Chapitre 22 - VP Laetitia

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Je me cache, si c’est moi, il peut toujours.

- Nous sommes aujourd’hui réunis pour la 17éme fois pour soutenir un projet qui, vous le savez, me tient à cœur. J’aimerais revenir sur l’origine de l’Association Shop and Read. Alors qu’on nous parle de crise d’adolescence et de démotivation de la part de nos jeunes, il y a dix-sept ans, une jeune lycéenne a su croire en elle-même. Elle a envoyé son projet à mon bureau et quand je l’ai lu, j’ai su que son idée était, comme c’était écrit « en béton armé » (les gens rigolent, ce n’est même pas drôle). Bizarrement elle m’avait caché son nom (les gens rigolent encore, n’importe quoi). Cette jeune fille a propulsé ce projet, puis elle l’a laissé vivre pour aller donner d’autres idées en béton armée. Elle est devenue adulte, a pris ses propres décisions sans jamais faire de concessions. (Je suis cachée au fond du fond de la salle, tétanisée, j’hésite à sortir mais en même temps je suis subjuguée. Bon, a priori, il n’est plus fâché après moi. Par contre s’il pouvait passer à autre chose… ou alors c’est une forme de vengeance ? C’est plutôt réussi). Ce soir cette jeune fille est parmi nous et elle se cache en se demandant si je vais finir par me taire. Laetitia, vous pouvez être fière de ce que vous avez fait, à seize ans et après et il n’y a aucune raison pour que vous vous cachiez. Je suis honoré d’avoir reçu votre projet quand vous l’avez créé et je suis également honoré de travailler avec vous depuis trois ans. J’ai beaucoup appris de vous malgré votre jeune âge, et pas seulement sur le plan professionnel. (Il fait une pause, les gens commencent à sourire, applaudir, certaines femmes sont émues, ma mère semble verser une larme. Les regards commencent à se tourner vers moi dangereusement. Horrifiée, j’entends « regarde, elle est là ! » et les gens autour de moi applaudissent plus fort ce qui attire l’attention de plus en plus de monde, un vrai cauchemar). Laetitia, j’espère que vous reprendrez confiance en vous. Je vous remercie d’avoir créé l’Association Shop and Read et je vous souhaite tout le bonheur du monde. Très bonne soirée à tous, tous vos dons permettront de faire de nos centres commerciaux des lieux d’échange culturel, de partage, depuis dix-sept ans grâce à Mademoiselle Laetitia Demange !

Il me désigne d’une main. Les gens se mettent à applaudir dans ma direction en hurlant comme si j’étais Brad Pitt ou Barack Obama et il y a au moins trois femmes que je ne connais pas qui verse une larme sous l’émotion d’une telle déclaration. Si elles savaient ce qu’il vient de me faire. Je suis obligée de tenir le mur. J’aperçois Jessica qui est à la limite de l’attaque cardiaque. Je n’arrive pas à savoir si c’est le plus beau moment de ma vie où le pire. Je n’arrive pas à savoir s’il a dit ça « pour de vrai ».

Il saute de l’estrade et vient vers moi. J’hésite à me sauver mais ce serait très gênant pour lui. En même temps, il ne m’a pas ratée niveau gêne. Ma mère me prend dans ses bras puis me projette dans les siens. Il me fait une bise plutôt soft puis il passe ses bras autour de mon dos en restant assez sobre aussi. Il m’entraine sur la piste de danse et les musiciens jouent immédiatement une danse assez calme, comme un slow mais pas trop kitsch. Tout le monde nous regarde quelques instants puis d’autres danseurs nous rejoignent. J’aperçois Loïc, l’air furibond, au milieu des gens. Il doit le voir aussi car il me dit « Votre amour de jeunesse ne devrait pas revenir de sitôt ». Je suis furieuse après lui. « Je ne vous laisserait pas me manipuler ou me briser ». Il me regarde d’un air complètement perdu.

- C’est ce que vous pensez de moi ?

- Oui. Vous venez d’en montrer un exemple pas très discret.

- Vous ne pouvez pas dire ça… Je pense chaque mot de ce que je viens de dire.

- Vous avez dit ça pour me mettre dans l’embarras, pour vous venger de ce que je venais de faire. D’ailleurs, vous l’avez prouvé en me parlant de nouveau de lui dès la fin de votre petite démonstration.

- J’ai dit ça pour vous bousculez un peu, pour que vous repreniez confiance en vous. Pour vous rendre heureuse.

- Menteur.

