CHAPITRE CXLVII

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C'est avec des sentiments mêlés que j'ai pris la route du lycée ce matin, l'envie de retrouver mes amis, le lycée tout simplement et puis la crainte aussi d'être un peu sermonné, que madame Faure ne soit déçue et m'en veuille de lui avoir caché cette fugue puisqu'on risque de l'appeler ainsi. Sébastien m'a emmené en voiture, mon vélo étant resté au foyer. En tous les cas, il tient la forme parce qu'il m'a dit vouloir passer voir son ancien patron pour lui demander de le réembaucher.

-"Et tu crois qu'il voudra bien, il ne t'aura pas déjà remplacé ?

-"Oh il aimerait peut-être bien mais des gars avec mon expérience et mes compétences, ça ne court pas les rues donc je pense qu'il sera très content de me voir...

-"Oh c'est génial !"

J'ai fait les deux cents derniers mètres à pied et j'ai aperçu Thibaud qui me guettait. Je l'ai accompagné jusqu'au garage à vélo.

-"Ca va ?

-"Oui mais j'aimerais bien t'embrasser...

-"Oui, moi aussi..."

On s'est regardé dans les yeux en oubliant un moment où nous étions. J'avais envie de le prendre dans mes bras et puis il a sursauté en entendant quelqu'un passer près de nous.

-"Faut qu'on fasse attention sinon ça va se voir...

-"Oui... donc à tout à l'heure à la cafète !

-"Oui, c'est ça !"

Je suis entré tandis qu'il attachait son vélo et je me suis dirigé tout de suite vers le bureau des CPE. J'ai frappé et madame Faure m'a dit d'entrer.

-"Oh bonjour Diego, tu vas bien ? Je suis contente de te voir !" m'accueille-t-elle avec un franc sourire.

-"Bonjour madame Faure, oui ça va très bien. Heu désolé pour la semaine dernière..."

Elle a été très compréhensive. En fait, je crois qu'elle me fait confiance et à partir du moment où Léa lui a transmis mon message, elle ne s'est pas affolée. Elle a prévenu les profs de la classe, le proviseur et elle m'attendait ce matin pour faire le point.

-"OK Diego, je ne te juge pas, je sais que tu as certainement de bonnes raisons de t'être absenté. Administrativement parlant, je vais prévenir le foyer de la Ransay mais sinon, je te fais confiance pour rattraper les cours que tu as manqués et en ce qui nous concerne, cela s'arrêtera là.

-"D'accord, merci de votre confiance, madame Faure !

-"Et sans vouloir m'immiscer dans ta vie personnelle, tu as trouvé ce que tu cherchais ?

-"Heu je crois, oui.

-"Parfait, alors pas de nouvelle escapade ?

-"Non, non, promis !

-"Alors bonne journée, et je te préviens si j'ai du nouveau du côté du foyer.

-"D'accord, merci et très bonne journée à vous aussi !"

Léa m'a accueilli en me serrant dans ses bras ce qui a occasionné quelques murmures parmi mes camarades de classe mais je m'en fiche. Elle était très contente de me revoir et je l'avoue, moi aussi. Je l'avais eu au téléphone dimanche soir sur le fixe de la maison et elle ne semblait pas m'en vouloir de ne pas l'avoir tenue au courant. J'en ai profité pour lui montrer mon nouveau téléphone et lui donner mon numéro et puis nous sommes entrés en cours.

A midi, j'ai mangé seul avec Boris.

-"Alors, tu peux me dire pourquoi tu n'étais pas là, la semaine dernière ? C'était un peu la panique, personne n'avait de tes nouvelles et comme tu n'a pas répondu à mes messages, moi aussi je me suis demandé ce qu'il t'arrivait...

-"Ah oui, on m'a volé mon portable pendant que je dormais et je suis resté coupé du monde pendant plusieurs jours. Désolé...

-"Et tu faisais quoi ?

-"C'est un peu compliqué à expliquer... disons que j'ai de gros soucis familiaux et je devais retrouver une personne qui pouvait m'aider..."

J'ai bien vu qu'il avait du mal à comprendre alors je me suis lancé et je lui ai expliqué la situation.

