CHAPITRE CLI

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Monsieur Zeiger a fait l'appel et après les dernières embrassades nous sommes montés dans le beau car blanc. Nous sommes 54 élèves essentiellement de deux classes, la seconde européenne composée d'élèves des secondes B, C et E, au grand complet, la première européenne, et quelques élèves qui font allemand issus d'autres secondes ou premières. Ils sont quatre profs à nous encadrer, monsieur Zeiger bien sûr, qui est l'organisateur principal, madame Ravier, notre prof de français et deux autres profs de première, monsieur Le Bon et madame Gourvenec.

Cela fait beaucoup de monde et le car est presque entièrement rempli. Bien sûr, tous les élèves se sont installés selon la règle immuable à ce type de déplacement à savoir, les plus agités au fond, le plus loin possible des profs, et les plus sages, ou les moins rapides, près de l'entrée. Pour ma part, je suis à peu près au milieu à côté de Léa encadré par des élèves de ma classe de seconde B et de l'autre côté de l'allée, Thibaud et Marine parmi le groupe des secondes E. Si on regarde attentivement, on s'aperçoit que les élèves se sont regroupés par niveau, seconde ou première et ensuite par classe.

'On ne peut pas dire qu'il y ait beaucoup de mélange !'

Mais cela se comprend très bien ; chacun préfère avoir à ses côtés des personnes qu'il connait, des amis, c'est rassurant et puis le voyage va être long donc autant passer le temps avec des élèves avec lesquels on s'entend bien.

Nous avons deux chauffeurs et celui qui ne conduisait pas s'est présenté et nous a expliqué le déroulement du voyage et a insisté pour que nous évitions d'utiliser les toilettes du car en nous indiquant que nous ferions des pauses régulièrement.

Les profs nous ont demandé de garder les même places pour tout le voyage aller et puis après avoir effectué un ultime comptage, ils nous ont laissé tranquille.

J'avais sorti un livre, Le grand secret de Barjavel, pris dans la bibliothèque de Stéphane quand je suis passé faire ma valise hier. J'ai vraiment bien aimé La nuit des temps que Gabriella m'avait donné et j'ai envie de découvrir d'autres romans du même auteur.

En fait, je ne l'ai pas ouvert. J'ai discuté avec Léa, un peu de mes histoires, de mon voyage à Martigues, du foyer, mais en faisant attention à ne pas parler trop fort. De toute façon, un des élèves de première avait demandé au chauffeur si on pouvait mettre de la musique et le bruit de nos conversations était largement couvert par la play-liste discutable qui était diffusée.

On a mis un peu de temps à sortir de Nantes mais maintenant sur l'autoroute, il n'y a pas grand monde et les kilomètres défilent. Nous avons déjà dépassé Angers mais il reste encore de la route à faire !

De temps en temps, je regarde Thibaud. Je suis contre la vitre et lui sur le siège le plus proche de l'autre côté de l'allée et il discute lui aussi avec sa voisine. Marine est quelqu'un de très affable, toujours de bonne humeur et qui n'a pas la langue dans sa poche.

'On a deux voisines sympas et plutôt loquaces. Ca tombe bien puisque Thibaud et moi ne sont pas les plus grands bavards de l'univers !'

Deux élèves sont passées dans l'allée et je les ai vues discuter avec un prof. Celui-ci s'est penché vers le chauffeur qui a fait une annonce au micro.

-"Nous allons bientôt nous arrêter pour manger donc merci de patienter un petit peu et vous pourrez aller aux toilettes dans une vingtaine de minutes."

Un murmure de satisfaction s'est élevé qu'on peut mettre sur la prise en compte de fonctions essentielles et complémentaires de l'organisme à savoir se nourrir et éliminer ou autrement dit avoir un estomac vide ou une vessie pleine !

...

Nous nous sommes installés tous les quatre à une table du self d'une aire située juste avant Le Mans. Je me suis fait la remarque que les filles avaient des appétits d'oiseau en détaillant leur plateau repas quand Thibaud et moi avions opté pour un repas complet et, j'en conviens, beaucoup moins équilibré. On a discuté du programme du voyage et puis aussi des inquiétudes que Marine avait sur son niveau en allemand. Ce qui l'angoissait, c'était le fait de dormir pour une partie du séjour dans une famille allemande. Elle se retrouve avec Rachel, une fille de 1ère qu'elle ne connait pas.

