CHAPITRE LXXXI

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Cela fait presque une heure que nous attendons dans la salle d'attente des urgences du CHU. Une heure mais j'ai l'impression que cela fait une éternité ! Quand nous sommes arrivés vers quatre heures et demie, nous sommes allés à l'accueil pour avoir des nouvelles et on a attendu un quart d'heure juste pour avoir la confirmation que c'est bien ici que Stéphane a été transporté en urgence mais sans obtenir d'autre information. On nous a dit qu'il avait été pris en charge par le service de traumatologie et on a été dirigés vers la salle d'attente où depuis, nous rongeons notre frein en silence.

Sébastien est très pâle, il n'a pas pleuré, du moins pas devant moi, mais je sens qu'il est complètement secoué et qu'il lutte pour ne pas s'effondrer. On ne parle pas, nous restons assis l'un à côté de l'autre avec de temps en temps des regards tristes échangés...

J'ai reçu plusieurs messages de Boris, Thibaud et de Léa me demandant ce qu'il se passait et je leur ai répondu en leur annonçant la triste nouvelle et le fait que pour l'instant on attendait pour avoir plus d'informations. Léa a pris mes affaires quand elle a compris que je ne reviendrai pas en cours et les a déposées dans le bureau des surveillants. Je les ai remerciés tous les trois et je leur ai dit que je leur donnerai des nouvelles dès que j'en aurai eues.

Au bout d'un certain temps j'ai eu comme l'impression de sortir de mon corps et de devenir un observateur extérieur qui flottait quelque part au plafond de cette sinistre salle d'attente. Paradoxalement alors que pour nous, il ne se passe rien et que nous sommes deux personnes immobiles, c'est un manège incessant d'entrées et de sorties. La pièce est grande, il y a au moins une trentaine de chaises en plastique orange presque toutes occupées et j'assiste à un va et vient incessant de personnes de tous âges et de toutes conditions. Il y a des blessés, parfois avec du sang qui tache des pansements de fortune, des jeunes, mais aussi beaucoup de personnes âgées qui ont parfois l'air perdues. Je remarque aussi des personnes qui me paraissent très pauvres et je crois deviner que ce sont sûrement des sans abris alors que par ailleurs, à ma droite, il y a un homme en costume qui, comme nous, attend en silence.

'C'est une sorte de cour des miracles où la détresse du monde est reine ...'

...

Sébastien est retourné plusieurs fois au comptoir de l'accueil et à chaque fois il est revenu en secouant la tête.

-"Non, toujours rien !

-"Mais c'est quand même pas croyable, ils devraient au moins nous dire ce qu'il a ! J'en ai marre d'attendre et ça me fait peur !

-"Oui, je sais... moi aussi j'en ai marre mais tu sais ils s'occupent en priorité des cas les plus graves alors c'est peut-être bon signe." me répond Sébastien avec un sourire qui se veut encourageant." Tu veux que je t'appelle un taxi pour rentrer ?"

-"Oh non pas question, on reste ensemble !

-"Merci Didi, viens on va aller prendre un café, ça nous fera du bien ..."

...

La nuit était tombée depuis longtemps quand, enfin, on a appelé Sébastien.

-"Monsieur Lesquer ? Monsieur Lesquer ?

-"Oui, c'est moi ! Vous avez des nouvelles ?

C'était une infirmière qui venait nous chercher. Elle nous a conduits dans une petite pièce où il y avait déjà quelqu'un.

-"Bonjour, je suis le docteur Granier et c'est moi qui ai pris en charge Stéphane Brisset.

-"Bonjour Docteur, je suis son compagnon et voici notre fils Diego. Comment va-t-il ?

-"C'est grave Docteur ?"

Il m'a regardé longuement avant de hausser légèrement les épaules et j'ai compris que normalement il ne parlait pas devant un mineur mais qu'il faisait exception cette fois.

