Chapitre 3 - 14 semaines avant la chute 

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Le couloir du lycée sent le café tiède et la poussière de craie. Les néons clignotent par endroits, comme s’ils hésitaient à rester allumés. Les voix des élèves résonnent, trop fortes, trop joyeuses. Moi, je marche entre eux comme une ombre.

Invisible.

Et ça me va très bien.

Je pousse la porte de la salle 204. Cours d’histoire. Mlle Perrier est déjà là, debout derrière son bureau, ses lunettes posées au bout de son nez. Elle distribue des copies avec un sourire poli.

— Interro sur la Révolution française, dit-elle. Beaucoup d’entre vous se sont bien débrouillés. Quelques-uns… un peu moins.

Elle s’approche de ma rangée. Mon nom. Ma copie.

Un 7 en rouge, entouré d’un cercle presque moqueur.

Elle me regarde. Pas longtemps. Mais je vois dans ses yeux un petit doute. Une inquiétude discrète. Elle ne dit rien tout de suite. Continue sa distribution.

Je croise les bras sur la table. J’ai révisé pourtant. Enfin… j’ai essayé.

Mais je n’arrive plus à me concentrer. Les dates s’effacent. Les idées s’éparpillent. J’ai l’impression que mon cerveau est un tableau blanc trempé sous la pluie.

Et puis je doute. De tout.

De moi.

De ce que je vaux.

De ce que je suis censée être.

Dans la marge de ma copie, j’ai gribouillé ça :

Je me croyais lumière, mais je ne brille plus.

Je me croyais vivante, mais je flotte sans but.

Je doute de mes mots, je doute de ma voix,

Peut-être que je suis juste bonne à faire semblant.

Puis, à la fin du cours, alors que les autres élèves s’échappent comme des oiseaux hors de leur cage, elle m’appelle doucement :

— Camélia, tu peux rester une minute, s’il te plaît ?

Je me fige. Je déteste ça. Les “tu peux rester une minute”.

Je m’approche de son bureau, sac sur l’épaule, carnet fermé contre moi comme un bouclier.

— Tu as toujours eu de bonnes notes en histoire. Très bonnes, même. Ce 7… ce n’est pas toi.

Je hausse les épaules.

— J’étais fatiguée, c’est tout.

— Est-ce que… tu veux en parler ? Tu sais, parfois, on peut juste dire “je vais pas bien”, sans devoir tout expliquer.

Je souris. Faussement.

— Non, vraiment, tout va bien. J’ai juste mal dormi ces temps-ci. Rien de grave.

Elle me regarde encore un instant. Elle sait. Ou elle devine. Mais elle n’insiste pas.

— D’accord. Mais si jamais tu as besoin… tu sais où me trouver.

Je hoche la tête. Je mens.

Elle retourne à ses papiers. Je sors.

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