CHAPITRE LI

7 minutes de lecture

Cet après midi, je vais au cinéma avec Thibaud. On a enfin réussi à programmer notre sortie après le fâcheux contretemps de "l'incident Boris" d'il y a quinze jours ! Je me suis donc retrouvé comme trop régulièrement ces derniers temps à sortir toute mes récentes acquisitions vestimentaires de l'armoire comme la fashion victime que j'ai l'impression être devenu !

'Pffou, ça devient énervant cette histoire ! C'est sûr, avant je n'avais rien à me mettre mais ça avait au moins le mérite de ne pas m'occuper la moitié de la journée pour décider de ma tenue !'

Et puis, aujourd'hui je ne sors pas avec Bérangère mais avec Thibaud donc je ne vais pas demander conseil à Sébastien.

'C'est juste une sortie ciné avec un ami, c'est pas pareil !'

Il n'empêche qu'il m'a fallu presqu'une heure pour arrêter définitivement mon choix. J'ai essayé de trouver une tenue décontractée mais différente de ce que je mets pour aller au lycée. Quelque chose de soigné mais pas guindé enfin bon vous avez compris, les fringues ce n'est vraiment pas mon univers !

-"Heu, vous vous rappelez, je vais au cinéma cet après midi avec Thibaud ?

-"Ah oui, c'est vrai ! Qu'est-ce que vous allez voir ?

-"Skyfall.

-"Ah oui, le dernier James Bond, tu nous diras si ça vaut le coup !

-"Vous y allez pour la séance de quatre heures ?

-"Oui mais je vais aller chez Thibaud un peu en avance.

-"D'accord Didi, à ce soir !

-"Oui à ce soir Didi et... bien la tenue, parfaite !"

J'ai souri, haussé les épaules et pris l'air blasé que tout adolescent adopte quand ses parents lui font une remarque sur sa tenue vestimentaire. Je suis allé dans le garage pour mettre les tennis appropriées avec la couleur de mon pantalon, c'est à dire, les Converse blanches, les seules que j'ai, quand Stéphane m'y a rejoint.

-"Au fait, je ne sais pas où vous allez au ciné mais il y avait un magasin qui vendait des blousons en cuir au premier étage du Passage Pommeraye, tu peux peut-être aller y jeter un œil et voir si quelque chose te plaît ?

-"Ah oui on va au Gaumont, c'est juste à côté ! Mais ça risque pas d'être super cher ?

-"Regarde déjà si tu vois quelque chose qui te plaît et ça pourra faire un cadeau de Noël qui arrive en avance, on verra...

-"OK Stéphane, je vais regarder, merci !"

Il m'a fait un clin d'œil et est reparti dans le bureau. Je suis resté quelques secondes sans rien faire sinon qu'à penser à la chance que j'ai de vivre avec deux papas aussi attentionnés.

'Oui, quand je pense à tous ceux qui sont contre le mariage gay et les familles homoparentales !'

Ils ne savent pas ce que c'est de vivre avec des parents qui ont tout fait pour avoir un enfant et qui s'y consacrent complètement. Je sais que j'ai beaucoup de chance et je n'ai jamais envié mes copains de classe.

'C'est ma famille et elle est parfaite !'

...

J'ai décidé d'aller en vélo jusqu'à Beauséjour où je laisserai mon vélo et de là j'irai à pied chez Thibaud. Ce n'est pas très loin et il fait doux mais il ne pleut pas donc ça ne pose pas de problème.

J'ai mis vingt-vingt cinq minutes en tout et comme je suis parti vers 14h30, je suis pile à l'heure quand j'arrive devant chez Thibaud. Je m'approche de la porte vitrée et je sonne.

Je me recule un peu et machinalement je passe la main dans mes cheveux comme pour me recoiffer.

'Arrête, t'es très bien !'

Personne ne réagit et après presque une minute d'attente, je rappuis sur la sonnette.

Ding dong ding dong

'C'est bizarre... j'espère qu'il est là !'

J'entends soudain un bruit. C'est quelqu'un qui descend des escaliers à toute allure et la porte s'ouvre presque aussitôt. J'avais commencé à esquisser un sourire mais je me suis figé quand j'ai vu le visage de celui qui m'ouvrait. C'est Alexis, le frère homophobe !

-"Ah c'est toi... j'te préviens Thibaud est pas là. Il a du partir en urgence emmener Hugo chez le médecin parce qu'il est tombé dans l'escalier. Tu peux l'attendre, il m'a dit. Rentre, t'as qu'à aller dans le salon. Moi, je retourne dans ma chambre je suis en train de jouer à Fifa. Salut !"

-"Hein ? Heu oui, d'accord..."

Je crois qu'il était reparti avant que j'ai fini ma phrase !

'Merde, qu'est ce qui se passe ?'

