Chapitre 21 - VP Laetitia

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Le samedi matin arrive et je suis malade. Je n’arrive pas à l’appeler pour lui dire car je sais qu’il ne me croira pas et je sais aussi que je ne suis pas malade en vrai. Je suis plutôt stressée à un tel point que je rêve de vomir pour ne plus avoir mal au ventre. Je n’arrive pas à manger le midi et je commence à boire vers 15h. J’essaie la totalité des robes de soirées que j’ai acheté ces derniers mois en trouvant que je n’ai rien à me mettre. Quand Il arrive me chercher je suis en sous-vêtements, épuisée et un peu ivre. Il ne dit pas un mot mais Il a l’air furieux. Je tente de parler :

- Je suis stressée, j’ai un peu bu et je n’arrive pas à prendre une décision. Je crois que je ne vais pas y aller.

Il choisit une robe et me l’enfile en me mettant plusieurs claques sur les fesses.

- C’est bien, ça ne froisse pas, si je dois vous rappeler à l’ordre, il n’y aura aucun problème.

Nous partons dans la voiture avec chauffeur qu’il a loué. C’est exceptionnel car en dehors de son vélo, il déteste devoir organiser ses déplacements avec quelqu’un.

Quand nous arrivons, la musique est déjà forte et beaucoup de jeunes dansent déjà de façon effrénée. C’est le propre d’un gala organisé par une gamine de dix-sept ans, et cette tradition a perduré car c’est ce qui a fait le succès de la soirée : on danse presque tout le temps. Les autres galas s’organisent de façon assez conventionnelle : cocktail – repas – discours – danse. Au « Gala Shop and read » tout le monde sait que dans l’une des deux salles séparées, on peut danser pendant le cocktail, pendant le repas, pendant le discours aussi si on veut et après jusque tard dans la nuit. C’est un peu une boum qui se prolonge.

Notre arrivée est plutôt remarquée. Pas pour moi bien sûr. Nous ne nous touchons pas pour ne pas avoir l’air d’amoureux mais il me prend par le bras quand des photographes s’approchent. Tout le monde nous regarde et je meurs de honte, je ne me sens pas capable de m’assumer dans une telle circonstance. Il me regarde dans les yeux, ce qui n’est presque jamais arrivé à part avec son regard brûlant de colère. Il me sourit et je me sens mieux instantanément.

- Vous êtes une très jolie jeune femme. « Jolie » ? Je ne suis pas sûre que ce soit vraiment un compliment. C’est le genre de phrase qu’on dit pour ne pas être hypocrite non ? C’est vous qui êtes à l’origine de tout ça ! Là d’accord.

- Je ne sais pas quoi faire de moi-même.

- C’est parce que vous manquez de confiance en vous.

C’est vrai, d’une certaine façon je manque de confiance en moi. C’est parce que la plupart du temps je pense à tout ce que j’ai vu là-bas en Inde et que j’ai honte de vivre ici, dans ce luxe, ce soir encore plus que jamais, je culpabilise et je me dis que je ne mérite pas ça. Alors c’est vrai, je manque de confiance en moi et aucun psy n’a jamais réussi à comprendre cela. J’aperçois ma mère, que j’ai pris la peine de prévenir de ma présence pour éviter une scène devant tout le monde. Elle ne sait pas si elle peut s’approcher et Monsieur la voit, il m’entraîne vers elle. Elle lui adresse la parole directement :

- Monsieur Fortet, merci de me l’avoir ramenée.

- Je crois que c’est vous qui me l’avez ramenée il y a quelques temps non ? Ma mère ne comprend pas trop ce que cela signifie.

- Merci aussi pour tout ce que vous faites pour elle. Là c’est le comble, si elle savait… Je ne pensais pas revoir ma fille dans une soirée comme celle-ci, jamais.

- On peut vivre sans ça, tu sais, maman !

- Pas quand on a été élevée pour y vivre ! Tiens, j’ai vu plusieurs anciens amis à toi, tu devrais aller les saluer. Regarde là-bas il y a Jena et Loïc Maxins.

Ça alors, Loïc, le gars que j’ai le plus aimé pendant mon adolescence et qui n’a jamais été autre chose qu’un ami, parce qu’il ne voulait pas de moi. Je ne regarde même pas mon boss et je vais le voir avec sa sœur. Ils ont l’air content de me voir, et même fiers que je sois vers eux.

- Madame la fondatrice nous fait l’honneur de sa présence ?!

- Quoi, les gens se souviennent de ça ?

