Chapitre 15

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J’ai mal dormi. Le lit est froid et je ne me sens pas bien, trop seule, j’ai envie de rentrer chez moi pour me loger contre le torse chaud de mon homme. Mais les bruits qui me parviennent du reste de la maison me prouvent que je ne suis pas la seule à être encore éveillée. Au matin, je me lève dès que le premier rayon de soleil passe par ma fenêtre, excitée et énervée par le manque de sommeil.

Tarin ne tarde pas à entrer, accompagnée par Ygri qui tire une tête pire que la mienne, Salm, Berthe et Gira. Toutes les quatre portent des robes de lin blanches, elles sont prêtes pour le bain. Au milieu de la grande pièce, un grand bac d’eau chaude nous attend. Aidée par les autres, j’entre la première, gênée d’être ainsi exposée, mise à nu pour la première fois depuis une éternité. Plus personne ne m’a vue nue depuis presque un an, quand j’ai emménagé chez Flock. Les mains se posent sur mon ventre arrondi, à l’affut d’un mouvement. Puis les filles me rejoignent dans l’eau et me lavent.

Après le bain, on m’habille de ma robe de soie blanche et bleue, attache ma ceinture neuve avec les clés de la grande maison, celles de la partie privée de celle-ci et celles de la ville et, enfin, on coiffe avec un ruban et des perles mes cheveux. Une petite touche de couleurs pour masquer mes cernes et mettre en avant mes lèvres rouges et je suis prête. Pour la dernière fois de la saison, le gong des mariages résonne.

Tout le monde part, me laissant seulement avec mes demoiselles d’honneur et avec Hiter, la plus vieille matrone de la ville qui jouera le rôle de ma mère. Lentement, nous rejoignons la colline. Hiter lâche ma main, embrasse ma joue et laisse à Kuln, le père d’Ygri et qui fera office de père. En haut, Flock m’attend, habillé dans sa plus belle tenue de chef, Heimden comme témoin et un Jarl allié comme officiant.

Une foule quatre fois plus grande que pour le mariage de Tarin et de Heimden a les yeux fixés sur moi. Dedans, je reconnais toute la ville et la majorité des clans alliés au nôtre. Devant une si grande assistance, je commence à monter, accrochée au bras de mon père de substitution. La montée me semble interminable, trop lente et trop longue. Le chemin s’est-il allongé en une nuit ? Ou a-t-on ralenti le temps pour faire durer ma torture ? Je veux juste dire mes vœux et être la femme de l’homme que j’aime depuis tant d'années.

Enfin. Kuln m’embrasse sur le front et donne ma main à Flock. Mon cœur bat à la chamade, prêt à transpercer ma poitrine. Ses yeux sont pleins d’amour et incroyablement sereins comparé à moi. Sa main est sûre quand il saisit la mienne et nous rapproche du Jarl. Je prends une grande inspiration et redresse la tête.

  • Mes frères ! Mes sœurs ! Devant les yeux de Freyja, de Vár, de Frigg et de Thor, nous allons maintenant lier le destin de ces deux jeunes gens. En tant que Jarl, il est toujours honorifique et source de fierté de marier un autre Jarl devant son clan, surtout quand sa future épouse est connue pour sa combativité, sa sagesse et son tempérament semblable au vent. Il est toujours utile d’écouter et d’entendre les conseils des anciens mais la nouvelle génération apporte la fraicheur et la vigueur nécessaire pour maintenir l’énergie d’une tribu, dans la paix comme dans la guerre. L’amour entre ces deux jeunes personnes est plus que tangible. Il se voit dans leurs yeux, dans leurs comportements et également dans le ventre de Fraya. Leur amour a sauvé cette ville de l’autodestruction, réconciliant toutes les parties ennemies depuis près de cinquante ans et éliminant ceux qui empêchaient cette paix et qui se mettaient sur leur route, mais toujours avec une volonté de justice et de bonté. À la vue du nombre de personnes présentent ici, je peux jurer qu’il s’agit d’une grande réussite. Jarl Flock, dites en premier les mots.
  • Fraya. On se connais et je t'aime depuis toujours, mais j’ai tardé à le reconnaitre, te causant du tort quand les choses ont dégénérées. Mais je le dis depuis un an et je compte le dire jusqu’au Valhalla. Je t’aime et rien ni personne ne me fera changer d’avis. Aujourd’hui, devant les dieux, je te jure de t’aimer, de te protéger, de t’aider et de détruire tes ennemis, dans les moments d’allégresse comme ceux de malheur.
  • Bien. Fraya, à votre tour de prononcer vos vœux.
  • Flock. Je ne le cacherai pas. Je t’ai attendue sans grand espoir pendant des années. On nous a empêché d’être ensemble mais mon amour pour toi n’a fait que grandir et se renforcer tout en restant caché pour la majorité de la ville. Puis un jour, tu es venu me retrouver dans cette misérable cabane qui me servait de maison pour me ramener chez toi. Depuis, je peux enfin montrer ce que j’ai toujours ressenti pour toi. On s’est battu ensemble ou l’un pour l’autre, faisant grandir et murir notre amour. Je te promets de t’aimer, de porter et de protéger nos enfants – même si le premier est en route depuis quelques mois –, de te protéger et de t’aider,
    dans le malheur comme dans le bonheur.
  • Aux noms de Freyja, de Frigg, de Thor et de Vár, je vous déclare mari et femme. Embrasse-la, mon garçon. On ne voit pas une femme aussi têtue tous les jours.

