CHAPITRE CLXXIII

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Je suis arrivé à l'hôpital peu avant 17 heures. Stéphane n'était pas sa chambre mais l'infirmière que j'ai croisée m'a dit qu'il était avec le kiné donc je l'ai attendu tranquillement en jouant sur mon téléphone. Il est arrivé un quart d'heure plus tard dans un fauteuil roulant poussé par un infirmier.

-"Oh bonjour Didi, tu m'attends depuis longtemps ?

-"Bonjour Stéph ! Non, quelques minutes..."

L'infirmier a aidé Stéphane à se mettre au lit et heureusement qu'il était là car j'ai bien vu que seul il n'y serait pas arrivé. J'ai vu aussi à quel point il était maigre, lui qui avait toujours eu une petite brioche, et ça m'a fait mal.

-"Comme tu peux le constater, je manque un peu de physique... merci Sylvain.

-"Bonne fin de journée, monsieur Brisset, et à demain matin, je passerai à 10 heures."

L'infirmier a quitté la chambre et je me suis approché de Stéphane pour l'embrasser. Il m'a pris dans ses bras et j'y suis resté pendant plusieurs minutes tandis que des larmes coulaient le long de mes joues...

-"Oh Didi, ça va ?

-"Oui, je suis tellement heureux de voir que tu vas bien !

-"Oui, oui, c'est juste une question de temps pour que je récupère un peu d'autonomie mais pour le reste, tout va bien. Sébastien m'a raconté tout ce par quoi vous êtes passés ! Et toi, mon pauvre Didi, tu es encore dans ce foyer mais pas pour longtemps, dès demain tu rentres à la maison !

-"Mais il faut attendre que le juge...

-"Non, j'ai signé une délégation à Sébastien et à Sophie ce matin. On va l'accompagner d'une lettre de l'avocat et Sébastien va venir te chercher demain matin. Ca a assez duré, ces imbécilités !"

J'ai souri de bonheur et de joie aussi en constatant que si Stéphane a raté plus de deux mois il n'a pas tardé à se mettre à jour et qu'il n'a pas envie de perdre de temps !

-"Ca va, ça n'a pas été trop dur ?

-"Ce n'était pas facile, on avait l'impression que les catastrophes se succédaient et à la fin ça devenait un peu angoissant...

-"Mais pourtant, j'ai l'impression que tu n'as pas baissé les bras, bien au contraire ! Tu as même retrouvé Gabriella ?

-"Ah oui... je sais que j'aurai dû en parler mais... enfin oui, je suis allé à Martigues...

-"Dis donc, je trouvais que tu avais grandi mais je crois que ça ne se mesure pas seulement en centimètres... je suis fier de toi, Didi !

-"Merci, il fallait faire quelque chose et puis je sentais que c'était aussi à moi de le faire et pas seulement attendre que la décision du juge tombe !

-"Bravo ! Alors, comment tu as trouvé Gabriella ?

-"Oh géniale ! Je lui ai promis que je retournerai la voir !

-"On ira tous cet été, dès que je pourrai bouger un peu ! On ne se rend pas compte à quoi servent les muscles jusqu'au jour où ils ont tellement fondu qu'on n'a plus aucune force..."

Il m'a dit que mardi il partait pour Quiberon dans un centre de convalescence.

-"Combien de temps tu seras là-bas ?

-"On va voir, tout le monde me dit d'être patient alors j'essaye de ne pas penser trop à ça.

-"De toute façon, on ira te voir tous les week-ends ! Et puis Edouard et Marie pourront venir te voir...

-"Oui, je suis sûr que ça ira très bien.

-"Est-ce que je peux prévenir tes élèves que tu reviendras en cours avant la fin de l'année ?

-"Tu connais mes élèves ?"

Je lui ai raconté la visite de Ludwig et Floriane au CHU et comment je les avais trouvé très sympas, qu'ils m'avaient dit que c'était un super prof et que ça m'avait beaucoup touché. Ca l'a ému lui aussi et quand je lui ai dit que j'avais négocié deux points de plus sur leur moyenne il a éclaté de rire.

-"Ah peut-être pas deux points de moyenne mais s'ils en ont besoin, ma reconnaissance saura s'exprimer !"

Un petit silence s'est fait et je me suis dit que c'était peut-être le moment de parler de moi et de Thibaud. Cela fait un moment que cela me tourne dans la tête mais j'ai du mal à me lancer.

-"J'ai l'impression que tu as quelque chose à me dire ?" me dit-il en souriant.

-"Heu oui... comment tu le sais ?

-"C'est que lorsque je te vois grimacer comme ça je sais que mon grand garçon a quelque chose qui le tracasse..."

J'ai soupiré et j'ai souri.

'Il me connaît par cœur, pas la peine d'essayer d'y échapper...'

-"Oui...en fait je te l'ai déjà dit au téléphone quand j'étais à Sarrebruck... j'avais demandé à Séb de mettre le haut-parleur...

-"Oui mais tu sais à l'époque, j'étais un peu dur d'oreille !"

On a rigolé et puis il m'a regardé avec un petit sourire.

-"Sébastien te l'a dit ?

-"Ah non, promis !

-"D'accord... je te préviens, c'est sérieux...

-"Je t'écoute..."

J'ai soufflé une dernière fois et puis je me suis lancé.

-"Alors voilà, j'ai compris pourquoi j'ai cassé avec Bérangère à la Toussaint... en fait, je me suis rendu compte que je n'étais pas attiré par les filles..."

J'ai senti les larmes monter dans mes yeux tellement l'émotion était forte mais j'ai vu toute la bienveillance de son regard et cela m'a donné le courage de poursuivre.

-"C'était vraiment compliqué parce que je ne m'étais jamais posé de question, j'ai toujours cru que j'étais hétérosexuel... et je ne comprenais pas pourquoi je ne réagissais pas quand j'étais avec Bérangère...

-"Oh Didi... et ça va tu l'as accepté maintenant ?

-"Oui ! Ce n'est pas l'accepter qui a été dur mais surtout comprendre que je n'étais pas hétéro... et puis je crois que je ne voulais pas vous décevoir...

-"Ah oui, je comprends moi aussi je suis passé par là... mais comment pourrait-on être déçu ? Nous, on sait bien que ce n'est pas quelque chose qui se choisit...

-"Merci..."

Je me suis approché de lui et je l'ai enlacé.

-"Et puis aussi, j'ai un petit copain depuis quinze jours, c'est Thibaud...

-"Ah oui, bien sûr..." répond-il en riant.

-"Toi aussi, tu le savais ?

-"Non, mais depuis que tu m'avais dit combien tu étais malheureux quand vous étiez fâchés, je me doutais que tu avais des sentiments profonds pour lui, même si à l'époque tu n'avais pas tout à fait compris de quelle nature ils étaient...

-"Oui, c'est vrai..."

Je suis resté longtemps à discuter avec lui. Je lui ai raconté notre idylle naissante d'abord chez Thibaud quand je suis revenu de Martigues et puis pendant le voyage en Allemagne. J'ai senti qu'il était touché, ému et fier de moi et cela m'a fait beaucoup de bien.

On est resté à discuter des choses de la vie, il m'a raconté un peu comment lui avait vécu cette prise de conscience qui bouleverse la vie des ados gays et je me suis dit que j'avais beaucoup de chance en comprenant que vingt ans plus tôt, c'était une époque nettement moins favorable.

Puis il a fallu que je parte en catastrophe pour être de retour pour 19 heures au foyer. Je l'ai embrassé une dernière fois et je suis parti le sourire aux lèvres, léger et heureux comme je ne l'avais pas été depuis très très longtemps...

...

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