CHAPITRE CXIII

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C'est sans réel entrain que j'ai pris mes affaires pour aller à la piscine. J'ai mangé seul puisqu'on est mercredi et que Sébastien travaille. On n'a pas beaucoup parlé ce matin, pas le temps mais également pas envie de relancer la conversation sur la visite d'hier soir. Nous sommes donc partis chacun de notre côté avec des idées noire pleins la tête...

Heureusement, le fait d'être dans l'eau, de me concentrer sur les exercices de natation m'a un peu vidé la tête. Quand tu serres les dents pour atteindre le bout du bassin, quand tes muscles te font mal et que tu as une respiration heurtée sous l'effort, tu oublies momentanément tes problèmes et c'est exactement ce qu'il me faut en ce moment. Je suis quelqu'un de plutôt dur au mal, exigeant avec moi-même mais je crois qu'en ce moment je repousse mes limites. J'ai nagé plus d'une heure d'affilée sans presque aucun temps de repos et quand j'ai vu que les nageurs du Cercle s'apprêtaient à finir par des courses d'entraînement, je suis sorti de l'eau pour les regarder. Thibaud s'est dirigé vers la ligne d'eau la plus proche de moi et m'a souri.

-"Qu'est-ce que vous faites comme course ?" demandé-je

-"Une série de 100 m dos et une série de 100 m papillon."

-"Oh super, je vais prendre des notes pour le dos mais pour le papillon, bon courage !

-"Ca te dirait pas de nager le 100 m dos ? Ce serait pas mal de voir ce que tu es capable de faire, je suis sûr que tu te débrouillerais bien !

-"Heu pourquoi pas mais juste comme ça, de l'autre côté des flotteurs, en "amateur"...

-"Excellent, je vais le dire à Eric pour qu'il prenne ton temps !"

il est revenu quelques secondes plus tard avec un grand sourire.

-"Tu vas faire la première série et c'est moi qui prendrais ton temps !

-"Oh super, merci !

-"Allez, mets toi à l'eau et puis fais de ton mieux, je suis sûr que tu vas être très bon!"

Je ne lui ai pas répondu parce que j'ai senti tout d'un coup combien c'était présomptueux de ma part de vouloir me mesurer à des nageurs accomplis mais c'était un peu tard pour me dérober.

Accroché au bord, j'ai guetté le signal de l'entraîneur mais j'ai raté mon départ et je me suis élancé avec un peu de retard. J'ai poussé sur mes jambes et j'ai essayé de parcourir la plus grande distance sous l'eau parce que Thibaud m'avait expliqué que le corps glissait mieux et sans beaucoup de dépense d'énergie. Quant j'ai émergé, je n'ai vu personne dans la ligne d'eau d'à côté, j'avais déjà certainement pas mal de retard.

'Bon, et ben mon gars, accroche-toi si tu ne veux pas être trop ridicule !'

J'ai serré les dents et en essayant de respirer régulièrement, j'ai mis en œuvre tout ce que Thibaud m'a appris sur la fréquence des battements des bras et des jambes. Le bord du bassin est arrivé plus vite que ce que j'attendais et je n'ai pas bien effectué mon virage mais je suis bien reparti et même si les bras me brûlaient à la fin, je crois que je n'ai pas trop fléchi. J'ai touché le bord du bout des doigts et puis j'ai levé la tête.

-"Super Diego ! Tu as été génial !

-"Ah bon ?

-"Tu finis seulement à 3 secondes de Charles et franchement, tu m'a bluffé ! C'était fluide, constant, bien droit et si tu avais mieux réussi ton départ et surtout le virage, tu étais dans la course !"

Il était tout excité et j'étais content car je voyais qu'il était fier de moi. J'ai souri et je me suis écarté pour regarder la deuxième série. D'habitude je les regarde des tribunes mais cette fois je suis resté tout près et c'était encore plus impressionnant. Thibaud a gagné sa série en faisant une course exceptionnelle ; il a laissé le deuxième à plus d'une longueur et cette fois c'est moi qui l'ai regardé avec émotion et fierté.

...

Nous avons écourté notre séance car Thibaud ne pouvait pas rester.