Alors, sous les hourras de la foule, Flock me prend doucement par la taille, me tire vers lui et m’embrasse. Pas un rapide baiser, mais un qui dure, vraiment profond. Sa langue s’enroule autour de la mienne. Je lui rends rapidement, pleine de promesses pour cette nuit, puis le repousse tendrement mais fermement quand l’assemblée se rue sur nous et nous porte en triomphe jusqu’à la grande salle. Ce soir, je pourrai enfin manger et boire comme je veux.

Raté. D’abord, on doit regarder les combats entre les guerriers de notre clan avec ceux de nos alliés. Et pas un ou deux. Non ! Ça aurait été trop facile ! Autant faire durer le plaisir jusqu’au bout et si possible toute l’après-midi. Vingt combats, dont certains en simultané, en cinq heures de temps. C’est sanglant, heureusement sans morts, et parfois glauque. Quelques mains et jambes se perdent, quelques viscères sortent mais tous préfèrent en rire plutôt que de se taper sur la gueule encore plus fort.

J’ai faim, j’ai soif et je suis fatiguée et Flock l’a remarqué. Il me regarde plus souvent que les combattants et ses doigts ne quittent pas les miens. Une nausée me prend. C’est la troisième depuis la fin de la cérémonie et je sais qu’elles ne viennent que quand je n’ai pas assez mangé ou bu. Le haut-le-cœur fait trembler tout mon corps, inquiétant mon mari plus encore. Du coin des lèvres, il demande à ce qu’on m’amène un peu de nourriture mais je refuse. Ce ne serait pas respectueux. Furieux, il passe outre ma protestation et ordonne qu’on arrête tout le temps que les belliqueux se reposent un peu, ce qui me permet de manger et de boire tranquillement.

Andhrímnir soit béni ! Ça fait du bien. Le porridge et le lard ne m’ont jamais aussi bien goûté. Flock semble plus heureux tandis que je finis mon assiette. Son sourire séducteur réapparait sur son visage et ses yeux redeviennent rieurs. Sa main se balade entre mon dos et mon ventre. Puis il me soulève de mon siège, me faisant pousser un faible cri de surprise et m’assieds sur ses genoux. Il pose sa tête sur la mienne tout en me serrant contre lui. Plusieurs regards se posent sur nous et des sourires apparaissent dans la foule. Gavée, je soupire de béatitude et me laisse aller contre le torse puissant de mon époux. Peu de temps après, les combats reprennent.

Ce n’est que quand les torches ne suffisent plus pour éclairer et que les guerriers commencent à taper dans le vide que nous rentrons enfin dans la grande salle où le buffet géant a été servi. Il restait autant dans les réserves ? Il ne me semblait pas, sauf si les autres Jarls ont aussi apporté de la nourriture avec eux. Tous mangent avec appétit et commencent à boire. Flock et moi ne buvons que peu d’alcool mais mangeons comme les autres.

La musique résonne, les tambours frappent depuis des heures sans s’arrêter, des flûtes et des chants montent dans les airs. En dansant, j’observe les comportements des étrangers, les regarde interagir entre eux et avec les gens de ma ville. Les Jarls se tiennent un peu à part et ne parlent pratiquement qu’avec nous deux. Même si beaucoup de personnes viennent nous voir, nous faire boire, nous crier dans les oreilles ou nous défier en combat singulier, je m’ennuie et je m’endors un peu. La main de Flock ne quitte pas ma cuisse ou mon dos et me rassure tout en s’assurant que je ne dors pas vraiment.

Si tout le monde est saoul, tous ne tardent pas à rentrer chez eux quand la nourriture et la boisson viennent à manquer. Les Jarls nous saluent et ferment la marche de leurs gens jusqu’au port où ils passeront la nuit sur leurs bateaux. Les habitants de chez nous finissent par rentrer chez eux d’un pas incertain. Au moins, cette fois-ci, on a évité les orgies et les débordements.

Quand tout le monde est enfin parti, Flock se tourne vers moi, m’embrasse et me prend dans ses bras. Dans notre chambre, il me lance sur le lit et je me prends le marteau dans le dos et sur la tête. Je rigole en me frottant les zones douloureuses. Il me fait une mine déconfite mais ne s’excuse pas vraiment. Il l’enlève des draps, le pose à côté du lit et se jette littéralement sur moi. Je le sens déjà en érection contre ma hanche quand il prend possession de mes lèvres. Je me sens fiévreuse, excitée comme jamais.

