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-Je vous en prie, asseyez-vous. Comme c'est votre premier cours, je suis obligé de faire un petit discours.

Le son de la voix de Ferdinand se perdait parmi le cumulonimbus dans lequel nous étions tous logés. Nous étions une demi-dizaine, toutes races confondues, à suivre son cours ; un demi-dieu (moi), deux Exanthropes, une Drow (ou Svartalf, voire elfe noire si vous préférez) et un Kytsimm.

-Tout d'abord, l'Académie a une tradition : chaque Nouvelle Génération doit d'abord commencer son initiation par la chose la plus utile : sa magie. Ce cours, rassurez-vous, ne sera pas difficile. Je dis ça parce que la foudre est la seconde magie la plus coûteuse en énergie (le premier étant la Foudre Noire), donc le moindre petit arc électrique que vous produirez vous fera tomber directement dans les vapes. Pour les Exos, vous tombez juste à court d'énergie, et pour mademoiselle la Kytsimm, cela pourrait carrément vous tuer.

Mademoiselle ? Comment il a su que cet être était féminin dans ce chaos d'arcs électriques ? M'interrogeai-je. Même en sachant que cette femme faite de foudre en était une, je n'arrivais à discerner ses attributs sexuels...

-Je vais donc vous ménager sur la magie au début. Ensuite, plus vous vous améliorerez, plus vous pourrez pratiquer la magie sans problème. Ce que je vous apprendrai donc aujourd'hui n'est pas pour le moment la maîtrise de votre magie, mais la maîtrise de votre propre être. La foudre demande pas mal d'efforts et en même temps une grande aisance et un grand acharnement. Je vais d'abord vous passer vos tenues.

Ferdinand claqua des doigts et des habits se sont déposés à nos pieds.

-Ceci sont vos habits de néophytes mages. Ils amplifient votre flux Muthanien, ce qui vous permet de pouvoir gaspiller plus d'énergie magique sans en subir les effets. ils ont été conçus par l'Ancien, selon ce que vous vouliez inconsciemment. Je vous demanderai de les enfiler tout de suite, plus vous serez en contact avec eux, mieux ça sera.

J'ai pris ma tunique. En fait, c'était surtout une énorme robe blanche décorée de coutures bleutées. De plus, il y avait une large capuche et une grande cape qui touchait presque mes talons. Y avait aussi des gants, un pantalon et des chaussures qui traînaient sur le sol, aussi me suis-je dit qu'ils étaient compris dans la tenue. Les gants me faisaient assez penser aux gants de fauconniers, mais en cent fois plus souple et confortable. Quant au pantalon et aux chaussures, ils étaient étonnamment bien assortis à la robe !

J'ai enfilé le vêtement. Des miroirs venaient d'apparaître pour qu'on puisse voir ce que ça donnait : ben PURAIN ! J'avais le style ! Le plus étrange fut l'ombre de ma capuche sur mon visage : quelle que soit la source de lumière et son emplacement, j'étais méconnaissable. Comme si la capuche absorbait toute la lumière qui frappait ma tête... J'avais pas vraiment envie de me cacher, mais c'était stylé.

Ferdinand passa en revue tout le monde et rajusta quelques vêtements. Je me demandais surtout ce que la Kytsimm aurait pu avoir, elle qui était entièrement intangible ! Cependant, l'habit bleu ciel qu'elle arborait flottait parfaitement sur son corps. Peut-être qu'avec un certain magnétisme... Quant aux Exanthropes, ils se sont retrouvés avec des exosquelettes, mais je me demandais surtout pourquoi l'habit de la Drow étaient aussi sombres et rougeâtres en même temps... Lorsque le prof passa devant moi, il leva le pouce en l'air en m'adressant un clin d'œil, l'air de dire "Nickel, mec, t'as l'air d'un vétéran !"

Ferdinand s'éloigna et demanda à la Svartalf de s'approcher. Puis, il reprit :

-Une dernière chose avant de commencer le cours : autant ne pas le cacher, notre chère Mørk est la seule différente ici. Elle ne manipule pas la foudre comme vous mais la Foudre Noire.

Ah, c'est pour ça que je la sentait pas, cette Elfe noire...

-Je vous demanderai de bien l'accepter parmi vous, malgré vos pulsions naturelles magiques, continua Ferdinand. La Foudre Noire et la foudre n'étant aucunement différents au sens pratique, l'Ancien n'a pas trouvé utile qu'on sépare les cours. Elle suivra juste un programme plus allégé que le vôtre, ce qui est normal quand on sait qu'elle gaspillera bien plus d'énergie que vous. Des questions ?