-"Heu je vais pas pouvoir rester longtemps, j'ai un rendez-vous..."

Toute la joie que j'éprouvais c'est tout à coup envolée, quand il m'a dit cela. J'ai baissé la tête tristement et ai essayé de cacher ma déception.

-"Oui, d'accord... ce n'est pas grave...

-"J'suis désolé, ça ne se reproduira pas, promis !"

J'ai esquissé un petit sourire et j'ai changé de sujet.

-"Tu vas à la réunion pour le voyage, demain ?

-"Oui bien sûr. Toi aussi ?

-"Oui, je ne sais pas si j'aurai l'occasion de découvrir Sarrebruck avec tout ce qui se passe mais on verra...

-"Tu t'es mis avec Boris pour la famille d'accueil ?

-"Non, comme je ne suis pas sûr d'y aller, je lui ai dit de se mettre avec quelqu'un d'autre. Et toi ?

-"Heu je voulais te demander si tu voulais qu'on soit ensemble...

-"Je pense qu'il vaut mieux ne pas compter sur moi, c'est trop incertain...

-"Ah oui d'accord..."

Quand nous nous sommes quittés, nous étions pensifs tous les deux, la bonne humeur qui régnait en début de séance avait disparu.

'A l'image de notre relation depuis la fête de Nicolas... maudit Jérémy !'

Je suis sûr que c'est à cause de lui que Thibaud a dû partir plus tôt aujourd'hui.

'Il a rendez-vous avec lui, c'est sûr !'

J'ai tristement mis le cap sur l'hôpital en continuant à maugréer contre Jérémy et Chloé qui l'avait mis sur le chemin de Thibaud...

Sébastien a réussi à avoir un rendez-vous avec le docteur qui suit Stéphane mais dans la matinée de demain.

'J'espère qu'il va nous donner de bonnes nouvelles...'

En fait, j'en doute. Depuis l'intervention de l'assistante sociale, je n'ai pas eu le temps d'y repenser mais l'état de Stéphane est préoccupant. Cela fait plus d'un mois, plus de cinq semaines qu'il est dans le coma et ça fait peur ! J'ai lu sur Internet, je crois que j'ai lu tout ce qu'on pouvait lire sur le coma, que ce n'était pas exceptionnel mais tout de même, passé un certain temps les chances de réveil diminuent.

'Et puis les risques de séquelles augmentent... Stéphane, réveille-toi vite, s'il te plaît !'

Bref, je n'étais pas d'humeur joyeuse quand je suis arrivé. J'ai mis de la musique, Eagles, Hôtel California, pour essayer d'égayer l'atmosphère et puis je lui ai raconté ce qu'il s'était passé la veille.

-"Le problème, c'est qu'on ne sait pas ce qu'elle cherche à faire, à part nous créer des ennuis, ça malheureusement c'est sûr ! Et le proviseur n'était pas là, il est malade, donc je n'ai rien pu lui expliquer..."

J'ai fini par le plus difficile, le questionnement sur ma sexualité.

En fait, dans l'hypothèse qui parait se confirmer de plus en plus, où je ressens quelque chose pour Thibaud, je ne sais pas si je pourrais éprouver un jour ce genre de sentiments pour un autre garçon.

'Je n'ai pas l'impression d'être attiré par les gars en général, c'est juste avec Thibaud que ce sentiment particulier existe !'

Et concernant les filles, cela signifie-t-il que je n'éprouverai jamais rien ?

'Il ne faut peut-être pas tirer de conclusions trop hâtives ?'

Je suis un peu perdu et avec tout ce qui nous arrive je n'ai pas le temps de penser à ça.

-"Tu sais que moi ce que j'aime, c'est être dans un environnement sûr ; j'ai besoin de stabilité, j'ai peur de l'inconnu et là c'est tout le contraire ! J'ai peur Stéphane, j'ai peur de tout ce qui m'arrive !

-"Réveille-toi, réveille toi, s'il te plaît !"

J'ai attendu que mes larmes sèchent avant de partir puis prenant mon courage à deux mains, je suis sorti dans le froid et l'obscurité pour affronter l'adversité...

...

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