Chapitre 7 - VP Benjamin

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Version personnelle de Benjamin Fortet

Note: je cherche comment imbriquer les chapitres entre eux, dans mon texte la version de Benjamin est entièrement à la fin mais j'aimerais mélanger les 2)

Lorsque j’ai vu Laetitia Demange pour la première fois, elle avait douze ans. Elle menait en bateau la totalité des gamins présents à la soirée de gala organisée en faveur d’une association de lutte contre l’illettrisme que présidait sa mère. Tout le monde savait que la petite était déjà prometteuse, sa légende s’étant définitivement forgée à neuf ans, parce qu’elle avait pris la parole pendant une réunion d’information sur la construction d’un centre commercial à Nancy. Elle accompagnait son père et elle était cachée tout au fond de la salle. Un commerçant avait affirmé que ce centre était la mort du petit commerce de centre-ville et prenant tout le monde de court, elle lui avait demandé si sa théorie se basait sur une angoisse personnelle due à la mauvaise santé actuelle de son commerce ou s’il s’agissait de la conclusion d’une étude de marché locale s’appuyant sur des statistiques nationales. L’histoire m’était parvenue par ma femme qui travaillait pour l’équipe de Bruno Demange, le père de Laetitia.

Nous nous sommes parlé, ce soir-là. Ma fille avait été attirée comme un aimant par elle et elle ne la lâchait pas, et Laetitia avait accepté de jouer la baby-sitter, tout en gérant le groupe qui gravitait autour d’elle. Elle venait régulièrement nous voir et j’étais fasciné par sa gentillesse, tout en dirigeant tout le monde. Je crois m’être fait la réflexion que si un jour je parvenais à créer ma boîte, je voudrais la gérer exactement comme cela.

Personne ne m’a jamais parlé de ma présence à ce gala car à l’époque, j’étais transparent. Moi, je n’en ai jamais parlé non plus parce que c’est ce soir-là que ma femme a rencontré son deuxième mari et qu’elle l’a rejoint aux Etats-Unis 6 mois plus tard en emportant ma fille avec elle.

Quand, quelques années après, j’ai réalisé que le projet d’une lycéenne qui m’avait tellement plu venait de Mademoiselle Demange, je n’ai pas vraiment été surpris. J’ai aimé parler avec elle et ça m’a fait prendre conscience du chemin parcouru depuis cette soirée que j’ai tellement maudit. J’ai accepté son projet et personne ne s’en ai vraiment rendu compte mais ça a été un tel coup marketing que c’est à ce moment-là que j’ai arrêté d’être transparent. Tout le monde ne parlait que de moi dans le milieu. Grâce à elle. J’ai suivi tout son parcours. Je l’attendais, je savais bien ce qu’il se passait avec son père et je savais qu’un jour, elle travaillerait pour moi. Il faut dire aussi que suivre le parcours de cette jeune personne n’avait rien d’ennuyant. A 25 ans, elle avait déjà vécu sur 4 continents, parlait 4 langues et dirigeait une équipe de 15 personnes. Alors qu’elle aurait pu devenir responsable du développement du plus gros centre commercial d’Inde, elle avait décliné et démissionné pour s’engager dans une petite association locale avec à peine de quoi vivre et encore moins revenir en France. Ça lui ressemblait complètement.

J’ai su immédiatement que c’était elle quand Mathieu m’a donné son CV pour le poste de directrice du développement écologique de Comexp. J’ai un peu engueulé mon ami vu que je le connaissais depuis qu’il a 8 ans parce que son père m’a beaucoup aidé à créer ma boîte :

- Laetitia Delacre, tu te moques de moi ? Mademoiselle Demange m’a déjà fait le coup une fois, sauf qu’elle s’appelait Laetitia Devrou… Pas trop d’imagination, la gamine !

Là, j’ai ajouté un truc invraisemblable :

- La prochaine fois qu’elle me raconte des histoires, je devrais peut-être lui mettre une fessée !

- En fait, ce n’est plus vraiment une gamine. C’est elle qui voulait être incognito pour éviter d’être jugée in-jus-te-ment ! Il faut croire qu’elle avait raison…

- Mais arrête, je connais son cv par cœur, je la prends.