Personne ne leva la main. Je sentais la présence inquiétante de la Kytsimm menacer la Drow. Quant aux Exanthropes, l'un semblait perplexe vis-à-vis de notre compagnonne et l'autre attendait les instructions.

Ferdinand renvoya Mørk dans les rangs puis constata que personne n'avait rien à dire.

-Parfait ! Je vais essayer de ne pas nous attarder sur des détails mineurs. Il vous faudra faire un long chemin avant d'être lâchés dans Revaltia. Plus du huitième de la population mondiale est criminelle, ce qui est beaucoup. Les capitales sont sécurisées, mais si on s'éloigne trop on tombe rapidement sur des mafias et des villages entiers mal famés. Les causes sont principalement la magie et la technologie. Trop de gens se croient assez bricoleurs ou puissants pour faire des machines et des sorts capable de renverser les forces de l'ordre. La seconde raison de l'insécurité de ce monde, c'est l'Impius Emporium, un marché hautement illégal, spécialisé dans les choses les plus inhumaines de ce monde. J'espère qu'aucun de vous ne touchera à ce genre de choses, puisque posséder un seul des objets de leurs stocks est un crime passible de mort. Quoi qu'il en soit, mon devoir sera donc de suffisamment vous développer magiquement pour que, si, un jour, vous tombez dans un piège de bandit, que vous vous retrouviez sans le vouloir dans une ruelle sombre ou vous vous retrouviez confrontés à l'Impius Emporium, vous puissiez vous sortir de n'importe quel mauvais pas.

Du doigt, il traça des mots en fumée sur un pan nébuleux plus noir que les autres, servant sans doute de tableau noir.

-Comme vous pouvez le lire à présent, la première étape sera l'Aisance. Qu'est-ce que l'Aisance ? C'est toute une série de paramètres ; posture de la main, armes, habits, posture, conditionnement mental et autres. Tout cela, bien choisi, bien régulé, vous permettent d'être plus puissants. Il vous faudra trouver tout ça. Les habits qu'on vous a donnés rentrent dans ce critère, mais vous pourrez retrouver des habits qui siéront plus à votre magie par la suite. En tout cas, je peux vous le dire, vous ne trouverez pas mieux dans l'Académie et ses environs, c'est pratiquement impossible...

Un Exanthrope leva son bras mécanique.

-Et si on en ramenait de l'extérieur ?

-En effet, vous ne pourrez trouver des habits plus puissants uniquement si on en ramène de l'Extérieur, mais ce ne serait pas efficace. Il faudrait amener des tonnes et des tonnes de vêtements magiques pour que vous en trouviez un qui vous convient, et encore, ce n'est pas sûr que l'heureux élu soit plus efficace. Je vais passer au plus évident ; la posture MANUELLE et l'armement.

-C'est-à-dire ? Demanda la Svartalf.

-Je te prierai, Mørk, de demander la permission avant de parler, la prochaine fois. Ce que je voulais dire, c'est que tout mage a besoin d'une position manuelle spécifique ou une certaine arme en main pour qu'il soit puissant. En ce qui concerne la position manuelle, je ne peux que vous proposer de tester. Pour l'armement, une baguette ou un bâton de magie peut remplacer cette fameuse position manuelle, et ce dans toutes les magies. Mais j'avouerai que je ne recommanderais pas ça, c'est embêtant à manier. A vous de voir...

-Et y a quoi d'autre, comme arme bénéfique à notre élément ? Interrogea Mørk après avoir levé sa main comme demandé.

-C'est mieux. J'allais y venir, justement ! Les gens de la pierre adorent les marteaux, les mages de l'air adorent les dagues et les arcs, mais nous nous sommes plus du côté technologique. Des fusils énergétiques ou des armes modulées, par exemple.

-Ferdinand ? Demandai-je en levant la main.

-Yep, Thauroji ?

-Qu'est-ce que des armes modulées ?

-Juste. J'ai tendance à oublier que j'ai devant moi des gens qui ne savent pas grand-chose. Mais... Je pense que Z4-P pourra mieux t'expliquer. Si tu le veux, bien sûr !

-Pas de problème, m'sieur, rassura le premier Exanthrope. Dans mon monde d'origine, j'étais un grand ingénieur dans ce domaine, m'expliqua-t-il. En clair, des armes modulées sont des armes qui ont été perfectionnés par l'ingénierie. La plupart du temps ce sont des sortes de modules qu'on applique sur des armes à feu, des épées, des marteaux et ce genres de choses. Des modules de d'électrification, des modules d'augmentation thermique, des modules de renforcement, il y a de tout.

