CHAPITRE IV

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Samedi matin je suis allé faire des courses avec Sébastien ; on est allé au marché bio tout près de chez moi. Il était en train de choisir des fromages et je faisais la queue à la rôtisserie quand j’ai entendu quelqu’un m’interpeller.

-« Salut Diego, tu fais les courses ? »

C’était Bérangère. Elle me regardait en souriant, les mains encombrées de plusieurs paquets.

-« Salut Bérangère ! Toi aussi on dirait !

-« Ouais c’est la corvée, j’suis avec ma mère …

-« Ah oui…

On a discuté quelques minutes de tout et de rien comme deux amis qui ont plaisir à se retrouver puis sa mère, une petite femme mince, l’a appelée et elle s’est retournée en faisant une grimace de désappointement.

-« Bon faut qu’j’y aille ; on se voit tout à l’heure à la piscine !

-« Heu oui à tout à l’heure… »

Je l’ai suivie des yeux alors qu’elle s’éloignait en me disant que c’est vrai qu’elle est jolie Bérangère avec sa silhouette fine et ses cheveux ondulés.

-« Qui c’est cette charmante demoiselle ? » interroge une voix malicieuse derrière moi.

-« Hein oh c’est juste une copine de classe …

-« Ah oui bien sûr, juste une copine de classe… » reprend Sébastien avec un petit sourire.

-« Tu sais que j’ai rencontré une copine de Diego ce matin, très jolie…

-« Oh arrête Séb !

-« Ah bon et comment s’appelle cette jeune fille ?

-« Bérangère mais c’est juste une fille de la classe !

-« En tous les cas, elle avait un beau sourire et des yeux qui brillaient…

-« Oh c’est bon tous les deux, vous allez me lâcher un peu, c’est juste une fille avec qui je m’entends bien !

-« Mais on n’a rien dit d’autre Didi, ne prends pas la mouche comme ça ! »

J’ai haussé les épaules et me suis levé de table, un peu énervé plus d’ailleurs par ma réaction que par leurs paroles même si c’est tout de même clair qu’elles contenaient une part évidente de sous-entendu.

‘Qu’est-ce qu’ils ont tous avec les filles en ce moment ? Ils peuvent pas me laisser tranquille !’

Stéphane est venu dans ma chambre peu après, je crois qu’il voulait discuter et se faire pardonner de m'avoir un peu titillé.

-« Didi ? Je peux rentrer ? »

Allongé sur mon lit, je n’ai pas répondu ; j’ai haussé les épaules et fait une moue grimaçante, l’archétype de celui qui fait la tête, je m’en rends compte maintenant !

-« Excuse-moi, je ne pensais pas que ça te toucherait tant que ça… je n’ai pas voulu t’embarrasser…

-« Non je sais bien… c’est moi, je sais pas pourquoi j’ai réagi comme ça…

-« Et bien sûrement parce que ça touchait un point sensible…

-« Oh non tu sais, c’est pas du tout ma copine ; c’est juste une fille de la classe, une amie tu vois ?

-« Oui bien sûr… alors ce n’est pas grave si je me suis trompé ?

-« Non pas du tout ! Excuse-moi Stéphane, je sais pas ce qui m’a pris…

-« C’est rien. Et sinon, tu as envie qu’on parle de ce sujet dont aucun adolescent ne veut discuter avec ses parents ?

-« La sexualité ?" repris-je sans pouvoir réfréner une grimace.

-« Bingo ! Le sexe, les filles, la masturbation, comment faire l’amour… ce ne sont pas les sujets qui manquent !

-« Oh oui c’est sûr, mais non ça va…

-« T’es sûr ? Tu connais toutes tes leçons, tu ne crains pas une interro surprise ?

-« Heu non… et de qui ? De toi ?

-« Non, de la vie… ou de Bérangère !

-« Ah oui… ben en fait, je ne crois pas tout connaître, je suis même sûr que je connais pas grand-chose mais tu vois, je crois que ce qui me gêne en ce moment c’est que tout est en train de changer et moi j’étais bien !

-« Tu veux dire avant le début de la puberté et de l’adolescence ?

-« Oui, c’est pas que ça me dérange, j’veux dire les poils qui poussent, la voix que j’ai maintenant et tout ça mais j’ai l’impression que tout le monde s’attend à me voir changer, faire des choses... enfin me comporter comme un ado débile !

-« Et ça te fait peur ?

-« Non pas peur mais… oui on peut dire que j’suis un peu inquiet…

-« Oh je comprends… oui d’accord, je vois… alors excuse-nous parce que c’est vrai que parfois on a dû te paraître bien lourds Sébastien et moi …

-« Non pas trop, c’est plus les copains, enfin c’est un ensemble…

-« Oui et bien je vais te dire une chose, Didi ; nous, on t’aime comme tu es alors va à ton rythme, ne fais pas ce que les autres ados font si tu ne le sens pas et d’ailleurs, on espère bien pas que tu ne vas pas commencer à te comporter comme un ado rebelle qui fait sa crise et qui est ingérable de quinze à vingt ans !