-"Le patient est arrivé inconscient avec une blessure au niveau de la boite crânienne, il présentait un hématome sous-dural aigu et nous l'avons opéré immédiatement afin d'éviter de possibles risques neurologiques majeurs. Nous sommes parvenus à réduire les dommages et à le stabiliser. Actuellement ses constantes sont stables et..."

Il s'interrompt brusquement en comprenant certainement que nous sommes complètement perdus. Tout ce que j'ai compris c'est que c'est grave et j'ai senti un frisson glacé me parcourir tandis que des larmes se formaient à nouveau dans mes yeux. Je regarde Sébastien qui a pali et qui essaye de suivre les paroles du chirurgien.

-"Heu excusez-moi, je suis un peu perdu. Est-ce que vous pourriez nous réexpliquer s'il vous plait ?

-"Il va bien Docteur ?"

-"Oui pardon... il avait un écoulement de sang dans la tête et on a du l'opérer pour éviter que ce sang ne comprime le cerveau car cela peut avoir de très graves conséquences. L'opération s'est bien passée mais il est toujours très faible et inconscient. Il est encore dans le coma et probablement pour plusieurs jours et après normalement il va se réveiller s'il n'y a pas de complications donc nous le maintenons en surveillance étroite.

-"Ah d'accord...

-"Ca veut dire qu'il va bien maintenant ?" reprends-je plein d'espoir.

-"Cela signifie que nous avons réduit les risques à court terme et que s'il n'y a pas de complication il va récupérer." corrige le chirurgien.

-"Mais ça va prendre longtemps ?" s'enquiert Sébastien.

-"Ca dépend des patients mais ça peut prendre plusieurs jours ou quelques semaines...

-"Ah...

-"Mais il ne va pas mourir ?" lui demandé-je terrifié.

-"Je suis désolé mais je ne peux rien dire... il faut attendre de voir comment ça se passe. S'il n'y a pas de complications dans les prochaines 48h, ça devrait aller.

-"Oh..."

Mes yeux se sont brouillés sous l'afflux de larmes et le médecin m'a fait signe de m'assoir. J'avoue qu'à partir de ce moment j'ai décroché et je n'ai plus suivi la conversation. J'avais comme un casque sur les oreilles et je n'entendais plus que des bruits au loin et surtout je me répétais inlassablement une phrase dans la tête.

'Je ne veux pas qu'il meure, je ne veux pas qu'il meure, je ne veux pas qu'il meure...'

...

Sébastien m'a ramené à la maison mais je n'ai pas de souvenir du trajet; j'étais en état de choc et je ne me souviens pas si on a parlé.

Quand nous sommes arrivés, j'ai couru me refugier dans ma chambre et je me suis écroulé en pleurs dans mon lit. Sébastien est arrivé quelques minutes plus tard ; il n'a rien dit dans un premier temps, il a ouvert la porte et nous nous sommes regardés longuement, tristement...

Puis il a pris la parole.

-"Ecoute, l'opération s'est bien passée, il est vivant et pour l'instant il va bien.

-"Oui mais s'il y a des complications ?" réponds-je en criant presque.

-"Pour l'instant, il va bien. On ne peut pas savoir pour après mais le médecin était optimiste, il a dit que Stéphane était costaud alors on s'accroche à ça, d'accord Didi ?

-"Oui d'accord...

-"Tu veux manger quelque chose ?

-"Non, j'ai pas faim du tout...

-"Tiens, le médecin m'a donné quelque chose pour que tu arrives un peu à dormir toi aussi. Bois ça et repose toi et demain matin on appellera le CHU. Il m'a dit qu'on me donnerait des nouvelles."

Il m'a tendu le verre et j'ai avalé la mixture amère.

-"Allez, on s'accroche, on reste optimiste et je suis sûr que demain on aura des nouvelles rassurantes.

-"Oui d'accord, merci Séb !"

Il s'est penché sur moi et m'a serré longuement dans ses bras.

-"Bonne nuit Didi !

-"Bonne nuit Séb..."

...

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