CHAPITRE XXV

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Hier, à la récré, Boris est revenu à la charge.

-"Tu lui en as parlé ?

-"Hein, quoi ?

-"A Bérangère, tu lui en as parlé pour qu'on mange ensemble un midi, la semaine prochaine ?

-"Pfff non, j'ai pas eu le temps... enfin j'ai pas trouvé le bon moment..."

-" OK, j'te laisse faire mais t'oublie pas, hein?"

La sonnerie nous a interrompus mais j'ai bien senti que je ne pourrai pas y couper, il fallait que je me lance. Ca m'a préoccupé jusqu'à la fin de la matinée. J'ai écarté l'idée de lui en parler pendant un cours, ça me paraissait pas très indiqué. Je pensais le faire à la fin du cours de maths parce qu'on ne change pas de salle donc c'était jouable mais la prof d'anglais est arrivée tout de suite et je n'en ai pas eu le temps.

Bref, à 12h, je n'étais pas plus avancé et j'ai senti que je n'y arriverai pas quand Alicia est venue à notre table et s'est mise à discuter avec Bérangère.

'Aller, c'est maintenant ou c'est mort!'

-"Heu vous faites quoi les filles, vous allez manger à la cantine ?

-"Non, je rentre chez moi le vendredi. Pourquoi ?" me répond Alicia.

-" Heu ben c'est à dire... en fait je me demandais si vous voudriez manger avec Boris et moi un jour de la semaine prochaine à la cantine ?" balbutie-je en sentant que je me caramélisais.

Elles se sont regardées en souriant et Alicia a répondu en rigolant un peu.

-"Faut voir, Boris c'est le gars de seconde C qui fait allemand avec nous... " en regardant qui Bérangère acquiesce de la tête et elle poursuit alors "lundi j'peux pas mais mardi peut-être... on te dit ça demain ? Mais c'est pourquoi ?"

-" Ah oui super ! Heu non c'est juste comme ça... pour qu'on se connaisse mieux enfin tu vois..."

J'étais misérable, je le savais mais bizarrement elles n'avaient pas l'air d'y prêter attention le moindre du monde. Elles ont pris leurs affaires, m'ont fait un petit salut de la main et sont parties rapidement sans doute pour attraper leur bus.

J'ai poussé un gros soupir de soulagement, je me suis essuyé le front et plutôt content de moi, je suis sorti à mon tour.

'Bon, ben c'est fait. Il pourra pas dire que j'me suis pas bougé !'

En y réfléchissant un peu sur le chemin du retour, je me suis dit que je n'avais fait que le plus facile, les inviter. Il restait la suite, le repas, puis leur proposer un cinéma et puis après...

'Purée, je sais pas dans quoi je me suis embarqué ! Pffouuu je suis pas sorti de l'auberge !'

...

Ce matin, j'ai travaillé, presque deux heures. Des maths, j'aime bien et puis du français sur un résumé d'une œuvre de Mauriac, Le nœud de vipère. J'avoue que cette histoire est bizarre pour moi, celle de Folcoche, une mère indigne, moi qui n'ai pas connu ou si peu la mienne. J'essaye de ne pas y penser mais parfois quelque chose dans ma vie me ramène à ma petite enfance et ça m'étreint un peu le cœur...

Je mâchonnais mon stylo, un peu perdu dans une rêverie lointaine quand Stéphane m'a interpellé.

-"Didi, téléphone pour toi ! Heu ça va ?

-"Hein ? Heu oui ça va... téléphone ? C'est qui ?" reprends-je surpris parce que j'ai un portable, le vieil Iphone de Sébastien, et personne ne m'appelle jamais sur le fixe de la maison.

-"C'est un camarade de classe, Thibaud. Il était tout timide...

-"Thibaud ?"

' Bizarre...'

-"C'est le gars qui fait de la natation, je t'en avais parlé. Je ne sais pas ce qu'il veut..."

-"Bon et bien ne le fais attendre plus longtemps."

Je suis allé dans le salon tandis que Stéphane retournait dans le bureau.

-"Allo Thibault ? C'est Diego, salut !

-"Oh salut Diego, je ne te dérange pas j'espère parce que...

-"Non non, pas de souci; j'étais en train de finir du français.

-"Ah oui excuse...

-"Non j'te dis pas de problème. Tu m'appelais pour quoi ?

-"Heu... en fait je me demandais si on pourrait pas faire quelque chose ce weekend... enfin je sais pas ...

-"Oui pourquoi pas ? Tu voudrais faire quoi ?

-" Oh super ! Heu je sais pas... c'était juste comme ça, pour se voir...

-"Tu veux que je passe chez toi ?

-"Ah non, non, c'est pas possible ! Heu il y a déjà un copain de mon frère et ma mère ne veut pas qu'il y ait trop de monde à la maison...

-"Ah oui, je comprends mais chez moi non plus ce n'est pas possible, on a de la famille."

Ca c'était pas vrai du tout mais c'est sorti tout seul de ma bouche. Les règles de Nantes, bien sûr. Règle N° 4" Je ne ramène personne à la maison, pas de copain du foot ou d'école."

Il y a eu un petit silence quelques secondes et j'ai senti que je devais proposer quelque chose.

-"Demain non plus, c'est pas jouable pour moi, je vais à un match de foot mais si tu veux on pourrait se faire un ciné la semaine prochaine ?

-"Oh oui ! Super !"

J'en ai presque rigolé quand je l'ai entendu ; on aurait dit que je venais de lui faire le cadeau de sa vie tellement il avait l'air heureux.

-" OK, on regarde un peu ce qui passe et on choisira mercredi à la piscine.

-" Ah oui, très bien ! Oh j'suis content... je savais pas si... enfin je suis super content ! Merci Diego !

-"Je t'en prie... ça me fait plaisir à moi aussi... alors bon weekend Thibaud !"

-"Merci, bon week-end Diego!"

J'ai raccroché avec un sourire de contentement aux lèvres, j'ai senti que c'était important pour lui et puis à moi aussi ça m'a fait plaisir. C'est comme le début d'une nouvelle étape, on va continuer à apprendre à mieux se connaitre mais en dehors de la piscine et ça c'est quelque chose qui me plait bien...

...

Dimanche, je suis allé voir jouer les gars de mon équipe. D'habitude c'est le samedi mais là c'était un match de Coupe ; la Coupe du district, pas la Coupe France !

J'avais promis à Théo que je passerai, c'est vrai que ça fait un moment que je ne les ai pas vus. C'est fou mais comme je ne m'entraine plus, je ne vois plus tous mes copains du foot et j'ai eu un peu l'impression de les trahir...

Le match était tendu, surement à cause de l'enjeu, et je n'étais pas à l'aise. Le jeu était dur et il y avait des fautes toutes les deux minutes, ce n'était pas agréable à regarder. Mais ce qui m'a mis mal à l'aise c'étaient les commentaires d'un petit groupe de supporters sur la touche, des U18 je pense. Ils étaient du club de Thouaré, nos adversaires. Tout ce qu'ils disaient était homophobe comme par exemple" Bande de tarlouzes, bougez-vous un peu", ou quand ils eurent gagné "On leur a bien mis profond à ces pédés!"

J'étais avec les remplaçants, sur le banc, et ce qui m'a troublé c'est que j'avais l'impression que j'étais le seul à me rendre compte de leurs insultes homophobes, les autres n'avaient pas l'air d'être choqués. Ca m'a mis mal à l'aise et dès que le coup de sifflet a retentit, j'ai vite dit au revoir à Théo et je suis rentré chez moi, plutôt énervé voire même écœuré ...

...

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