Nos gestes sont gauches, rendus maladroits par le désir. Cependant, nous parvenons rapidement à nous déshabiller. Une fois les vêtements à terre, il se redresse me regarde avec son sourire en coin qui me fait fondre, puis descend lentement sur ma poitrine. Il la lèche, la pince, la mord doucement et prend enfin les pointes tendues de mes seins en bouche. Des gémissements incohérents passent par-delà mes lèvres et mes mains se perdent dans ses cheveux. Lentement, il descend toujours plus bas, léchant la peau étirée de mon ventre, avant d’arriver à son but.

Je perds la tête, les sensations ont pris possession de mon corps que je ne peux pas empêcher de gigoter, de vouloir atteindre le sommet pour sombrer ou pour échapper à la tension qui tend chaque muscle un peu plus à chaque seconde qui passe. Il joue avec moi et y prend plaisir. À chaque fois que j’arrive enfin à la délivrance, il s’arrête, recule jusqu’à ce que je me calme avant de recommencer. C’est trop pour moi. Des larmes coulent le long de mes tempes pour se perdre dans mes cheveux. Je le supplie d’arrêter.

Les sanglots dans ma voix le font stopper sa nouvelle attaque. Il se redresse, inquiet, se remet à ma hauteur et me prend dans ses bras. Il s’excuse, sèche mes larmes et attend que je m’apaise. Puis, il me positionne sur lui. Mes jambes s’écartent automatiquement pour laisser la place à ses hanches. Quelques sanglots secouent encore ma poitrine mais je suis trop excitée que pour en tenir compte. Avec son aide, je le fais entrer en moi, m’étirer et me combler. Je soupire de contentement. Enfin. Je commence à rouler du bassin, lentement, lui imposant un rythme qui le torture mais qui me le fait sentir jusqu’au fond. Ses mains s’accrochent à ma taille, me tirent vers le haut puis vers le bas plus vite mais je résiste un peu. Je ne vais pas le laisser gagner. Alors je m’arrête totalement, assise sur son bassin et lui enfoncé jusqu’à la garde. Il resserre ses doigts sur mes hanches et me fusille du regard. Je lui retourne un grand sourire avant de me pencher pour l’embrasser, le faisant bouger. Il grogne et je ricane intérieurement.

Puis je me retrouve sur le dos. Il a été trop vite et mon cri de surprise ne se fait entendre qu’une fois son action terminée. Son regard fou de désir me brûle la peau, faisant flamber de plus belle le feu intérieur qui a transformé mon sang en lave dans mes veines. Nous restons figés un moment, à nous regarder dans les yeux. Ensuite, lentement, il commence à bouger. Le rythme lent ne tarde pas à accélérer et à se faire plus fort. Des gémissements et des cris inarticulés sortent de nos bouches tandis que la tension monte de plus en plus et que les bruits de chair se rencontrant se font de plus en plus sonores. Je perds le contrôle, le laisse faire de moi ce qu’il veut mais lui non plus ne se contrôle plus. Dans un grand hurlement, nous jouissons de concert. Des points noirs obscurcissent ma vision et je le sens s’effondrer sur moi. À bout de souffle, nous bougeons juste assez pour nous mettre confortablement pour dormir, ma tête posée sur son épaule et ses bras serrés autour de moi. Soulagés, enfin mariés et heureux, nous ne tardons pas à nous endormir.

Le lendemain, nous ne sortons pas. Nous restons tous les deux dans notre maison, le plus souvent au lit à faire l’amour. Personne n’ose venir nous déranger, tout le monde sait que quiconque qui oserait venir nous dérange se verrait sévèrement puni. Donc nous sommes seuls et heureux de l’être. À partir de demain, les choses reprendront leurs places normales et nous devrons à nouveau nous partager avec les autres afin de préparer nos défenses contre l’hiver, renouer les liens d’amitié avec les autres clans et revenir vers les nôtres qui nous attendent pour les diriger vers un grand avenir.

Notre temps en solitaires est terminé. Nous retournons vers la vie grouillante de la ville. Les Jarls et Flock se réunissent dans la grande salle pour reconduire les accords entre eux. Pendant ce temps, je reste avec les épouses et les compagnes à parler du rôle de la femme de chef, des responsabilités du village ainsi que des enfants et des tracas qu’ils causent au quotidien. Les autres nouvelles mariées nous rejoignent un moment et bavardent avec joie des bonheurs d’être avec leur époux. Enfin, les hommes nous retrouvent pour le repas où nous discutons gaiement. Puis, après de longues salutations, les Jarls, leurs épouses et les clans s’en vont chacun à leur tour.

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