- J’avais pensé à ce discours bien avant que votre Don Juan ne mette sa sale bouche sur vous !

- Je veux tout arrêter. J’ai besoin de reprendre une vie normale avec un homme normal. Je vous donne ma démission. Il ne peut pas réagir car il y a beaucoup de monde qui nous regarde. Il est pris à son propre piège. Vous avez raison finalement, je dois reprendre confiance en moi, et ce ne sera pas avec vous.

- La prochaine fois que je veux vous rendre heureuse, au lieu de vous faire une déclaration, je vous mets une fessée, au moins, je suis sûr de réussir mon coup.

Il tient mon poignet fermement, se protégeant ainsi de la claque que j’allais lui mettre.

- Pourquoi vous n’iriez pas un peu vous faire foutre, vous et vos deux mains ?!

- Vos fesses vont regretter ça !

- Puisque je vous dis que c’est fini, vous ne comprenez pas ? Fi-ni ! Je ne remets plus jamais un pied dans vos bureaux tristes où tout le monde fait la gueule, à commencer par vous. Je repars vivre ma vie, très loin de vous.

- J’ai besoin de toi.

- Mais l’inverse n’est pas vrai. Vous m’êtes nuisible, vous me faites souffrir. Ramenez-moi chez moi maintenant.

- Vu comme les gens nous regardent, il faut d’abord que nous passions un peu de temps chacun de notre côté, pour faire taire d’éventuelles rumeurs. Essayez seulement de vous approcher de Loïc Martins et je vous colle une fessée devant tout le monde.

- Ça révélerait votre véritable nature. Qui vous a dit son nom d’abord ? Cinglé !

- N’en rajoutez pas trop.

A la fin de la danse, nous nous faisons une sorte de référence en souriant (jaune) et je pars rejoindre ma mère. Celle-ci me présente à ses trente amies qui « rêvent de me rencontrer ». Je bois encore deux coupes de champagne alors que j’ai toujours le ventre vide. Il vient enfin me chercher en me chuchotant galamment « ça évitera que vous vomissiez devant tout le monde à force de boire le ventre vide ». Je dis au revoir à ma mère et je rejoins la voiture quelques minutes avant lui pour ne pas partir ensemble. J’ai quand même un peu l’impression que je vais vomir.

Je m’endors en route et quand il me réveille, je crois bêtement être arrivé chez moi. Je sors un peu titubante et le temps que je comprenne que nous sommes devant chez lui, le chauffeur est parti. Mon cerveau fait le tour des possibilités qui s’offrent à moi : le métro ligne 1 doit encore être ouvert mais mon bus ne passera plus, le temps que j’y arrive. Le taxi ? Je regarde dans mon sac à main mais je n’ai rien pu mettre dedans parce qu’il est trop petit et que je ne pensais pas avoir besoin d’argent. Je réfléchis à qui est-ce que je pourrais appeler pour venir me chercher mais quelqu’un avec une voiture, je ne vois pas. Ce n’est pas vrai ! Comment je peux être coincée là, à sa merci, juste ce soir ? Je le suis sans dire un mot, je ne veux en aucun cas lui adresser la parole. Je ne réponds pas quand il me parle, je ne l’entends même pas. Je cherche toute seule une chambre et je me plonge dans le premier lit que je trouve, toute nue, pour l’emmerder mais aussi parce que je n’ai pas le choix, et je m’endors aussitôt.

Quand je me réveille, il dort à côté de moi. Il est 6h du matin, je prends mes habits et mes chaussures et je sors de là discrètement. La vieille porte de la chambre fait un bruit lugubre et il me saute dessus avant que j’aie pu sortir. Il prend des menottes dans la table de chevet et il m’attache un bras à la tête de lit. Je redis « cinglé ». J’attends qu’il se rendorme et je fais « J’arrive pas à dormir ! » façon Marie. Il me regarde d’un sale air et se tourne de l’autre côté. Je recommence. « J’ai mal au poignet ! ». Une troisième fois « Je m’ennuie ! ». Il est 6h30 et il ne peut pas dormir non plus. Il me tourne, me met sur ses genoux et met une main sur mes fesses en disant « Je sais comment t’occuper ». Il me corrige fermement mais pas trop fort et j’ai un orgasme. Il s’endort tranquillement. J’ai apparemment un peu de temps pour réfléchir à tout ce qui s’est passé le soir d’avant et les conclusions ne sont guère brillantes. Je réfléchis à écrire un article sur Comexp pour me venger et je fais le texte dans ma tête, ça m’occupe.

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