THIBAUD

6 minutes de lecture

Samedi 30 mai 2009

Thibaut s'est réveillé très lentement comme dans un brouillard ouaté qui met des heures à se dissiper. Sa gorge lui fait très mal et il a la tête lourde mais ce ne sont pas les symptômes physiques qui le préoccupent.

'Qu'est-ce qu'il va se passer maintenant ! Mes parents sont forcément au courant et ils vont venir!'

Un frisson glacé parcourt son corps tandis qu'il se recroqueville dans le lit. Son mal de tête lancinant jusqu'alors devient aigu au point d'empêcher toute pensée et c'est avec soulagement qu'il voit bientôt la porte s'ouvrir.

-"Bonjour, je vois que tu es réveillé ! N'essaie pas de parler, fais-moi juste un signe de la tête d'accord ?"

L'infirmière, une autre, s'approche de la machine et commente à voix haute ce qu'elle y lit avant de se retourner vers le garçon.

-"Bien, les constantes sont bonnes, on va pouvoir retirer la sonde. Ca va être un peu désagréable mais après tu vas te sentir mieux d'accord ?"

...

Elle lui donne un cachet avant de partir et très bientôt il s'est senti faible avant de se rendormir vaincu par le puissant sédatif.

Quand il rouvre les yeux, il a complètement perdu la notion du temps. Il somnole encore un moment avec des périodes d'éveil de plus en plus grandes jusqu'à ce qu'enfin complètement réveillé et résigné il guette le moment où la porte de la chambre s'ouvrira à nouveau.

C'est le Docteur Favreau qui ouvre cette porte après un temps d'attente qui a paru interminable au jeune patient.

-"Bonjour jeune homme ! Je suis heureux de voir que tout va bien maintenant. Je vais t'expliquer ce que nous avons fait et la suite de la prise en charge, d'accord ?

-"Oui d'accord..." répond Thibaud en grimaçant de douleur.

-"Ah oui, tu vas avoir mal à la gorge pendant quelques jours mais ça va passer. Bien... alors quand tu es arrivé ici, tu étais inconscient mais les ambulanciers nous ont transmis la liste des médicaments que tu avais avalé ce qui nous a permis de bien te prendre en charge. On a posé par la gorge une sonde gastrique avec deux tuyaux, c'est pour cela que ça te fait mal. Dans un premier temps, on a aspiré ce qu'il y avait dans ton estomac pour éliminer toutes les substances toxiques et ensuite nous avons injecté dans l'autre tuyau du charbon végétal actif, c'est un peu comme du charbon de bois. Ce charbon a comme propriété d'absorber les substances toxiques au niveau du tube digestif et de diminuer leur passage dans le sang."

Le médecin parle vite et l'abondance de termes médicaux rend son discours difficile à suivre pour Thibaud mais il hoche la tête cependant pour lui montrer qu'il comprend.

-"Tu vas devoir rester au moins 48h en observation et après tu pourras rentrer chez toi."

En entendant ces mots, Thibaud ne peut s'empêcher de réagir en fermant les yeux et en se contractant.

-"Je sais que c'est un peu compliqué et je ne suis pas là pour juger ce que tu as fait mais crois en mon expérience, la situation n'est jamais aussi désespérée qu'on peut le penser à un moment... Tu verras, ça va s'arranger."

-"J'espère mais je sais pas..."

-"Si, si, j'en suis sûr ! Pour l'instant, c'est du repos et tout à l'heure le Docteur Laffaix passera, c'est un psychiatre et tu pourras parler avec lui de tout ça. D'accord ?

-"Oui d'accord... heu et mes parents, Docteur ?

-"On a prévenu tes parents que tu étais hors de danger et que tu récupérais. Ils pourront passer te voir quand le Docteur Laffaix les y autorisera, tu verras ça avec lui, d'accord ?

-"D'accord..."

...

La matinée s'est écoulée lentement et ce n'est que par l'arrivée d'une aide-soignante venue lui apporter une légère collation qu'il a réalisé qu'il était midi. Il n'a pas faim mais elle lui a demandé de faire l'effort de tout manger. De toute façon, il n'y a pas grand chose : une soupe, une purée de légume et un peu de compote. Elle est repassée une heure plus tard et l'a félicité d'avoir tout mangé.