-"T'inquiète pas, ça va bien se passer et puis moi aussi je suis avec Alice, une fille de la classe, que je connais à peine !" dédramatise Léa.

-"Moi, je suis avec Joris de seconde C..." reprend Thibaud.

-"Oh, il est mignon, lui ! Tu veux pas échanger avec moi ?" propose Léa en plaisantant.

-"Ah heu... "

-"Dis-donc, je croyais que tu avais un copain ?" glissé-je.

-"Oui j'ai un copain mais il n'empêche, je le trouve bien à mon goût !"

On a éclaté de rire et j'ai eu l'impression que les filles échangeaient un regard plein de connivence.

-"Et moi, je suis tout seul alors, tu n'es pas la plus mal lotie !" reprends-je.

-"Oui mais toi, tu te ballades en allemand donc tu vas gérer !

-"On verra..."

Elles nous ont quitté pour aller aux toilettes, tandis que Thibaud et moi allions faire un tour dans la boutique pour nous acheter de quoi tenir jusqu'à demain matin.

-"On va faire un tour dehors ?" suggère-je.

-"Heu oui pourquoi pas ?

-"Un peu plus loin, dans un endroit discret à l'abri de tous les regards ?

-"Tu crois ?

-"Oui, j'ai vraiment envie de t'embrasser !

-"Moi aussi, je ne pense qu'à ça !

-"Petit coquin ! Viens, sous les arbres là-bas, il n'y aura personne !"

Nous nous sommes enfuis joyeusement vers un bosquet sombre ; il fait nuit et toute le groupe est encore à l'intérieur en train de terminer son repas ou à l'entrée à fumer une cigarette.

-"Là, personne ne nous verra !"

Je l'ai senti pas très rassuré mais dès que je l'ai enlacé, je crois qu'il a oublié toutes ses appréhensions. J'ai caressé son visage et puis j'ai posé mes lèvres sur les siennes et le temps s'est arrêté.

Dès que je le touche, dès que je l'embrasse, je deviens quelqu'un d'autre, j'ai chaud partout, je me sens fiévreux, j'ai le sentiment de ne plus m'appartenir et en même temps j'ai le sentiment d'une fusion entre nos deux corps. Je sens sa chaleur tout contre moi, sa fougue car il ne reste pas passif et son désir...

Ah ce désir ! Le mien m'est apparu la première fois dans sa chambre après notre premier baiser mais maintenant j'en ai une conscience aigüe immédiate. Cela me trouble mais d'une manière positive, c'est quelque chose de nouveau, de fort, oh oui de très fort, et j'ai envie de découvrir là où cela va me mener et avant tout parce que c'est avec Thibaud, parce que c'est Thibaud.

Je vois ses yeux qui brillent dans la pénombre et je sens tout contre moi son excitation ce qui me fait monter le caramel aux joues.

-"Pourquoi, tu rougis ?" demande Thibaud en reprenant son souffle.

-"Parce que je viens de sentir que tu es aussi excité que moi...

-"Oh !

-"C'est pas vrai ?

-"Si ! Et c'est ça qui est dingue. Avec toi, je me sens l'âme d'un garçon romantique et en même temps, je deviens une bête lubrique..."

-"Une bête lubrique, vraiment ? Hum, j'ai envie de voir ça !" réponds-je en plaisantant avec une forme de défi dans la voix.

-"Je suis sérieux !

-"Je sais ! Moi aussi !"

Je me frotte sensuellement à lui et je crois que nous serions encore en train de nous caresser et de nous embrasser si subitement mon téléphone n'avait pas sonné.

Cela nous a tétanisés et nos corps se sont brusquement séparés.

-"Allo Léa...

-"Mais qu'est-ce que vous faites les gars ? Tout le monde est dans le car, les profs commencent à faire l'appel !

-"Hein ? On arrive, on arrive tout de suite !"

...

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