-« Heu je promets rien mais pour l’instant je me vois pas trop comme ça !

-« D’accord, bon on va faire attention promis et si tu as des questions…

-« Oui oui t’inquiète pas je viens vous voir, toi ou Sébastien mais tu sais ça va…

-« Oui je sais… je t’aime, Didi !

-« Moi aussi Steph’, je vous aime tous les deux ! »

Il s’est levé du fauteuil de mon bureau dans lequel il s’était installé, il s’est approché de moi et m’a embrassé la joue en me tenant quelques secondes serré contre lui. J’ai à mon tour déposé un baiser sur son visage et je l’ai remercié d’être aussi attentif à moi. Il m’a souri et a murmuré au creux de mon oreille.

-« Ben qu’est-ce que tu crois, c’est pour ça qu’on voulait un petit garçon, pour bien s’occuper de lui ! »

J’ai passé l’après midi à la piscine avec mes amis. Il y avait Corentin, Théo, les filles et Boris mon meilleur ami. C’est marrant parce que je crois que c’est après la rédaction sur son voisin de classe qu’on est devenu vraiment amis ; c’est comme si on avait pris conscience de l’importance que chacun avait pris pour l’autre. Moi, je l’appréciais beaucoup parce qu’il est vraiment sympa, toujours de bonne humeur et bon camarade que ce soit au collège ou au foot mais je ne m’étais pas rendu compte que je comptais autant pour lui. C’est quand j’ai entendu madame Leureux lire le portrait qu’il avait fait de moi que je m’en suis aperçu. Je me souviens lui avoir dit à la récré que j’avais été très touché par ce qu’il avait écrit et qu’il comptait aussi beaucoup pour moi. Depuis ce temps là, nous sommes un peu comme deux frères, toujours fourrés ensemble, partageant un peu la vie de l’autre, mais toujours en respectant les "Règles de Nantes".

Les filles sont mignonnes en maillot de bain, je dois le reconnaître. Je trouve que Bérangère a vraiment un très beau visage, des yeux verts superbes et des cheveux magnifiques mais Camille a un corps parfait avec de beaux seins mis en valeurs par son maillot très échancré.

Au soleil, après une demi-heure de chahut dans l’eau, allongé à côté de mes copains je me perds dans la contemplation des corps des filles en me remémorant les paroles de Corentin « Bérangère, on dirait qu’elle s’intéresse à aucun garçon à part toi ! »…

-« Hé les gars, y en a pas un qui voudrait me mettre de la crème à bronzer sur le dos ? Diego, tu veux bien ?

-« Heu oui bien sûr ! »

Je lui souris en prenant le flacon qu’elle me tend ; j’aperçois les têtes dépitées de Théo et de Corentin et je tourne rapidement les yeux.

Je m’approche de Bérangère et asperge son dos de lotion protectrice et pose mes doigts sur sa peau encore blanche.

-« Oui vas-y, fais bien pénétrer la crème, j’veux pas cramer !

-« T’inquiète pas, je m’en occupe ! »

Pendant cinq minutes, j’ai parcouru tout son dos en la massant doucement, conscient que ce petit exercice n’était pas tout à fait aussi anodin qu’il le laissait paraître.

-« Voilà, tu es sauvée maintenant, t’auras pas de coups de soleil !

-« Merci, Diego, tu as des doigts de fée… tu veux que je t’en mette !

-« Oh non c’est bon, moi, tu sais, je suis du sud, je ne crains pas le soleil !

On est restés tout l’après midi et puis je suis rentré. Corentin m’a fait un peu la tête mais je savais pourquoi alors je n’ai rien dit. Ce n’est pas de ma faute si Bérangère ne répond pas à ses sollicitations indirectes pourtant il ne ménage pas sa peine pour attirer son attention, le pauvre ! Je sais que c’est cruel mais je n’y peux rien et puis, de mon côté, je lui ai déjà dit que pour moi c’était juste une amie alors je n’ai pas à me sentir coupable !

Boris, lui, ne m’a pas fait de remarque, il était trop occupé à draguer Camille ; c’est lui qui lui a mis de la crème solaire et il m’a dit dans les douches que ça l’avait fait bander de lui toucher la peau.

-« Pas toi, quand tu tripotais Bérangère ?

-« Non, c’était agréable mais pas de là à bander !

-« Hé ben moi, dès que j’ai posé mes mains sur sa peau, j’ai senti ma queue qui se redressait …heureusement que j’avais pris ma serviette pour planquer le monstre ! »

J’ai rigolé avec lui et je n’ai rien rajouté ; je me suis rappelé les paroles de Stéphane ce midi dans ma chambre, « va à ton rythme, c’est pas grave de ne pas faire tout ce que font tes copains, nous on t’aime comme tu es ! »

Oui après tout, si je ne ressens rien de spécial pour Bérangère, ce n’est pas grave, tout le monde ne peut pas tomber amoureux de la même fille !

‘C’est pas grave, ça viendra quand ça viendra !’

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