CHAPITRE CLXXXIII

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Vendredi matin, tout s'est bien passé. Thibaud était soulagé à midi quand il m'en a parlé à la cantine mais, malheureusement, ça n'a pas duré.

Pendant que Madame Grivaud était en train de corriger la dissertation qu'elle venait de rendre, un second mot est arrivé sur la table de Thibaud. Il a pâli tandis que Marine se retournait pour essayer de déterminer qui en était à l'origine, malheureusement en vain.

Tu aimes bien ça sucer des bites ?

Son visage s'est crispé et il a senti son rythme cardiaque s'accélérer. Marine a lu le mot à son tour et elle a réagi aussitôt.

-"Il n'y a plus d'équivoque cette fois-ci, il faut faire quelque chose !

-"Oui... mais..."

Le regard de la prof de français posé sur eux les a empêchés d'en parler plus et Thibaud a essayé tant bien que mal de garder une certaine contenance alors que la panique l'envahissait.

'Mais qu'est-ce que je vais faire ?'

Les minutes ne lui ont jamais paru aussi longues avant la pause de 15 heures et le visage fermé, plongé dans son monde intérieur, il a complètement décroché du cours.

C'est Marine qui lui a donné le second mot qu'elle venait de recevoir de sa voisine de derrière.

-"Encore un billet..."

Voyant qu'il ne réagissait pas, elle a déplié le papier.

Ca fait pas trop mal au cul ?

Thibaud a lutté contre la montée des larmes et incapable de parler est resté le regard hagard pris d'une nouvelle crise de panique.

'Ca y est, ça recommence et ce n'est que le début...'

La sonnerie de la fin de la première heure a retenti et la classe s'est soudain animée.

-"Bien, cinq minutes de pause mais pas plus !" soupire Madame Grivaud.

Alors que tout le monde se levait bruyamment, content de ce répit, Marine dévisageait ses camarades pour détecter un échange de sourire ou une lueur suspecte dans des yeux mais encore une fois en vain.

-"J'ai rien vu de particulier.

-"D'accord, sors avec les autres peut-être que tu pourras avoir une piste, je vais aller parler à la prof.

-"OK... qu'est-ce que tu vas lui dire ?

-"Je sais pas mais il faut que je fasse quelque chose !"

Quand la salle a été entièrement vide, Thibaud a rassemblé son courage et s'est levé. Il s'est dirigé vers la porte, l'a fermée et s'est retourné vers sa prof, occupée à remplir le cahier de texte sur le poste informatique du bureau.

-"Madame Grivaud ? Je peux vous parler, s'il vous plaît ?"

-"Heu oui... bien sûr, Thibaud ! Je t'écoute."

Madame Grivaud est une grande femme un peu austère d'une cinquantaine d'année, appréciée pour sa compétence mais peu encline aux rapports amicaux avec ses élèves aussi est-elle surprise de la démarche de cet élève discret et sans histoire. Levant la tête de l'écran de l'ordi, elle découvre le visage très pâle et la grande nervosité de son élève.

-"Il y a un problème, Thibaud ?

-"Heu oui... heu, j'ai reçu deux mots pendant le cours et ..."

Les larmes que Thibaud s'était efforcé de contenir jaillirent et incapable de finir sa phrase, il tend les papiers à l'enseignante.

-"Oh mais qu'est-ce que c'est que ça ? Thibaud, explique-moi !"

...

-"Allez, installez-vous vite, s'il vous plaît..."

Marine explique à Thibaud qu'elle n'a pas obtenu d'information pendant la pause. Debout près du bureau madame Grivaud fait signe aux retardataires de s'asseoir rapidement puis elle ferme la porte et s'adresse à la classe.

-"Avant de reprendre le cours, je vais donner la parole à un de vos camarades qui vient de me signaler quelque chose de très grave. Thibaud, tu veux venir s'il te plaît ?"

Le silence se fait dans la salle et tous les regards se tournent vers Thibaud. Sans mot dire, celui-ci se lève et prend place devant le tableau tandis que la professeure passe dans les rangs et récupère les copies qu'elle venait de rendre.

Quelques murmures commencent à se faire entendre et à nouveau l'enseignante intervient.

-"Silence ! Vas-y Thibaud, tu as la parole.

-"Merci..."

Il s'interrompt aussitôt, pas du tout à l'aise. Il se tient droit mais il est très pâle et on voit qu'il lutte pour ne pas s'effondrer au point que Marine a peur qu'il ne parvienne pas à parler.

-"On t'écoute Thibaud, vas-y !"l'encourage-t-elle.

Thibaud ferme les yeux, prend une grande inspiration et se lance.

-"J'ai reçu un mot anonyme mercredi matin. Un peu bizarre... au premier degré on peut penser que c'est de la curiosité mal placée, au second peut-être une tentative d'approche comme me l'a dit un de mes amis. Ce mot disait..." Thibaud sort de la poche de son pantalon un petit carré de papier, le montre à la classe et le lit. "Alors comme ça tu es gay !!!".

Des rires s'élèvent des rangs, des plaisanteries fusent et Thibaud laisse retomber l'agitation provoquée par son annonce avant de reprendre.

-"Je viens de recevoir deux autres mots pendant la dernière heure. Deux mots anonymes qui m'affectent profondément. Je ne vais pas les lire parce qu'ils sont insultants..."

Il s'interrompt à nouveau et regarde Marine qui l'encourage des yeux.

-"Il y a trois ans, j'ai été victime de harcèlement dans mon collège au point que j'ai fait une tentative de suicide... je me suis retrouvé à l'hôpital, je ne suis pas retourné en cours et j'ai dû changer d'école..."

Cette fois les élèves se taisent et un silence grave règne soudain dans la classe. Tous sont redevenus attentifs et sérieux même madame Grivaud semble être figée dans une attitude un peu bizarre, la bouche grande ouverte et les yeux écarquillés.

-"J'ai mis beaucoup de temps, trois ans, à remonter la pente et à petit à petit réapprendre à vivre alors je ne veux pas que ça recommence. Je ne serai pas la victime de petits cons homophobes !"

Tout le monde a entendu sa colère et il a terminé presque en criant.

-"Je dis petits cons parce qu'il y a vraisemblablement plusieurs parmi vous à l'origine de ces insultes. Si lundi midi je n'ai pas reçu d'excuses publiques de ceux qui ont écrit ces mots, j'irai voir les CPE pour leur demander d'intervenir et je demanderai à mes parents de porter plainte pour harcèlement homophobe."

Debout, bien droit, le visage rougi par la colère, déterminé, Thibaud regarde la classe dans les yeux et personne ne bronche. Tous ses camarades semblent sous le choc de ce qu'ils viennent d'entendre. Ce n'est plus un jeu et ils semblent l'avoir compris.

Soudain quelques applaudissements retentissent et plusieurs élèves prennent la parole spontanément.

-"Tu as raison Thibaud, ne te laisse pas faire !

-"On est avec toi !

-"Merci beaucoup Thibaud. C'était très bien." déclare madame Grivaud et en se retournant vers la classe, elle ajoute "Donc lundi matin, en début de cours, nous attendons les excuses publiques de ceux qui ont envoyé à Thibaud ces mots insultants et, petit message aux auteurs, vous avez intérêt à être convaincants !"

Elle regagne le bureau tandis que Thibaud retourne à sa place.

-"Et sachez enfin, qu'entre ceci et les mots reçus par Thibaud, nous avons tous ce qu'il nous faut pour déterminer ceux à l'origine de ces actes abjects !"dit-elle en brandissant le paquet de copie qu'elle vient de récupérer

...

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