J'ai attendu quelques secondes sans rien dire et comme il ne se passait rien, j'ai fermé la porte et je suis entré.

-"Bonjour ! Excusez-moi, il y a quelqu'un ?"

Pas de réponse.

"Bonjour, il y a quelqu'un ?"

'Bon, ben j'ai l'impression qu'il n'y a personne à part ce... ce malotru !'

J'ai fait quelques pas à nouveau et je suis rentré dans le salon où j'ai finalement décidé de m'assoir. Je regarde dans la direction de l'escalier en me demandant comment ça va se passer avec le frère de Thibaut mais visiblement il n'a pas l'air pressé de redescendre.

'Après tout, c'est peut-être pas plus mal vu comment la première rencontre s'est passée...'

Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris ce qu'il m'a débité en quelques secondes mais c'était en rapport avec Hugo, le petit frère de Thibaud et une chute dans l'escalier.

'J'espère qu'il ne s'est pas fait trop mal et qu'il n'a rien de cassé, le pauvre bout d'chou !'

...

J'ai voulu prendre mon portable pour regarder l'heure et je me suis aperçu que je ne l'avais pas.

'Merde, j'ai du l'oublier dans le garage !'

Ca m'est déjà arrivé, je le pose pour mettre mes chaussures ou enfiler mes protections contre la pluie, et puis je l'oublie. Enfin, s'il y a quelque chose qui me distrait, j'ai des chances de l'oublier et c'est ce qu'il passé quand Stéphane est venu me parler du magasin de vestes en cuir.

Après avoir longuement hésité, je me décide à allumer la télé pour connaitre l'heure.

15h21.

'C'est encore jouable pour le ciné mais s'il n'est pas là dans 10 minutes, ça risque d'être cuit !'

Stoïque, je me calle dans le fond du fauteuil et je suis, sans le son, le programme de BFM TV. Ce n'est pas que ça me passionne plus que cela mais au moins, il y a des infos qui défilent en bas de l'écran et ça fait un peu passer le temps.

'Quand même, ça se fait pas de laisser un invité, même si ce n'est pas le sien, attendre tout seul sans s'occuper de lui un minimum ! C'est vraiment un...'

Je ne sais pas comment le qualifier mais j'ai l'impression que moins je le verrai, mieux ce sera et je plains le pauvre Thibaud d'avoir un gars comme ça pour frère !

Les infos défilent sur le bandeau en bas de l'écran : Syrie, 8 morts dans un raid aérien... Grève à Air France, plusieurs vols annulés... Neige, appel à la vigilance dans les Alpes ce weekend ... Sandy redevient un ouragan à l'approche des côtes américaines...

Cette dernière information retient mon attention comme toujours lorsqu'il s'agit d'une catastrophe naturelle et encore davantage quand c'est une tempête. On parle d'ouragan pour désigner les tempêtes dans l'Atlantique et de typhon ou de cyclone pour celles du Pacifique ou de l'Océan Indien mais ce sont les même tempêtes tropicales, terriblement destructrices. C'est un typhon qui a provoqué la destruction de mon village natal de Palaug qui borde la mer de Chine. C'est cette tempête qui a détruit la maison où je vivais avec ma mère et mes sœurs et qui les a tuées me laissant seul, orphelin...

Je sens mes yeux commencer à se remplir de larmes et je fais un effort pour ne pas me laisser aller. Je secoue la tête et sans réfléchir je change de chaine.

'Cnews ! Ce n'est pas mieux !'

'Merde 15h34 ! C'est foutu pour le ciné !'

J'en ai assez d'attendre et je n'ai pas envie d'appeler le frère de Thibaud pour le prévenir que je pars. Je cherche des yeux un papier sur lequel je pourrai écrire un mot pour Thibaud et j'en découvre un en dessous d'un magazine posé sur la table basse. Je prends le stylo que j'ai toujours sur moi selon les préceptes de Stéphane et je commence à écrire.

Salut Thibaud,

J'ai oublié mon portable chez moi donc désolé je ne peux pas t'appeler. J'espère que ton petit frère ne s'est pas fait trop mal et qu'il n'a rien de cassé. Il est 15h40, je vais rentrer et je te propose de m'appeler quand tu reviendras. A mon avis, c'est cuit pour le ciné, peut-être la semaine prochaine ! Appelle-moi et on fera le point.

Désolé pour notre rendez-vous manqué !

Diego

J'étais en train de réfléchir au meilleur endroit où laisser mon message quand à nouveau les escaliers se sont mis à trembler et Alexis est apparu dans le salon son téléphone collé à l'oreille.

-"Si, il est encore là ! OK j'lui dis !"

Il coupe la conversation et se retourne vers moi.

-"Et ben dis donc tu t'accroches, toi !"

...

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