Chapitre 43 - VP Laetitia

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Pour ne pas lui montrer que je vais presque pleurer moi aussi, je lui dis un truc débile :

- Dis-donc, tu aurais pu le dire avant, que tu savais faire les discours !

- Il y a beaucoup de choses que j’aurais pu te dire avant.

- C’est vrai !

- Il me semble que le dernier discours que tu m’as entendu prononcer n’était pas mal non plus…

- Ça, c’est faux par contre… Je ne l’ai pas bien entendu remarque, j’essayais de descendre sous terre et je n’y arrivais pas !

Vers 2h, je le regarde en train de parler avec Mathieu. Il est tellement beau avec sa chemise blanche et son pantalon sur mesure. Il brille. Quand je vois les autres hommes à côté de Lui, je les trouve ternes. Il est lumineux, il y a quelque chose qui vient se refléter contre Lui et qui se disperse dans l’espace. N’importe où qu’Il soit au milieu de ces cent personnes, je ne vois que Lui. Il me regarde. A ce moment-là, quelque chose en moi se brise. Ce n’est pas une chose qui me fait pleurer, c’est l’inverse. C’est comme le droit au bonheur et ça s’ouvre. Au lieu de m’inquiéter pour tout comme je le fais toujours quand il est là, je suis persuadée que tout va bien se passer et rien ne pourrait me convaincre du contraire. Il me regarde de nouveau et je lui souris. Il vient vers moi et il me tient par le haut de la nuque en m’embrassant furtivement. Il m’entraîne sur la piste de danse pour me parler tranquillement :

- Je voudrais que tu me regardes toujours comme ça.

- Comme quoi ?

- Comme tu viens de le faire. Pour la première fois, tu m’as regardé avec tendresse, sans haine, sans ta méfiance habituelle. Tu m’as regardé comme tu regardes les autres.

- Ça m’étonnerait, parce que je me disais justement que tu n’es pas comme les autres.

- Si tu me compares aux autres, c’est peut-être que tu as enfin réalisé que je suis un être humain, que je peux me tromper, que j’accepte quand les autres se trompent, que j’ai des réactions normales et que tu peux, toi aussi, avoir des réactions normales.

- Tu n’exagères pas un peu ?

- Pas du tout. Je t’ai observée ces derniers jours et j’ai bien vu que tu ne te comportes pas de la même manière quand je suis là. Tu es au garde à vous et je pensais que c’était une carapace mais c’est encore bien plus valorisant pour moi : tu veux être parfaite et me montrer que tu es forte et je ne sais trop quoi encore, dont je n’ai pas réellement besoin.

- Ça devient un peu trop psychologique vu le nombre de verre que j’ai bu.

- Apelle-moi par mon prénom.

- Pardon ?

- Je veux t’entendre dire mon prénom.

Non. Ça, je ne peux pas.

Il a entièrement raison. Je n’ai jamais réussi à l’appeler par son prénom, ni même à parler de lui en disant autre chose que « mon boss » ou « BF » ou quand je suis énervée je dis juste « Fortet ». Je n’y arrive toujours pas. Je l’ai mis sur un tel piédestal qu’il ne peut pas avoir un prénom. Je répète plusieurs fois « Benjamin » dans ma tête pour me convaincre que je peux y arriver. Je fais style qu’on danse tranquillement sans avoir à forcément parler et ça me prend au moins deux minutes pour me lancer.

- Benjamin, je crois que tu n’as pas tout à fait tort.

- Sur quel point ?

- Et bien, il est possible que je n’aie jamais réussi à t’appeler par ton prénom auparavant.

- Ce qui signifie que tu me déifie, avoue !

- Ce qui signifie surtout que maintenant, je vais faire un effort pour te voir comme tu es et que je vais probablement voir tous tes défauts.

- Je n’ai aucun défaut, je suis parfait. Mais tu viens presque de me dire quelque chose de gentil.

- Je m’intéresse à toi. Depuis toujours.

- Je t’aime, depuis toujours.

Je tombe et il me rattrape.

Nous restons danser largement après que les mariés soient partis se coucher, collés l’un à l’autre, souriant et tournoyant bêtement.

Pour presque tous les invités, la dernière journée de notre voyage est passée sur la plage à dormir et la soirée à ressasser les souvenirs de celle d’avant. Benjamin lui travaille avec ses collaborateurs et je ne sais pas comment il fait pour penser à quoi que ce soit.

Il vient me voir et m’enlace tendrement en me demandant si ça va. Je lui dis qu’il m’épate de pouvoir travailler comme ça et qu’il ne s’inquiète pas pour moi. J’ajoute quand même qu’il me manque.

Justine est tombée folle amoureuse d’un autre cousin de Claire et elle est révoltée de devoir déjà le quitter, elle lui promet qu’elle va venir le voir dès la semaine prochaine au Québec et il y croit autant qu’elle.

Le lendemain, à l’aéroport, l’avion des québécois part une heure avant celui des français et Justine est inconsolable. Samuel vient me dire au revoir :

- Je m’étais un peu trompé dans ma théorie !

- Je suis désolée, je ne savais plus trop où j’en étais.

- Sans rancune, si vous revenez à Montréal, ajoutez-moi à la liste des gens à visiter !