'Je crois que je viens de tirer un trait définitif sur les Règles de Nantes !'

Mais peu importe, depuis l'accident de Stéphane, c'est bien la dernière de mes préoccupations.

Il a été très surpris par mes révélations et est resté silencieux un instant.

-"Ca te choque ?

-"Non, je comprends mieux tes réactions à certaines remarques déplacées... je suis un peu triste que tu aies dû me cacher la vérité sur ta famille pendant si longtemps...

-"Oui, je comprends, je suis désolé mais c'était pour nous préserver... tu m'en veux ?

-"Non, je sais que cela a dû te coûter et puis ce sont tes parents qui ont pris cette décision... ça a dû être dur pour toi...

-"Oui, toujours être obligé de mentir, même à mon meilleur ami..."

J'étais plutôt ému et je crois qu'il l'était tout autant que moi. On avait fini de manger et il a commencé à se lever.

-"Heu attends, j'ai encore quelque chose à te dire...

-"Je t'écoute...

-"Heu c'est pas facile et je te demanderai de garder ça strictement pour toi car personne n'est au courant et je veux que ça reste secret, d'accord ?

-"Oui d'accord...

-"En fait, je me suis rendu compte que... que je n'étais pas attiré par les filles. En fait, je suis gay..."

J'étais un peu tendu, c'est la première fois que je fais mon coming-out, à part à la famille Winogravski, et j'ai pleinement compris ce que signifiait l'expression sauter dans le vide !

'Sans savoir si mon parachute va s'ouvrir !'

Curieusement, Boris n'a pas réagi comme je m'y attendais. Dans ma tête, je m'étais fait des petits films, je pensais qu'il allait être surpris, choqué mais j'espérais qu'il prendrait bien la nouvelle tout en craignant cependant qu'il réagisse mal mais je ne m'attendais pas à ce qu'il sourie comme un idiot.

-"C'est tout ce que ça te fait ?

-"Je le savais ! C'est juste que je me demandais quand toi, tu t'en rendrais compte !

-"Quoi ? Tu le savais ? Mais comment c'est possible, moi je l'ai vraiment compris il y a quelques semaines seulement !"

Il m'a fait signe de parler moins fort et je me suis rappelé que nous étions dans le réfectoire parmi une centaine d'élèves. J'ai repris tout doucement.

-"Franchement, tu le savais ?

-"Disons que je m'en doutais...

-"A cause de Bérangère ?

-"Ben oui ! Même avant j'avais des doutes mais c'est sûr que quand t'as cassé avec Bérangère, je me suis dit qu'il n'y avait que ça comme explication possible.

-"Oh... et heu... tu ne m'as rien dit...

-"Ah non, je me doutais que ce n'était pas clair pour toi alors je me suis dit qu'il fallait que ce soit toi qui me le dises quand tu aurais compris, enfin si tu en avais envie...

-"Oh d'accord... heu et tu le prends comment ?

-"Je suis content que tu me fasses confiance, je ne le dirai à personne, tu as ma parole et puis ça ne change rien pour moi, tu es toujours mon meilleur ami !"

J'ai déconnecté un court instant. J'ai senti mes yeux s'humidifier et j'ai lutté pour ne pas me mettre à pleurer.

-"Hé Diego, t'as entendu ce que je viens de dire ?

-"Oui... merci Boris, merci !"

Il m'a souri et a tapoté plusieurs fois sur mon épaule pour me montrer qu'il comprenait mon émotion. Nous nous sommes levés sans plus rien dire et avons rejoint la queue pour débarrasser nos plateaux. En sortant du réfectoire, il m'a glissé une dernière phrase.

-"Et je trouve que vous allez très bien ensemble !

-"Hein ? Quoi ?"

Je me suis arrêté au milieu du couloir alors qu'au contraire il semblait presser le pas. Il s'est retourné et a mis un doigt devant sa bouche tandis que ses yeux me souriaient ; il avait l'air d'un garçon qui vient de faire une bonne blague et qui s'enfuit avant de se faire attraper !

Il est parti avant que j'aie eu le temps de réagir. Je suis resté planté comme un idiot dans le couloir.

'Merci Boris, tu viens de me prouver que tu es vraiment mon meilleur ami !'

...

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