-"C'est bien Thibaud, ça va te redonner des forces et comme ça on pourra t'enlever la perfusion ce soir ou demain matin."

Depuis, il attend. Le temps semble avoir un autre rythme ici. Il s'écoule très lentement comme au ralentit et c'est épuisant. Thibaud ferme les yeux et essaye de penser à quelque chose, à tout sauf à ce qui passé hier après-midi et c'est difficile car ce sont toujours ces images qui lui reviennent à l'esprit. Les images mais aussi les sentiments qui leur sont associées : la peur, la colère, l'humiliation, la honte, le dégoût...

Enfin la porte s'ouvre et un homme aux cheveux blancs vêtu d'un pull bariolé entre, un dossier à la main. Il prend la chaise qui se trouve près de la fenêtre et la rapproche du lit.

-"Bonjour Thibaud, je suis le docteur Laffaix. Est-ce que ça va ?

-"Heu bonjour Docteur, heu oui à peu près ...

-"Bien alors on va discuter de tout ce qui t'es arrivé. Si tu es trop fatigué, tu me le dis et je reviendrai demain, pas de problème.

-"D'accord."

Thibaud raconte alors au psychiatre l'incident de la veille et contrairement à ce qu'il pensait, ça lui fait du bien. Il peut enfin dire tout haut à quelqu'un ce par quoi il est passé, comment il a vécu cette agression et tous les sentiments qui l'ont traversé violemment. Il parle peu au début et puis de plus en plus à mesure que la relation de confiance avec le praticien se développe. Il lui raconte aussi les douches du foot et son calvaire depuis deux semaines au collège. Il parle, le docteur note, lui pose des questions parfois pour avoir des précisions et puis finalement Thibaud se tait.

-"C'est bien, merci de m'avoir tout expliqué. Je comprends mieux pourquoi tu t'es senti aussi désespéré au point d'avaler tous ces médicaments. Alors, comment tu vois les choses maintenant ?

-"Comment ça ?

-"Et bien tu n'as pas agi parce qu'il y avait un problème avec tes parents ?

-"Non...

-"Donc dès que tu iras mieux, dans quelques jours, tu vas retourner à la maison ?

-"Heu ..

-"Tu as peur de revoir tes parents ?

-"Oui...

-"Ne t'inquiète pas, c'est normal. Tu as peur de leur réaction, tu ne sais pas ce que tu vas leur dire, tu as peur de les avoir déçus, tu te sens peut-être honteux mais ne t'inquiète pas, je les verrai avant toi et je vais tout leur expliquer et crois-moi tu n'as pas de sentiment de culpabilité ou de honte à avoir vis à vis d'eux ou de quiconque d'ailleurs. Tu as vécu un traumatisme hyper violent qui t'a plongé dans une crise aigue qui elle-même t'a conduit à chercher une solution pour t'en extraire. C'est tout à fait classique. Quand on ne trouve plus de solution, on cherche à se débarrasser du problème par n'importe quel moyen et tu as pris une décision qui dans ce moment de tumulte et de panique t'est apparue comme la seule possible pour te débarrasser de ton problème. Tu comprends ?

-"Oui je crois.... mais il y avait d'autres solutions ?

-"Et bien un adulte aurait pu se dire, "je pars, je déménage et je n'aurai plus jamais affaire à ces personnes qui me harcèlent".

-"Oui c'est sûr mais moi ?

-"Toi, tu aurais pu appeler tes parents et leur expliquer et ensemble vous auriez trouvé une solution.

-"Oui mais...

-"Mais c'était peut-être trop difficile à ce moment là ...

-"Je me sentais tellement humilié, mon dernier copain m'avait trahi, j'étais... je sais pas... ...j'étais à bout, je voulais que ça se finiss ..."

L'émotion du garçon affleure à nouveau, sa voix se casse et il est très proche de pleurer...

-"Oui, je comprends. Mais maintenant comment tu vois les choses ? Dis-moi ce que tu voudrais faire si tu avais le pouvoir d'effacer ce qui c'est passé vendredi quand tu es rentré chez toi ..."

https://www.youtube.com/watch?v=PcJ484ZA8MM&list=RDdv8opL8e0zk&index=2

...

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