-Merci Z4-P. Pour donner une comparaison, les modulations sont à la technologie ce que les enchantements sont à la magie. La raison pour laquelle les armes énergétiques et modulées marchent si bien avec nous, c'est parce que nous sommes souvent les mages les plus aptes à les recharger. Nous pouvons aussi compter deux autres armes à nos arsenaux, et l'une d'elle nous vient d'un des plus grands dieux de la foudre.

-'Me dites pas qu'il existe des Foudres miniatures... Ai-je dit en murmurant.

Apparemment, Ferdinand m'avait entendu :

-Eh ben si, Thauroji. LES foudres sont à votre disposition, a-t-il dit en claquant des doigts.

Ce faisant, des cure-dents métalliques gigantesques se sont matérialisés derrière lui et il en prit un.

-La majorité des Fulguromages sont plus que satisfait de ces machins, moi y compris. Ils sont bien moins puissants que l'arme d'origine se trouvant dans l'Olympe, mais ils conviennent pour des mortels tels que nous.

Il reposa le mini-foudre puis reclaqua des doigts. Les foudres se sont fait absorber par la brume, pour laisser place à... des sortes de sphères métalliques, aussi grandes que des boules de pétanques.

-Notre seconde arme préférée sont les Electro-Magnétorbes, expliqua-t-il. Ceci est une arme très peu utilisée au vu de sa complexité, mais qui ne manque pas de ressources. Voyez, là où les armes à feu énergétiques améliorent notre potentiel offensif et les Foudres canalisent nos sortilèges, les Electro-Magnétorbes sont simplement des outils très polyvalents. La difficulté de leur maniement vient surtout du fait qu'elles doivent être manipulées exclusivement par magnétisme. Voyez simplement ces sphères comme de gigantesque aimants que vous pourrez faireflotter librement dans les airs.

Après un énième claquement de doigts, les Electro-Magnétorbes disparurent à leur tour.

-Bref, continua-t-il. je vais vous aider à trouver votre Aisance manuelle. Thauroji, tu seras le premier à être analysé. Essaye des positions manuelles et je vais essayer de sentir l'énergie qui s'en dégage.

-Monsieur ? appela un des deux Exanthropes pendant que je réfléchissais. A quoi sert de trouver une posture manuelle ?

-Ah... Comment l'expliquer de manière simple... Aviez-vous des... des tuyaux de plomberie, dans votre monde ?

-J'en ai déjà vu dans une maison humaine, je vois un peu comment ça fonctionne.

-D'accord... Eh bien... Le Muthane ne fluctue pas de la même manière chez tout le monde. Ces flux peuvent s'apparenter à des veines, d'où mon allégorie des plomberies. Lorsqu'on plie un tuyau de plomberie, l'eau a plus de difficulté à passer, est-ce bien clair ? Imagine maintenant que tes mains possèdent toute une plomberie qui est désordonnée, mélangée, pliée de partout. Et le seul moyen de réarranger tes tuyaux, c'est de trouver ta bonne posture manuelle.

L'Exo hocha la tête.

-Vous n'utiliserez pas toujours cette posture, rassura Ferdinand. Sinon, j'imagine les crampes ! Non, cette posture ne vous servira que pour la projection de magie. Manipuler des corps extérieurs est plus complexe et nécessitent plus une danse qu'autre chose. Bon, Thauroji, prêt à essayer les postures ?

J'avais déjà une petite idée en tête. J'ai replié mon auriculaire à la parallèle de ma paume, plié mon annulaire de telle sorte qu'il soit à la perpendiculaire, étendu mes trois autres doigts et assemblés mon majeur et mon index.

Ferdinand sembla étonné :

-Cette énergie... Attends... Du premier coup ? T'as de la chance ! Ça va, ça fait pas trop mal ? Ça me semble un peu inconfortable...

-Ça va, merci. C'est un geste que je faisais souvent dans mon ancienne vie, ne fut-ce que pour saluer.

Sur ce, j'ai mis ma main dans cette position et l'ai mise contre ma tempe droite afin d'effectuer un salut à mi-chemin entre le salut militaire et un mime de suicide au pistolet. Je sais, expliqué comme ça, c'est bizarre.

-Intéressant, a objecté Ferdinand. Tu connais ça depuis combien de temps ?

-Oh, depuis mes treize, quatorze ans ?

-Ah oui... C'est comme si... Comme si tu étais destiné à manipuler la foudre, Thauroji ! Tu me plais de plus en plus, p'tit gars !

