée. Un bol de soupe se plante sous mon nez. L’odeur de chou me soulève le cœur et je repousse le récipient avant de courir pour éviter d’asperger la foule de bile. Je ne sais faire que quelques mètres avant de m’effondrer et de laisser sortir le liquide gluant.

Des pas résonnent derrière moi, d’une main tremblante, j’essaye de repousser les jambes que je sens dans mon dos, mais ce n’est pas suffisant. De grands doigts puissants regroupent mes cheveux pour éviter de les salir plus et une paume chaude frotte doucement mon dos. Je me déteste de montrer un tel signe de faiblesse mais je ne peux y échapper. Une odeur de pain chaud emplit mon nez, me donnant l’eau à la bouche. Toujours tremblante, je me redresse et prends appui sur le torse nu de Flock. Je n’ai pas en mémoire un instant où il aurait enlevé sa blouse depuis notre petite sauterie matinale. Il me tient dans ses bras, sans parler, jusqu’à ce que mes tremblements se calment enfin.

Au bout de l’allée, Tarin nous regarde, tenant un grand morceau de pain encore fumant dans une main, un petit plat chargé de fruits dans l’autre. Je me mets debout, les jambes tremblantes, avec Flock comme soutien. Son bras reste fort autour de ma taille épaissie, ne me lâchant pas jusqu’à ce que je sois assise sur les marches. Les visages se font inquiets à me voir pâle comme une morte. Les femmes s’approchent et repoussent mon fiancé qui se fait accaparer par les hommes. Je préfèrerais être seule avec lui, le laisser me rassurer et me dire qu’il m’aime même quand je suis malade à cause du bébé.

Quelques heures plus tard, le Jarl sort enfin de la maison. Ceux qui sont restés avec Flock et moi se relèvent et le regardent, mi-figue mi-raisin. Ils ne savent pas s’ils doivent juste le laisser passer sans rien dire ou l’insulter ou l’attaquer. Ils attendent notre réaction. Côte à côte, main dans la main, nous allons vers lui. Il baisse les yeux, nous remercie de notre hospitalité et s’en va sans dire un mot de plus, la tête penchée vers le sol. Inquiets, nous le suivons de loin. Il retourne au port et, quand son navire est à vue, il se redresse et hurle ses ordres à son équipage. Un pied posé sur la planche qu’il utilise comme passerelle, il nous sourit et refuse qu’on envoie un de nos vaisseaux l’aider en cas d’attaque. Il nous promet de revenir pour le mariage et renouvelle l’alliance entre nos deux tribus.

Puis il s'en va aussi vite qu'il est arrivé. Je n’ai pas tout bien compris et je redoute ce qu’il va faire. Je pousse Flock à le faire suivre, même s’il a refusé notre offre, mais têtu comme une mule, il me résiste. Peu importe à quel point je sens que les choses vont mal tourner.

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