CHAPITRE XLVIII

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La sonnerie a peine retenti que j'ai filé aussi vite que j'ai pu. J'avais prévenu Bérangère que je ne pourrais pas rentrer avec elle ce soir parce que je vais à la piscine. Elle s'est encore excusée d'avoir du annuler au dernier moment notre rendez-vous de samedi et j'ai vraiment le sentiment que ça l'a beaucoup plus contrariée que moi. Enfin, oui bien sûr, j'en avais envie, c'était sûrement l'occasion de passer à l'étape suivante, "phase 2" comme dirait Boris mais bon ce n'est pas si grave et puis on a tout le temps ! Bref, ce soir, je me dépêche parce que je vais à la piscine avec Thibaud. C'est moi qui lui ai proposé . Je lui ai envoyé un sms dimanche soir.

Salut Thibaud, tu veux qu'on aille en tram ensemble à la piscine lundi ?

Il m'a répondu presque aussitôt.

Salut Diego ! Ah oui génial mais à l'aller je prends pas le tram, c'est ma mère qui m'emmène mais tu peux venir avec nous !

Il a donc fallu régler la logistique du lundi matin et Sébastien qui n'a pas de contraintes horaires a proposé de m'emmener au lycée en voiture comme ça je n'aurai pas mon vélo là-bas et pour le soir, je rentrerai à pied de Beauséjour, ce n'est pas très loin.

Je fonce dans les couloirs en essayant de me frayer un chemin parmi la foule dense des lycéens qui s'échappent un instant pour profiter de la récré. Je ne sais pas où est Thidaud, il doit être devant moi et je me dépêche pour ne pas les faire attendre sa mère et lui. Enfin, je sors du bâtiment, traverse la cour et je me retrouve à l'entrée. Je cherche Thibaud du regard mais je ne le trouve pas. La sortie du lycée, c'est du grand n'importe quoi ; il n'y a pas de places de stationnement réservées au parents qui viennent chercher leur enfant donc les voitures stationnent en double file sur la piste cyclable ce qui provoque un concert de klaxon et c'est limite dangereux avec toute la circulation du boulevard. Je commence à m'inquiéter de ne pas trouver Thibaud quand quelqu'un me touche l'épaule.

-"Diego, j'suis là ! Viens, suis-moi, ma mère m'attend toujours plus haut ; elle trouve qu'il y a trop de monde ici !" me dit-il en souriant.

-"Oui, c'est vrai que c'est le bordel !"

Effectivement sa mère nous attendait trois cents mètres plus loin dans une rue transversale beaucoup plus calme.

-"Bonjour Diego !

-"Bonjour Madame, merci beaucoup pour le transport !

-"Oh ce n'est rien et puis ça faisait tellement plaisir à Thibaud. Et à moi aussi parce qu'il n'a pas eu d'ami depuis longtemps et je suis très heureuse que vous vous entendiez si bien !"

Thibaud était monté devant à côté de sa mère et je ne voyais pas son visage mais je l'ai senti se raidir contre son siège. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser que c'est toujours comme ça avec les parents, toujours à parler sans prêter attention à leur enfant à côté d'eux en les mettant mal à l'aise même si je suis sûr que la mère de Thibaud ne l'a pas fait intentionnellement et qu'elle s'inquiète sincèrement du bonheur de son fils.

On a discuté du lycée, des profs et des notes puis de la natation, des raisons pour lesquelles je m'y étais mis et le trajet est passé très vite. A cette heure, le trafic est dense dans l'autre sens, les gens quittent le centre pour retourner chez eux et on n'a pas mis plus de vingt minutes pour arriver à destination. J'ai remercié une nouvelle fois Mme Winogravski et nous nous sommes dirigés vers l'entrée de la piscine.

Thibaud a montré sa carte du Cercle à l'employé derrière le guichet et m'a attendu un court instant.

-"Heu je file me changer parce que je vais être en retard ; on se revoit tout à l'heure, après mon cours !

"OK, à tout à l'heure !"

...

Je me suis changé dans une des cabines mais avant d'aller dans le bassin je me suis arrêté aux toilettes. J'étais en train de me soulager quand la porte s'est ouverte, j'ai tourné la tête et j'ai vu apparaitre le gars au maillot de bain jaune. Il m'a jeté un regard noir qui m'a replongé une semaine en arrière.

-"Qu'est-ce que tu fais encore là, tu vas laisser Thibaud tranquille !

-"Mais...

-"T'as pas compris, il veut pas te voir !

-"Mais si, on s'est réconcilié, j'suis même venu avec lui !"

Il est passé derrière moi en montrant clairement qu'il ne me croyait pas et s'est installé devant l'urinoir le plus éloigné.

-"J't'assure, t'auras qu'à lui demander !

-"Ouais, je vais le faire et t'as intérêt à dire la vérité parce que sinon...

-"Demande-lui et tu verras !"

...