Il me fit une tape amicale sur l'épaule puis alla inspecter l'Exanthrope sur ma droite. Il inspecta une dizaine de minutes l'homme-robot qui semblait au départ super confiant, puis abandonna et lui proposa soit une baguette, soit un bâton, soit un Foudre. L'exo refusa et prit de derrière son dos un sniper énergétique que je n'avais pas vu... Pourtant, vu sa taille, je n'aurais pas pu le manquer. Et Ferdinand continua le analyses longtemps, en passant tout le monde en revue... L'heure de cours s'est finie par les tentatives (presque aussi fructueuses que la mienne) de la Kytsimm. Je me suis fait chier pendant quarante minutes à rien foutre...

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-Intéressant, objecta Falk. Assez bonne technique. Pas parfaite, parfaite, mais tu n'es pas si loin que ça.

Il faut dire que je venais de toucher en plein dans le mille une cible en mouvement à vingt mètres. J'étais seul à son cours. Eh ! Les mages multi-élémentaires étaient super rares !
Quand je me suis levé, le matin, je me demandais comment il allait être habillé. Est-ce qu'il allait me donner cours en tant que White Arrow, en tant que Dark Bow ? Bof, il était juste vêtu d'un habit sylvestre vert feuille.

-Si ça, ce n'est pas bon, je me demande bien ce qu'il vous faut ! Rétorquai-je.

-Du calme, Witz. Ce n'est pas en t'énervant contre les autres que tu arriveras à quelque chose. Les mages multi-élémentaires se doivent d'être assez équilibrés et pragmatiques. C'est en trouvant l'harmonie en toi que tu pourras trouver l'harmonie dans tes sortilèges.

-Ça va pas être de la tarte... Et puis, qu'est-ce qu'elle a, ma technique ?

-Pour toi, rien. Pour moi, beaucoup. je veux dire par là que tu maîtrises pratiquement à la perfection les techniques ancestrales, mais l'archerie a pas mal évolué en trois mille ans. Regarde.

Il se retourna et siffla de ses deux doigts. Un cri d'aigle me parvint, en haut. Je vis un fier rapace tournoyer, là-haut, dans le ciel.

-Tu vois l'aigle ?

-Oui, je le vois.

-il a une cible entre ses serres. Quand il lui plaira, il lâchera la cible. A ce moment-là, et à ce moment-là seulement, je me retournerai et enverrai d'emblée une flèche explosive qui n'explose qu'au contact. Si elle explose en plein air, c'est que j'aurais touché ma cible.

-Je vois pas de cible.

-C'est normal. Il lâche aussi sa cible à la distance qui lui plaît. Elle peut autant être lâchée à dix mètres qu'à cinq cents. Ne t'inquiète pas, je savais déjà à quelle distance il était par son cri.

-Eh, comment vous saurez qu'il lâche la cible ?

Il ne me dépondit pas. Je le regardais fermement. Trois secondes s'étaient écoulées. Dix. Quinze. Dix-sept... il se retourna d'un coup, prit une flèche dans son carquois, l'encocha et l'enflamma tout en scrutant l'horizon, puis bandit l'arc et tira en trois secondes.

je vis la flèche filer à travers le ciel bleu. Son aura rouge la rendait plus facile à discerner. Au moment où je croyais que mon maître avait raté sa cible, l'explosion se fit voir et entendre.

-Que...

-oui, je sais, c'est impressionnant. Depuis le temps, les missions, les entraînements... J'ai acquis une ouïe ultrafine qui m'a permis d'entendre tomber la cible. Le retournement n'était destiné qu'à me perturber, mais le temps de préparer mon tir j'avais déjà repéré ma cible et fait les calculs nécessaire pour anticiper sa trajectoire. le reste, tout est dans la force avec laquelle tu tires la corde et une posture extrêmement précise.

-Mais comment vous avez vu cette cible ? Elle était bien à cent mètres !

-Deux cent soixante-sept, me corrigea-t-il avec un air apaisé qui commençait à m'énerver chez lui. En fait, je ne sais pas si tu as remarqué par mes oreilles pointues, mais je suis un elfe. Et un elfe doté de capacités rares ! Notre peuple a certains prodiges qui ont un ou deux talents. Je fais partie des rares élus capables de maîtriser les deux à la fois. le premier n'est pas si rare que ça, mais je suis né avec sa version bien plus accrue : la Vision de l'Aigle. Elle nous permet de voir précisément à des distances faramineuses. Je l'ai dit, chez moi cette vision est plus puissante, mais en plus mon ouïe est améliorée de la même façon.

-Et l'autre talent, c'est quoi ?

-Elle n'est pas importante pour le tir à l'arc, juste pour les situations de danger. C'est la Fluctuation Sylvestre. Chaque danger imminent, même un qu'on n'a pas soupçonné, nous dote d'une réaction hors du commun.

