XXXVIII

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Ses bottes s’enfoncèrent dans la neige lorsqu’elle sortit du 4×4, mais ses hautes semelles faisaient heureusement parfaitement l’affaire. Jakab déchargea la valise du coffre et la porta jusqu’au seuil afin de ne pas la salir. Elle le rejoignit rapidement et s’introduisit dans la maison à sa suite.

L’entrée donnait directement sur le salon. Une télévision était placée sur un meuble à côté d’une vieille cheminée et Cassandre se demanda si celle-ci fonctionnait encore. Son regard se posa ensuite sur une curieuse arme posée sur une commode de bois noir. Le maître des lieux dut remarquer son intérêt car il répondit à sa question avant même qu’elle ne la formule.

— C’est une arbalète.

Cassandre enregistra l’information, puis tourna la tête et se dit que, tout comme chez elle, les murs n’étaient pas très décorés.

— Je te montrerai, promit encore Jakab en retirant son manteau pour le poser sur le dossier du canapé esquinté.

Puis elle sentit sa présence dans son dos alors qu’il s’approchait. Il vint se coller doucement contre elle et l’emprisonna de ses bras, ses lèvres effleurant son cou. Elle s’abandonna un instant à la sensation grisante, le laissant lentement déboutonner son épais manteau vert. Il n’avait pas menti, il faisait bien plus chaud à l’intérieur et elle était quelque peu rassurée qu’il eût un dispositif de chauffage.

En jetant un regard par la fenêtre de la cuisine, Cassandre s’aperçut que la pièce donnait sur le chemin par lequel ils étaient arrivés. Cependant, l’obscurité de la nuit l’empêchait de distinguer quoi que ce fût d’autre. Une horloge accrochée au mur indiquait dix-neuf heures trente passées.

— Tu dois avoir faim, constata Jakab.

Elle s’aperçut en effet qu’elle n’avait rien avalé depuis la veille.

— Je ne vais pas dire non, s’il y a quelque chose…

— J’ai fait le plein, la rassura-t-il. On devrait en avoir pour quelque temps.

Puis elle le vit allumer le feu sous une sorte de marmite qui était déjà posée sur la gazinière et remuer lentement avec une louche.

— Tu as déjà cuisiné quelque chose ? demanda-t-elle, surprise.

Jakab se retourna, le visage inondé de lumière.

— Je me disais qu’il n’existe rien de mieux qu’une gulyásleves pour combattre le froid.

— Une quoi ?

Un sourire furtif traversa le visage de Jakab alors qu’une bonne odeur commençait à emplir la cuisine.

— Une gulyásleves, répéta-t-il, l’air absolument sérieux. C’est un plat traditionnel hongrois. Impossible de passer outre.

Cassandre opina du chef et prononça le mot en faisant de son mieux pour ne pas l’écorcher. Ils mirent deux couverts sur la table en bois clair et Jakab versa un shot de pálinka à la cerise dans deux petits verres assortis, avant de soigneusement remettre l’élixir à sa place. À la vue de l’impressionnant assortiment de bouteilles aux noms inconnus fièrement dressées sur leur étagère, elle se demanda s’ils allaient tester tous les parfums existants. Ils trinquèrent, ouvrant le repas hongrois de la plus belle manière. Le plat fut enfin prêt et Jakab plaça l’imposante marmite en fonte au centre de la table. Il servit enfin deux louches dans l’assiette creuse de Cassandre. La soupe se composait entre autres de viande de bœuf, de pommes de terre, de poivrons, d’oignons et de sortes de pâtes appelées « csipetke ». Elle était étonnée de découvrir que Jakab avait apparemment l’âme d’un cuisinier.

Après avoir patienté afin de ne pas se brûler, elle finit par goûter la fameuse soupe. La saveur très épicée la prit au dépourvu et Jakab laissa échapper un rire.

— J’ai mis pas mal de paprika.

Cassandre aimait heureusement les plats relevés et ne tarda pas à pleinement apprécier ce que DaMihiMortem lui avait concocté.

— C’est vraiment bon, dit-elle.

— Tant mieux.

Très consistante, la soupe composa la majeure partie du dîner, mais ils complétèrent avec du pain et du fromage.

— Alors, comment trouves-tu la Hongrie ? s’enquit Jakab.