Quand je suis rentré, j'ai vu que les lignes d'eau étaient déjà occupées par les nageurs du Cercle. J'ai marché lentement le long du bassin et je n 'ai pas pu m'empêcher de sourire quand j'ai aperçu le maillot de bain rouge de Thibaud qui remontait vers moi dans la ligne d'eau la plus proche de la partie dévolue au public. J'ai attendu qu'il soit près du bord et je lui ai fait un petit signe. Bien sûr, il savait que j'étais là puisque nous sommes venus ensemble mais j'en avais envie et je suis sûr que ça lui a fait plaisir à lui aussi !

C'est avec ce même plaisir que je me suis mis à l'eau et que j'ai fait mes exercices. Je suis sûr que Thibaud m'en donnera de nouveaux mais pour l'instant, j'essaye de bien les faire ; j'ai envie qu'il soit fier de moi.

A 17h30, j'ai vu qu'ils faisaient à nouveau des séries chronométrées et je me suis installé dans les gradins pour les regarder. Quand Thibaud s'est élancé du plot, mon cœur s'est accéléré et je me suis retenu pour ne pas lui crier mes encouragements. Il a viré en 4ème position au 50 mètres et est remonté progressivement pour finir juste derrière le vainqueur. Ca m'a fait chaud dans tout le corps et je crois que j'étais encore plus content que si c'était moi qui avais réussi une si belle course.

...

Quand Thibaud m'a rejoint, dix minutes après, il avait le sourire et je sentais qu'il était content de sa course. Je l'ai félicité et nous sommes allés prendre notre café-chocolat traditionnel.

-"Au fait Diego, je me demandais... mais tu me réponds pas si ça te gêne...

-"Holà tu me fais peur, vas-y...

-"Heu... tu... tu sors avec Bérangère ?

-"Ah... heu oui, depuis trois semaines à peu près... mais comment tu le sais ?

-"Oh, j'avais remarqué le lundi en allemand quand tu es à côté de Boris, elle te regarde tout le temps et puis l'autre fois aussi elle t'avait pris la main...

-"Oui c'est ma copine mais bon tu sais... enfin c'est comme ça quoi !

-" C'est normal, la plus jolie fille de la classe avec le plus beau garçon...

-" Ah tu crois... et toi au fait, tu as un petit copain ?" lance-je mal à l'aise.

-"Moi ? Non, ça risque pas !

-"Ah bon et pourquoi ? T'es beau, sportif, intelligent, sensible... et si tu te laisses un peu pousser les cheveux, t'auras un look de surfer ! T'es un peu le gars idéal !

-"Ah bon, tu trouves ? Merci... mais j'crois pas... et puis de toute façon personne ne sait que je suis gay donc ça risque pas ! " répond-il en rougissant.

-"Si, il y a les nageurs du Cercle, ils sont bien au courant, eux ?

-"Ah oui, ce sont les seuls, je leur ai dit parce qu'on partage le même vestiaire et comme je ne voulais pas revivre ce qui s'était passé au foot...

-"Ah oui, je comprends. Comment tu t'as fait, c'est pas évident comme démarche !

-"Non, c'est sûr. En fait, Valentin, c'était le capitaine de l'équipe il y a deux ans, m'avait demandé si j'avais envie de faire de la compète avec eux et ça me tentait bien mais je ne voulais pas à cause du vestiaire commun justement. J'ai hésité plusieurs semaines et j'ai fini par aller voir Eric l'entraîneur. Je suis allé lui parler à la fin d'un entrainement et je lui ai expliqué mon problème.

-"Et alors, il a bien accepté ?

-"Oui, lui ça ne lui posait aucun problème mais il m'a dit qu'il fallait qu'on en discute avec Valentin parce que c'était les nageurs qui m'accepteraient ou pas."

-"Oui, c'est plutôt intelligent et Valentin aussi a accepté ?

-"Oui, il a été super compréhensif. Il m'a dit qu'il trouvait révoltant ce qui s'était passé pour moi au foot et qu'il allait en parler aux gars de l'équipe mais que pour lui, ça ne faisait aucun doute, il connaissait déjà leur réponse et que ce serait oui.

-"Oui mais si je me mets à bander ?

-"Et alors, c'est déjà arrivé qu'un gars soit en érection dans les douches ou dans le vestiaire. Et puis, je pourrai leur dire que c'est plutôt flatteur, c'est parce que tu les trouves beaux et qu'ils devraient te remercier de leur faire un compliment si éloquent !

-"Ah oui, bonne idée, Valentin !" a ajouté Eric en rigolant.

Et c'est comme ça que je suis devenu membre de l'équipe.

-"Génial ! On dirait que c'est pas la même mentalité qu'au foot, c'est cool ! Et alors comment ça 'est passé dans les vestiaires ?

-"Eh ben rien ! Zéro problème même si je n'étais fier au début. Maintenant, ça va je suis plus relaxe enfin je ne traine pas trop quand même, mais rien !

...

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