Les derniers mots tracés par sa plume d’une main habile firent rire Sacha — était-il si malheureux de le lire ? En tout cas, ces mots étaient sûrement les plus simples et les moins redoutables qu’il ai pu poser sur une feuille —

Des cernes noires sous les yeux, un amoncellement de feuilles volantes, raturées jusqu’au filin du papier. Son bureau était à l’image de sa vie, un gribouillis d’émotions noircies par la solitude de son destin.

Il prit une autre feuille, qu’est-ce qu’il pouvait haïr le destin. Une stupide idée créée par les hommes pour justifier la cruauté de l’un, la vertueusité de l’autre. La destinée des chevaliers, la destinée des hommes heureux, la destinée des tristes gueux, la destinée des un, la destinée des autres.

Lui était destitué pour sûr, désincarné, décharné par une morale supérieure, par ses attaches instinctive. Qu’est-ce qu’il pouvait se détester de vouloir malgré lui s’approcher de ses pairs qui n’avait pour cesse de le jeter. Quelle calamité pourrait-il bien inventer, pour devenir le réceptacle justifié d’un tel dégoût ? Il rature à nouveau la feuille, non il ne souhaite pas faire le mal. Il préférait encore laisser couler le pus des émotions qui pourrissaient en lui, elles l’infecteraient au point qu’un jour il ne laisse à sa place qu’une flaque informe.

Il rêvait un jour de devenir informe. S’adapter à toutes situations, au coins, aux murs, au système.