CHAPITRE XXXIX

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Alors je lui ai tout raconté. Comment j'avais trouvé un nouveau copain à la piscine, que j'étais content d'y aller pour apprendre des nouvelles choses, progresser mais surtout passer du temps avec lui, que l'on avait prévu d'aller au cinéma samedi et que tout d'un coup mercredi dernier tout s'était effondré.

-"Ce qui me fait le plus mal, c'est qu'il croit que je suis homophobe et qu'il ne veut pas m'écouter !

-"Oui, c'est dur pour toi mais tu sais, je pense que c'est encore plus dur pour lui. Il perd aussi quelqu'un d'important pour lui, peut-être encore plus important que tu peux l'imaginer. Les jeunes gays ont rarement beaucoup d'amis...

-"Oui mais alors pourquoi il m'écoute pas ? Il n'a pas confiance en moi ?

-"Ecoute... d'après ce que tu m'as raconté, il a subi un épisode traumatisant il y a trois ans, il a été persécuté par ses copains de foot et de collège, peut-être trahi par ses amis... tu devrais demander à Sébastien, je sais qu'il n'aime pas parler de ça, mais il te racontera ce qu'il a vécu...

-"Oh Séb s'est fait persécuter quand il était jeune ?

-"Oui, il en a bavé au lycée parce qu'il avait eu le courage de faire son coming out...

-"Et toi ?

-"Non, pas moi... je n'avais rien dit à personne, j'avais trop peur. Tu sais, Didi, il ne faut pas que tu en veuilles à Thibaud, il a peur et il cherche à se protéger...

-"Oui mais... mais alors ça veut dire qu'on ne sera plus jamais amis ?"

J'ai senti les larmes me monter aux yeux quand j'ai dit ça. Stéphane m'a regardé avec beaucoup de compassion, il voyait que cette question me remuait profondément.

-"Non peut-être pas... il faut lui laisser un peu de temps et si tu es quelqu'un d'important pour lui comme il l'est pour toi, il reviendra surement vers toi...

-"D'accord, donc il faut que j'attende...

-"Oui, je crois que pour l'instant, il a besoin d'être rassuré ; il a besoin de voir qu'il n'est pas en danger au lycée, que tu connais son secret mais que tu ne dis rien, que tu ne le trahis pas...

-"Et je peux rien faire d'autre ? Juste attendre ?

-"Peut-être que tu pourrais demander à Boris d'aller s'excuser. Ca pourrait le rassurer.

-"Ah oui, je lui ai dit ça tout de suite quand il m'a raconté ce qu'il s'était passé.

-"Ce serait bien, ça donnerait un bon signal à Thibaud et ce serait une première étape.

-"Et pour la piscine, comment je fais ? J'ai à moitié peur d'y aller maintenant, il y a un nageur du Cercle qui m'a menacé !

-"Laisse passer une semaine pour que la pression retombe un peu ; je crois qu'ils voulaient protéger Thibaud mais si Thibaud ne se sent plus en danger, ils ne te feront rien. Tu as envie d'y retourner ?

-"Pff, je ne sais pas ; sans Thibaud, c'est pas très marrant...

-"Et moi qui viens juste de t'acheter un nouveau maillot parce que j'avais peur que l'ancien ne tienne pas le coup !

-"Oh, désolé... mais oui je pourrais faire un essai et y retourner mercredi prochain pour voir si les choses se sont calmées...

-"OK alors on fait comme ça ; de la patience, montre lui que tu es là et qu'il n'a rien à redouter de toi et je suis sûr que ça va s'arranger.

-"D'accord, merci Stéph' !

-"Il n'y a pas de quoi Didi et tiens-moi au courant, d'accord ?"

...

Jeudi soir il y avait la réunion de préparation du voyage en Allemagne et j'étais impatient d'y aller. C'était à 20 heures au lycée et on a mangé rapidement pour ne pas arriver en retard. Sébastien était un peu triste de ne pas pouvoir venir mais là encore les Règles de Nantes conduisent strictement notre vie sociale et parfois c'est dur. On en a d'ailleurs discuté à table et il a exprimé comme ça lui pesait parfois.

On est parti largement en avance, le lycée n'est qu'à quelques minutes en voiture mais Stéphane déteste arriver en retard alors avec lui je sais je que je serai quitte à poireauter un bon moment avant que ça ne commence !

-"Séb était triste de ne pas venir...

-"Oui, je sais. Comme toujours, pas de réunion parents-profs, pas de contact avec l'administration, pas de relation avec tes amis... il a l'impression de ne pas exister et c'est dur parfois...

J'ai réalisé alors que les règles que nous avions établies pour nous protéger avaient de cruelles conséquences pour Sébastien dont je ne m'étais pas réellement rendu compte.

-"Peut-être qu'on devrait changer les règles, les assouplir...

-"Oui, on y pense parfois mais c'est risqué alors pour l'instant on les garde mais j'ai confiance, je pense que bientôt on pourra commencer à s'en affranchir et c'est ce qu'on a commencé à faire quand j'ai invité mon collègue Gaël et sa famille.

-"Oui et c'était bien !

-"Oui mais il faudra choisir avec soin les personnes sinon ça peut être une nouvelle catastrophe !

-"Oui je sais..."

...

Donc on s'est garé le long du boulevard du Massacre à 19h45 et moins de cinq minutes plus tard on était à l'entrée de l'amphi du lycée. Non, nous n'étions pas les premiers, il ne faut pas exagérer mais il n'y avait pas encore foule. Stéphane est allé saluer mes profs, M. Zeiger et Mme Ravier et nous nous sommes assis devant sur le côté en attendant que ça ne commence. La salle bruissait des conversations des personnes qui la remplissait au fur et à mesure. C'était plus bruyant qu'une salle de classe !

'60 élèves avec chacun un parent au minimum ça va chercher dans les 120 personnes minimum...'

-"Tu me disais qu'il était comment Thibaud ?" m'interpelle soudain Stéphane.

-"Heu je ne sais pas si je t'en ai parlé !

-"Alors laisse moi deviner..." reprit Stéphane en fermant les yeux et en donnant l'impression de se concentrer. " Assez grand, un peu plus que toi, plus large d'épaule aussi, cheveux courts, blonds-châtain, yeux clairs, avec un joli blouson en cuir...

-"Oui, c'est exactement ça ! Comment tu sais ? Tu l'as vu ?

-"Je crois ! Il est sur la gauche, à côté de l'extincteur mais ne te retourne pas brusquement..."

J'ai fait le tour de la salle du regard en commençant du côté opposé où se trouvait Thibaud comme pour chercher quelqu'un. J'ai vu Bérangère à qui j'ai fait un signe et puis j'ai continué lentement à parcourir les rangées jusqu'à arriver sur Thibaud. Il ne me regardait pas, il parlait à une dame assise à côté de lui, sa mère surement.

-"Alors, c'est lui ?

-"Oui, comment tu as deviné ?

-"Ben écoute, j'ai croisé le regard d'un garçon qui regardait intensément dans notre direction et j'en ai déduit que ça ne pouvait t'être que lui. Elémentaire, mon cher Diego !

-"Intensément ?

-"Oui, et si tu veux mon avis, pas du tout avec agressivité... "complète-t-il en me faisant un petit clin d'œil.

-"Mesdames, messieurs bonsoir ! Merci de vous...

'Merde, ça commence !'

...

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