Je passe à l’enregistrement en même temps que Benjamin pour être sûre d’être à côté de lui. Dans l’avion, je lui parle. De mes voyages, de ce que j’ai vu, ce que j’ai vécu et de ce que j’aurais préféré ne pas voir. Je parle de mes parents, de mon enfance et de ma vie maintenant. Il m’écoute avec tendresse.

- Et à ton travail alors, tu fais quoi en ce moment ?

- Tu rêves ? Dans notre domaine, ce genre d’information se paye. Si les concurrents savent ce que vous faites, vous êtes mort.

- Allez, raconte-moi tout, comme ça je devance votre projet, je coule ton boss et je te rachète !

- Tu veux dire que tu rachètes la boîte ?

- Non, je te rachète toi, tu seras mon esclave.

- C’est déjà un peu ce que je suis.

- Je ne crois pas non mais depuis le temps que j’en rêve !

- Tu n’es pas sérieux ?!

- Si, souviens toi, quand je t’ai proposé de te séquestrée.

- Ou quand tu m’as séquestrée pour de vrai tu veux dire !

- Pas du tout, cette fois-là je t’ai dit que tu pouvais partir et tu n’as même pas atteint l’ascenseur avant de revenir à genoux.

- Merci de me le rappeler, c’est très classe. Tu m’as quand même séquestrée pendant plus de 20h !

- Est-ce que tu parles du jacuzzi et du massage ou des gambas ?

- Je parle peut-être des fessées.

- Tu es prête à embrasser n’importe quel moche pour que je te mette une fessée.

- Quoi ? Non, mais ça non plus ce n’est pas vrai, ce magnifique garçon était un fantasme de jeunesse et là il me tombe dans les bras. Bon, si on en revenait à moi un petit peu. Je vais me lancer en tant que consultante indépendante.

- D’accord, c’est une super idée, je t’embauche 100% de ton temps.

- J’ai dit « indépendante ».

- J’ai bien compris, tu ne seras pas salariée mais j’ai du travail pour toi au moins 70h par semaine, je te fais même économiser la perte financière en communication, tu peux me remercier !

- Je suis bien trop chère pour toi, à 350€ de l’heure je gagnerais largement plus que toi à la fin du mois !

- Le pire c’est qu’avec la réputation que tu t’es fait, tu trouverais facilement des clients, même à ce prix-là. En fait, je vais devenir ton agent.

- Je n’ai pas besoin de toi.

- Bon, je te préviens quand même que je suis jaloux professionnellement aussi, alors chaque fois que tu travailleras pour quelqu’un d’autre, tu viendras me tendre tes petites fesses avant de me parler.

- Aucun problème.

- Finalement, je vais faire l’inverse, privée de fessée chaque fois que tu m’auras trompée !

- Je ne t’appartiens pas, met toi bien ça dans la tête, Benjamin Fortet.

- Tu m’appartiens Laetitia, méfie-toi, les avions me donnent des idées.

- La cabine des toilettes est trop petite, j’ai déjà regardé.

Il sourit.

- Est-ce que tu viens chez moi ce soir ?

- Non. Je suis en congés demain mais il faut que je m’occupe de mes affaires. Mardi, je travail.

- Tu veux que j’envoie un arrêt de travail ?

- Et toi ! Tu arrêtes quand, de travailler ?

- Demain, ça tombe bien !

- Menteur, avec ce que tu viens de faire, tu vas me laisser tranquille au moins une semaine pour rattraper le temps perdu.

- Pas du tout, j’étais très bien organisé et je reprends un rythme tout à fait normal… Viens chez moi quelques jours !

- Tu plaisantes ? Ce ne serait pas très correct pour Monsieur Hugler.

- Je ne vois pas la différence, vu ce que je vais te faire régulièrement.

- C’est vrai, je vais démissionner cette semaine, comme ça je me lancerais plus rapidement toute seule.

- Bon et pour Shop and Read, c’est quoi l’avenir ?

- Attends, je te prépare un contrat et je mets mon chronomètre en route. Alors 350€ de l’heure déjà négocié.

- Est-ce qu’on peut payer en nature ?

- Non, pas toi en tous cas, tu me prendras autant que tu le peux quoi qu’il arrive, ce n’est pas intéressant.

- Ah oui, et qui pourra te payer en nature alors ? Thomas Maillot ?

- Tu ferais mieux de lui dire merci à Thomas Maillot, sans lui tu serais dans la rangée derrière.

- Pas du tout, sans lui tu travaillerais toujours pour moi et tu ne ferais pas tant d’histoires !

- C’est vrai, d’ailleurs je ne te parlerai pas du tout. J’aurais peut-être couché avec Samuel en fait !

- Arrête, ça me rend dingue.

- Je sais, j’en rajoute, c’est parce que je sais que je ne risque rien.

- Tes fesses ne perdent rien pour attendre.

- En tous cas, une fois tu as voulu envoyer une photo de moi à Thomas Maillot pour le remercier de sa grande idée.

- Je ne crois pas, non.

- Finalement, on n’a jamais la même version de notre histoire. Tu devrais peut-être écrire la tienne et moi la mienne ?!

- Tu crois ? Pourquoi pas en fait.

Et voilà. C’est comme cela que ça s’est passé.

Je suis impatiente de lire ta version, Benjamin.

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