CHAPITRE CXXIX

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Le reste de la semaine est passé très vite. J'avais l'impression de vivre une double vie, un peu comme un espion qui sous sa couverture vit une existence banale alors que dans la réalité il participe héroïquement à la défense de notre monde. Bon, il ne faut pas exagérer, je ne prétends pas être un héros, mais par contre cette sensation d'avoir une double vie m'a réellement affectée.

Le jour, j'étais Diego, ado qui vit une situation compliquée, gentil garçon, bon élève, respectueux et en parallèle, je préparais ma mission secrète le soir, à l'abri des regards.

C'est incroyable le temps que ça prend d'essayer de penser à tout et de chercher une solution à tous les problèmes qui surgissent au fur et à mesure. J'en déduis qu'un bon agent secret doit avoir une sacrée organisation logistique et bien sûr comme c'est ma première opération secrète, je découvre tout en même temps et je dois parer au plus pressé le mieux possible.

Mais j'aime bien ça. En fait, j'aime surtout l'idée d'agir et comme ce que j'ai prévu n'est absolument pas autorisé les circonstances font que cette action devient clandestine ce qui évidemment met du piment à l'affaire !

Je n'en ai parlé à personne. Ni à Thibaud, ni à Léa, ni à personne d'autre mais j'ai réfléchi et je crois que j'annoncerai à quelques personnes ce qu'il va se passer pour éviter de déclencher une panique et me retrouver avec toutes les polices de France à mes trousses !

'Bon, allez, arrête de te faire des films, Diego !'

La sonnerie de la fin du cours vient de retentir et je reprends contact avec la réalité. Il est 16 heures et j'ai des choses à faire.

...

J'ai décidé d'écrire une lettre à Gabriella Orsini. J'ai du mal à l'appeler ma mère même si légalement parlant, je suis son fils. Je me suis dit que débarquer chez elle sans prévenir risquait de lui causer un grand choc et qu'il était préférable de préparer un peu le terrain. Aussi, pour une fois, j'ai décidé de rentrer directement au foyer pour avoir le temps de rédiger mon courrier avant que Jimmy ne rentre. J'aime mieux être au calme pour réfléchir à ce que je vais lui dire.

Je me suis installé à mon bureau et j'ai décidé de ne pas lui raconter ma vie mais simplement de lui annoncer ma venue.

Bonjour madame Orsini,

Je m'appelle Diego et peut-être vous souvenez vous un peu de moi. Vous êtes venus en 1990 avec Stéphane dans mon pays d'origine, les Philippines, à l'orphelinat de Santa Cruz et ensemble, vous m'avez adopté. Je vis en France, près de Nantes, avec Stéphane et Sébastien, son compagnon que vous connaissez je crois, et jusqu'à ces dernières semaines, j'étais parfaitement heureux.

Mais le 13 décembre dernier, Stéphane a eu un accident et depuis il est dans le coma. Nous sommes tous très affectés et espérons qu'il va se réveiller mais plus le temps passe et moins il y a de chances malheureusement.

Je vais venir vous voir très prochainement car j'ai un service à vous demander. C'est trop compliqué d'essayer de vous exposer cela par écrit alors je préfère venir et vous l'expliquer de vive-voix.

Rassurez-vous, je ne vais pas vous demander d'argent et je vous promets que cela ne bouleversera pas votre vie. Je sais que cela doit vous paraître mystérieux et j'espère ne pas vous avoir trop alarmée, je vous expliquerai tout lorsque je vous rencontrerai.

Je joins à cette lettre quelques photos de notre famille et de notre vie heureuse avant l'accident de Stéphane.

Très sincèrement,

Diego Brisset

J'ai relu ce que j'avais écrit. J'ai essayé de me mettre dans la tête de madame Orsini pour imaginer sa réaction en lisant ce courrier. Je veux qu'elle m'identifie sans qu'il y ait de doute possible et lui faire comprendre que j'ai besoin d'elle mais pas lui faire peur.

'Ca va... elle devrait être intriguée mais pas paniquée, enfin j'espère !'

J'ai glissé les photos que j'ai prises hier dans notre album de vacances de l'été dernier. Un portrait de moi et une deuxième où nous sommes tous les trois, souriants, heureux...

Je suis descendu et sous le prétexte d'aller acheter des chewing-gums, je suis sorti du foyer pour me diriger vers la Poste au coin de la rue Paul Bellamy. En passant devant un bureau de tabac, j'ai aperçu Kevin et Karim qui y entraient et j'ai détourné la tête en pressant le pas.

'Attention Diego, ne te fais pas remarquer, pas maintenant !'

...

Vendredi matin, j'ai réussi à voir Matthys dans le hall à la récré et je lui ai demandé ce qu'ils avaient prévu pour la manifestation de ce weekend. Je lui ai dit que malheureusement, je ne pourrai pas être présent.

-"C'est pas grave, Diego, je comprends t'inquiète pas, tu as d'autres problèmes...

-"Oui...

-"Ca s'arrange ?

-"Pas encore mais j'espère que ça va se régler pendant les vacances de février...notre avocat est confiant...

-"Tant mieux et surtout si tu as besoin de quoi que ce soit... Et l'assistante sociale au fait ?

-"Le proviseur lui a dit de ne plus me parler et depuis je ne l'ai pas vue...

-"Je te l'avais dit qu'il la calmerait !"

...

Quand je suis rentré, peu avant 19 heures, Jimmy était dans la chambre et visiblement m'attendait.

-"Ah enfin ! Tu passes ta vie au lycée ?

-"Heu non mais j'en ai profité pour m'avancer dans mon boulot pour être tranquille ce week-end.

-"Ah justement, j'ai un service à te demander...

-"Vas-y je t'écoute...

-"Tu pourrais faire un devoir de français pour moi ? Enfin, c'est pour Clarisse mais je lui ai dit que je le ferais..."

Devant ma mine étonnée, Jimmy m'a expliqué l'affaire. Clarisse accepte de sortir avec Jimmy si celui-ci la décharge d'un certain nombre de corvées dont par exemple ce devoir de français et Jimmy ne se sentant pas à la hauteur, me demande de le faire à sa place tout en conservant les mérites aux yeux de sa belle.

'D'accord, donc c'est moi le pigeon dans l'histoire !'

J'ai hoché la tête en silence et Jimmy, voyant que je n'étais pas enthousiaste, a enchéri.

-"S'il te plaît Diego, si tu fais ça pour moi, tu seras comme un frère et je dirai à Kevin et Karim de ne pas te toucher. Tu sais qu'ils complotent quelque chose ?

-"Ah bon ?

-"Oui, je les ai entendus parler hier soir, ils vont essayer de te chopper quand tu arrives le soir...

-"C'est vrai ou tu dis ça pour me forcer la main ?

-"Non, j'suis sérieux, j'te jure ! Allez, t'es fort à l'école, c'est rien pour toi..."

Je suis rapidement arrivé à la même conclusion que lui. Effectivement, un devoir de français, ce n'est pas la mer à boire et même des exercices de maths si besoin, ça ne va pas me prendre trop de temps. De toute façon j'avais dit à Jimmy que j'étais prêt à l'aider s'il le souhaitait donc pas de problème.

Non, ce qui me chiffonne c'est que je ne sais pas si cette histoire de Kevin et Karim est véridique autrement dit, si Jimmy est sincère ou s'il essaye de me manipuler.

Mais ça, je ne le saurais jamais !

'C'est compliqué la vie, ici !'

...

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