- Quoi ?

- Je la veux, je la prends, comment faut-il le dire ?

- Avec des termes qui n’ont pas de connotations sexuelles, peut-être ?

- Mathieu, je ne pensais pas à ça, ok ? Personnellement pour moi, cette fille est une enfant. Par contre professionnellement, elle est faite pour travailler pour Comexp.

- Tu veux la rencontrer quand ?

- Pas besoin de la rencontrer.

- Si, histoire de ne pas paraître trop bizarre, surtout que certaines personnes de la boîte ont postulé. Jessica notamment.

- C’est vrai. On va garder ce nom, Delacre, c’est mieux pour elle et pour nous. Même par rapport à son père, il va croire que j’en ai fait une affaire personnelle.

- Ce n’est pas le cas ?

- Pas du tout. Si ce gars-là n’est pas capable de voir que sa fille est un génie, ce n’est pas mon problème.

- Et si elle reprenait contact avec son père, on serait dans une situation embarrassante non ?

- Je te l’ai dit, une fessée ! Et nous avons rigolé comme deux idiots.

Elle a passé son entretien deux jours après, je ne pouvais pas attendre plus longtemps. Je voulais voir ce qu’elle était devenue. Elle avait beaucoup changé. Comme si elle avait perdu quelque chose. La tristesse dans ses yeux me touchait. La gamine arrogante avait disparue et elle me manquait presque. Par contre, c’était devenu une femme et notre différence d’âge semblait atténuée. On ne pouvait plus du tout dire que c’était une gamine. Elle était juste belle. J’aimais son style : jupe trois-quarts, classique, chic, professionnelle, pas de bijou, peu de maquillage. Je déteste les filles qui sont en mini-jupe d’un bout de l’année à l’autre, ça me donne l’impression qu’elles n’ont que ça pour réussir. En même temps, je rêvais de la voir en mini-jupe. Dès la première fois où je l’ai revu, j’ai eu envie d’elle. J’ai gardé mon sang-froid et j’ai réfléchi à ce qu’elle valait pour ma boîte.

J’ai aimé chaque seconde de notre entretien.

- Votre nom, « Delacre », vous avez un lien avec les gâteaux ?

Elle m’a regardé comme si je venais de Pluton. C’était trop bon de la titiller.

- Vous vous appelez « Delacre » et vous ne connaissez pas les biscuits ? Personne ne vous a embêté avec ça au collège ?

- Je n’étais pas le genre qui se fait embêter au collège Monsieur, j’étais plutôt celle qui…

Elle s’est arrêtée une seconde et j’ai répondu à sa place :

- Celle qui aide les autres ?

-Oui, Monsieur Fortet.

- Je vois. Je vous embauche, Mademoiselle Biscuit !

Et là, son regard a été un grand moment dans ma vie : la voir essayer de contenir une telle joie et en même temps une telle colère, était carrément jouissif ! Elle provoquait en moi des sentiments complétement démesurés.

- Je vous remercie Monsieur, mais si vous m’appelez encore une fois comme cela, vous ne saurez jamais quel jour attendre ma vengeance.

- Vous me menacez le jour de votre embauche ?

- Vous m’insultez !

- Je ne crois pas que le terme « biscuit » soit reconnu comme une insulte.

Pendant que je soutenais son regard noir assez terrible, j’ai imaginé la prendre là, sur mon bureau, sans trop de préliminaires. J’imaginais ses cris de plaisir. Si elle avait pu lire dans mes pensées, elle se serait vue penchée en avant, les fesses bien tendues en arrière et les jambes écartées, en train d’onduler du bassin devant moi. Pour ma défense, cela ne m’était jamais arrivé, d’avoir des pensées aussi irrespectueuses envers une femme.

Je lui ai dit :

- Au revoir, Mademoiselle Biscuit !

Elle n’a rien répondu et elle est partie furieuse, pour mon plus grand bonheur.

J’ai embauché Laetitia et il est possible que ce soit la meilleure chose que j’ai fait.

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