CHAPITRE CXXXII

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Lundi et mardi ont passé très vite. En fait, j'ai eu l'impression de ne pas les vivre mais de les regarder passer. J'avoue que j'ai eu du mal à m'impliquer dans mes activités. Le club d'échec, la piscine, même le Geography club car j'avais la tête ailleurs.

Je suis incollable sur Martigues. Je connais les horaires de train entre Marseille et Martigues, j'ai étudié le réseau de bus de Martigues, j'ai même zoomé sur le 35 avenue Gambetta sur Google Maps pour avoir une idée de l'endroit où j'allais me rendre. Rien de notable, c'est juste un immeuble banal.

J'ai fait une liste des tâches à réaliser chaque jour et quand je suis rentré mardi du lycée, j'ai barré sur cette liste le dernier élément, faire mon sac. J'ai souri et je me suis rapidement dépêché de le faire avant que Jimmy ne remonte dans la chambre.

J'ai tout de même fait mes devoirs et j'ai envoyé ma dissertation de français à Léa par mail juste avant de me coucher. Je lui enverrai un message demain et elle pourra la donner à madame Ravier à ma place.

Et puis je me suis couché. Jimmy s'est branlé et s'est endormi presque aussitôt mais moi, non !

Je n'ai jamais aussi mal dormi de ma vie ! Ca devait être l'excitation de toute la préparation, le fait de savoir qu'enfin, j'allais faire le saut dans l'inconnu et puis bien sûr, le chauffage ! Le radiateur est toujours brûlant et on ne peut pas le régler.

Bref, j'ai eu l'impression de regarder les minutes et les heures lentement avancer toute la nuit et bien sûr quand le réveil a sonné ça m'a fait mal !

Mais pas longtemps. Dès que je me suis souvenu que c'était le jour J, je me suis levé et j'ai foncé prendre ma douche. Dix minutes plus tard, lavé et rasé, je me suis habillé. Jimmy m'a regardé bizarrement.

-"Arrête de siffler, c'est insupportable, on dirait que tu es content d'aller au lycée !

-"Ah heu... désolé..."

Il s'est levé de mauvaise humeur et j'ai terminé de m'habiller en silence. J'ai récupéré mon téléphone avant d'aller prendre le petit déjeuner seul dans la salle quasi déserte. J'ai regardé l'heure, il était 7 h 05.

'Je suis en avance !'

Pendant que Jimmy prenait son petit déjeuner, je suis remonté dans la chambre. J'ai d'abord déposé un petit mot sous son oreiller.

Salut Jimmy,

Je ne serai pas là pendant quelques jours. J'ai quelqu'un à aller voir. C'est une histoire de famille...

Désolé d'avoir été un peu cachottier. Tu peux le dire aux éducateurs ; de toute façon, ils seront mis au courant par le lycée.

J'ai mis le devoir de Clarisse sur ton bureau, j'espère que ça te permettra d'avancer...

A bientôt,

Diego

Puis, j'ai caché mon sac de cours sous mon bureau et j'ai pris le petit sac à dos dans lequel j'avais préparé quelques affaires de rechange et puis tous les papiers dont j'aurai besoin. Je suis ressorti très vite et suis descendu.

'C'est maintenant qu'il faut que je sois naturel, pas question de se faire repérer !'

Je suis passé devant le bureau des éducateurs.

-"Bonne journée, Diego ! Tu ne seras pas en retard !

-"Non, j'ai un devoir et justement, je ne veux pas arriver en retard... bonne journée à toi aussi !"

J'ai eu l'impression qu'il me regardait bizarrement et qu'il avait remarqué que je n'avais pas mon sac d'école mais il n'a rien dit et j'ai continué de marcher comme si de rien n'était. Il n'y avait personne dans le hall ; j'ai ouvert la porte et suis sorti.

'Yes, première étape réussie, on passe à la suivante !'

Je suis rapidement sorti de l'enceinte du foyer et me suis retrouvé boulevard Paul Bellamy. J'avais réfléchi sur le fait que partir à pied pouvait peut-être attirer l'attention mais comme je ne voulais pas laisser mon vélo dehors pendant plusieurs jours, j'ai finalement décidé de prendre le risque.