- Tu plaisantes ? Tu es quand même la fille Demange non ? Et ton idée est toujours aussi géniale, comment les gens auraient pu oublier que ça vient d’une gamine ? Le gala n’a d’ailleurs pas changé, en souvenir de la toute jeune fille qui l’a créé.

- Et oui, à l’époque tout ce qu’on voulait, c’est danser !

- Et embrasser les garçons !

- Et coucher avec les filles !

- Que devenez-vous ?

- Mariée avec trois enfants ! Tu te rappelles de Romuald Lecomte ?

- Romu, quoi, c’est le père de tes enfants ?

- Et oui, on s’est retrouvé à la Sorbonne et on a partagé nos souvenirs de lycée…

- Moi, je suis ingénieur en textile, je crée des couleurs et je cherche des procédés écologiques pour les imprimer sur du textile. Et toi, qu’est-ce que tu fais ?

- Je suis dans les centres commerciaux.

- Ah bon ? Je croyais que tu ne voyais plus ton père ?

- Non, ça c’est vrai.

- Tu travailles pour lui ?

- Quoi, tu travailles pour Benjamin Fortet ?

- Oui…

- Remarques, ses idées sont plus en adéquation avec les tiennes. Tu as pris une coupe ?

Il me tend du champagne et après la deuxième coupe, il m’entraîne sur la piste de danse. Qu’est-ce que j’aurais aimé qu’on danse comme ça il y a quelques années. Il y a une éternité pour être plus précise. Après trois danses, nous reprenons un verre et nous parlons de tout et de rien. Il commence à me faire du gringue et à me parler de ma robe qui me va vraiment à ravir. Il me demande droit dans les yeux comment on l’enlève et je lui demande pourquoi il ne m’a pas dit ça quand on avait seize ans. On éclate de rire tous les deux et il m’entraîne à l’écart. Je suis sur un petit nuage, j’ai l’impression d’être revenue à une époque où tout était simple, quand on faisait ce qu’on voulait en se cachant des adultes. Il m’embrasse tendrement et je fonds de bonheur tellement j’ai l’impression de me venger de ma jeunesse où je n’attirais pas les garçons. C’est là qu’une voix grave et lente me ramène à la réalité.

- Laetitia, viens avec moi immédiatement.

- Il plaisante ? Reste avec moi, je suis trop heureux de t’avoir retrouvée !

Mais Il me tire par le bras et m’entraîne dans la salle. Je ne peux pas résister sans attirer les regards sur nous et Il le sait. J’essaie de le résonner, ayant dessaoulé plus vite que jamais et pleinement consciente de la situation :

- Ecoutez, je crois que je vais arrêter notre arrangement. J’ai besoin d’avoir une vie privée. Vous savez qu’on ne peut pas continuer comme ça éternellement. Je ne dis pas que celui-là c’est le bon, c’est juste un amour de jeunesse, mais il faut savoir passer à autre chose. Reconnaissez que j’ai raison.

- Un amour de jeunesse ? Effectivement, passez à autre chose !

- Je parlais de nous, en fait.

Il ne répond rien et m’entraîne dans la voiture. Je ne veux pas partir ! Et son discours ? Il demande au chauffeur de lui donner les clés et il prend le volant. Ça ne doit pas être prévu dans le contrat mais il lui donne quelque chose. Au bout de quelques minutes, il s’arrête au bord de la route, dans une allée du bois de Boulogne. Il me met dans une position anatomiquement impensable ; du siège avant où j’étais assise, il me passe le haut du corps à l’arrière de la voiture de manière à n’avoir plus que mes fesses et mes jambes devant. Je comprends assez rapidement l’expression « une fessée cuisante ». Déjà parce que je me sens honteuse dans cette position, et coincée complètement. Mais aussi car il semble avoir oublié toutes les règles de base d’une fessée, il claque fort et sans pause. Heureusement pour mes fesses, nous sommes attendus un peu moins d’une demi-heure après. Vu comme je pleure, il est obligé de s’arrêter assez rapidement pour que je n’arrive pas les yeux rouges et dans un état lamentable. Une fois revenus sur le parking, nous restons prostrés chacun de notre côté dans la voiture. En sortant, je crois entendre le mot « dévergondée » dans sa bouche et je manque de me remettre à pleurer. Comme il n’y a pas de place nominative sur les tables, encore une grande idée à moi, et que certains sont encore sur la piste de danse, personne n’a dû remarquer notre absence. Les discours commencent et je reste en retrait le temps de me remettre de ce qui vient de m’arriver. Une femme présente le Président de l’association Shop and Read et en montant sur la scène, il semble chercher quelqu’un dans la salle.

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