— Je n’ai pas eu le temps d’en voir beaucoup, expliqua-t-elle. Mais il y a une atmosphère différente, c’est plutôt dépaysant.

— Ce sera très calme, renchérit-il, ses yeux ne quittant pas les siens.

Ils remirent la cuisine grossièrement en ordre avant de quitter la pièce. Jakab lui prit la main et l’entraîna jusqu’à la chambre. Cassandre ne s’attendait pas vraiment à ce qu’elle vit lorsqu’il ouvrit la porte.

C’était encore plus particulier que dans son imagination. Les murs de la pièce étaient sombres et les rideaux noirs encadraient une grande fenêtre quadrillée. La lumière que Jakab avait allumée répandait un éclat chaleureux et l’on pouvait régler son intensité. Il l’invita à s’asseoir sur le lit. La face supérieure de la couette était bleu nuit ; la face cachée, en damiers noir et blanc. Une étagère était fixée sur le mur au-dessus de l’oreiller et en y regardant de plus près, elle pouvait constater que tous les titres étaient écrits dans la langue locale, mystérieuse et incompréhensible.

Cassandre sentit une main caresser gentiment son dos et s’aperçut que Jakab la regardait attentivement. Il la serra contre lui et elle ne pensa plus à rien, se laissant bercer par le rythme de sa respiration. Elle entendait son souffle paisible et savoura le silence total qui planait sur eux. Elle finit par avoir chaud et se laissa faire lorsque Jakab l’aida à se débarrasser de son pull. Il retira à son tour son sweat-shirt AMEN, qu’il posa délicatement sur ses épaules nues, recouvrant les bretelles de son haut violet. Puis le regard de Cassandre tomba sur l’étrange commode au fond de la chambre. Elle se tordit légèrement le cou pour essayer de distinguer plus précisément ce qui s’y trouvait et Jakab finit par l’entraîner pour lui montrer de plus près.

Onze couteaux étaient respectueusement alignés. Elle reconnut, dans l’ordre, un Balisong, une dague artisanale confectionnée à partir d’un Balisong cassé d’où l’on voyait encore quelques traces de duck tape, un véritable poignard, un couteau de chasse dont le manche présentait une gravure de jaguar, et six couteaux de lancer. Venaient ensuite différents types d’armes, dont deux shurikens et un pistolet à air comprimé. Il lui en avait déjà parlé, mais c’était la première fois qu’elle les voyait. Chaque manche et chaque lame différaient et la collection ressemblait à de l’art. Elle repéra le couteau qu’elle lui avait offert au bout d’une rangée. Jakab l’effleura doucement du doigt avant de le prendre et de l’approcher d’elle.

— Merci, murmura-t-il en pénétrant ses yeux. Merci Cassandre… C’est une merveille.

Il se perdit dans la contemplation de l’arme un long moment, puis la reposa avec une précaution infinie, avant de désigner la petite pierre qui trônait là, sagement encerclée par les lames.

Puis il la prit par la taille et l’entraîna sur le lit.


*


Cassandre avait enlevé le sweat-shirt de ses épaules et Jakab la toucha avec une précaution infinie. Elle avait l’air d’un oiseau fragile qu’un rien pouvait briser. Il observa la douce couleur de ses cheveux, virant désormais vers l’auburn, et contempla la jolie petite tresse qui naissait sur le haut de son crâne et se perdait à la base de sa nuque. Ses yeux d’ambre se posèrent sur lui et il sentit une volonté encore plus profonde s’ancrer en lui. Il la protégerait.

Jakab effleura du doigt sa peau pâle et embrassa le pendentif qu’elle arborait avec grâce. Elle était belle.

Comme ses doigts s’agrippaient à son T-shirt et ses lèvres taquinaient sa mâchoire, il voulut plus d’elle et s’approcha, sentant la douce courbe de ses seins contre lui. La distance se réduisit entre eux et il entendit son souffle s’accélérer de manière plaisante alors qu’il défaisait le laçage dans son dos et la libérait.


Elle respirait calmement sous la couette, la main posée sur son torse. Il sentait la chaleur de son corps nu et le contact de ses jambes sur les siennes.

— Tu n’es pas fatiguée ? murmura-t-il.

Il la sentit opiner du chef et caressa doucement son bras jusqu’à ce qu’ils finissent par sombrer dans une singulière torpeur, happés par les brumes de l’inconscience.

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