'De toute façon, dans une heure je serai déjà loin !'

J'ai marché le long du boulevard en direction du centre-ville, à l'opposé de la direction du lycée. Là encore, je ne voulais pas rester à attendre mon bus pour la gare à l'arrêt à côté du foyer. Sait-on jamais, si la directrice passait par là, elle pourrait me reconnaître et se poser des questions.

Je crois que je n'ai jamais été aussi suspicieux, d'aucuns diraient paranoïaque, mais je voulais éviter toutes les erreurs, les oublis, bref tout ce qui pouvait mener mon plan à sa perte.

'Trop de roman policier, ça c'est sûr !'

Je me suis retrouvé à la gare à 7 h 35 ce qui m'a permis de dérouler tranquillement le reste de mon plan. Muni de mon billet préalablement pris sur internet et payé avec la carte de Stéphane, je me suis dirigé vers le tableau d'affichage.

'Paris, 8 H 06, voie 5. Parfait !'

Dans le hall de la gare, il y avait foule. Des gens pressés qui partaient sûrement travailler, beaucoup d'hommes avec une petite mallette au bras qui devaient monter à Paris. J'ai suivi le flot et j'ai patienté un petit quart d'heure sur le quai dans le froid. Dès que le train est arrivé, je suis monté dedans et après quelques minutes pour trouver ma voiture, j'ai pu enfin m'asseoir sur mon siège.

Il n'y avait encore presque personne d'installé. J'ai enlevé mon blouson et l'ai placé au-dessus de moi dans le compartiment de rangement et j'ai sorti mon téléphone.

'Non, je vais attendre que les cours aient commencé !'

A l'heure prévue le train a démarré et je me suis relâché ; c'est un peu ridicule mais c'est seulement à ce moment-là que j'ai réellement senti que l'aventure commençait et que personne ne viendrait m'empêcher de mener ma quête à terme.

'Allez, c'est bon, c'est parti !'

J'ai envoyé un message à Léa.

Salut Léa, je ne serai pas là pendant quelques jours. J'ai quelque chose à faire. Rien de grave donc ne t'inquiète pas. Je serai de retour au lycée lundi. Peux-tu aller voir madame Faure à 10 heures et lui transmettre mon message pour qu'elle ne s'inquiète pas. Je t'ai envoyé ma dissert pour madame Ravier par mail, merci de la lui remettre. Bonne journée, Diego.

Puis un second du même acabit à Thibaud. A ma grande surprise, il m'a répondu presque immédiatement.

Salut Diego, tu es où, tu as un problème ? Thibaud

Non non tout va bien c'est juste que j'ai besoin de partir pour voir quelqu'un pour mes histoires en cours. Je ne t'en dis pas plus, je ne veux pas que tu sois obligé de mentir si on te pose des questions. T'inquiète, je serai de retour à Nantes ce week-end. Bonne fin de semaine, je pense à toi. Diego

S'il y avait bien quelqu'un que j'aurai aimé avoir à mes côtés, c'est bien Thibaud. J'ai senti dans son message toute l'attention qu'il a pour moi. Je m'en veux de ne pas lui en dire plus et de rester si mystérieux.

'J'espère qu'il ne pas se vexer ?'

J'ai envoyé un dernier message à Sophie, toujours aussi sibyllin et puis j'ai coupé mon téléphone. La dernière des choses que je souhaite c'est qu'on m'appelle et qu'on m'oblige à tout arrêter.

'Non, c'est trop tard maintenant, je ne reviens pas en arrière !'

Un homme d'une vingtaine d'années s'est assis à côté de moi. J'ai rangé mon téléphone dans mon blouson parce que dans ma poche de pantalon, il me gênait, j'ai sorti un livre de mon sac et j'ai commencé à bouquiner.

Je n'ai pas atteint la fin du chapitre ; j'ai senti mes paupières devenir lourdes alors que le balancement régulier du TGV me berçait agréablement. J'ai refermé mon livre et je me suis lourdement endormi. Comme quelqu'un qui n'a pas eu son compte de sommeil, comme quelqu'un qui pense à ce voyage depuis plus d'une semaine et qui peut enfin commencer à se relaxer...

...

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