Il se plaça devant une cible.

-Tire-moi dessus.

-Quoi ? Mais... Vous êtes mon maître ! Le Champion de l'Académie !

-Fais-le.

-Mais...

-C'est un ordre.

Son ton n'était pas assuré ni impératif. Il m'avait juste ordonné de lui tirer dessus comme s'il m'avait demandé de lui offrir des fleurs. J'ai finalement obtempéré à contrecœur.

J'ai encoché ma flèche et visé la cible. J'ai décoché en priant Appolon que je ne le tue pas... Mais l'instant d'après, il n'était plus devant la cible.

-Encore. Vise mon torse.

Surpris, j'ai mis du temps à réagir. Puis je l'ai fait. Le temps de cligner des yeux, Falk était mis de côté et... Tenait bel et bien ma flèche par son milieu. Il l'avait arrêtée d'un coup.

-Joli. Refais-moi ça.

Il s'est repositionné, et j'ai tiré. J'ai eu du temps à remarquer juste après qu'une flèche affûtée se tenait en lévitation devant mes yeux. Falk avait eu le temps d'encocher une flèche aérienne... Et ma flèche, elle était où ? Mon maître ne s'était pas déplacé, il aurait dû la recevoir dans son torse !

Le flèche de Falk se rangea d'elle-même dans son carquois. Puis il me montra deux emplacements distincts où des bâtons s'étaient fichés dans le sol. Non... Pas des bâtons... une flèche tranchée en deux dans le sens de la longueur.

-C'est ça, la Fluctuation Sylvestre. On ne peut pas l'activer à volonté, mais chaque coup ou projectile qui peut nous provoquer la mort nous donne un état de rapidité incroyable. Pour moi, dans ces moments-là, c'est comme si le temps ralentissait énormément. Cela me rend pratiquement invincible. D'un côté, heureusement que ce talent soit extrêmement rare, sinon la race des Elfes contrôlerait déjà l'entièreté du monde connu. Certains, comme moi, l'utilisent pour de bonnes causes, mais beaucoup d'autres en abusent.

-Vous croyez que je pourrais contrôler ça ?

-Abandonne tout de suite. C'est un talent inné. Je ne sais même pas si, à part la magie temporelle, les Arcanes peuvent reproduire ce talent. Mais tu pourrais magiquement acquérir la Vision de l'Aigle ! C'est un sortilège basique chez les Multiarch. C'est par cela qu'on va commencer.

Je compris dès ce jour pourquoi Falk était le champion de l'école.

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Déjà la première minute d'analyse et j'ai déjà failli flancher. L'Ancien m'avait bandé les yeux en m'assurant que c'était pour mon bien (j'ai totalement paniqué à cause de ma peur du noir mais c'est passé), puis j'ai senti l'essence même de mon corps se faire extraire. Et la voix, oh, la voix !

Elle était plus forte que jamais. Comme si cette séance d'analyse l'avait réveillée. On aurait cru qu'elle disait des phrases au hasard mais qui semblaient pourtant reliées... Les plus courantes ? Euh... "Mais elle refuse", "reste déterminé", "mais personne n'est venu", ... Des fois, c'étaient carrément des textes entiers : "Comme c'est curieux. Tu dois avoir mal compris. Depuis quand est-tu le seul au contrôle ?" suivi d'un cri effrayant et d'un son de destruction qui me semblait étrangement familier. Chaque phrase affaiblissait mon mental, chaque cri me sapait le moral, chaque "destruction" m'arrachait un cri de douleur. Tout ça, l'Ancien avait l'air de s'en foutre.

Il n'y avait pas que la voix qui m'importunait. Certaines pensées de l'Ancien me traversaient aussi l'esprit. Je vis une face de cet être que personne n'a soupçonné... Désolé si je garde le silence là-dessus, je lui ai fait une promesse à la fin de la séance, et une promesse est une promesse.

Dix minutes avaient passé. Des images commençaient à me venir.

Je vis à travers les yeux d'un enfant se promenant dans la montagne. Ce souvenir m'était... à la fois familier et inconnu. Je gambadais sur les rochers, insouciant de la crevasse qui s'offrait à moi quelque mètres plus loin.

Je trébuchai sur une racine et je tombai dans le trou. Je me réceptionnai sur un tapis de fleurs jaunes. J'appelai à l'aide des heures durant.

Enfin, à un moment, un bruit derrière moi m'inquiéta. C'était un autre enfant. Il n'était pas humain ; il avait plutôt l'air d'être mi-chèvre, mi-homme. Il s'inquiéta de moi puis m'aida à marcher plus loin dans les profondeurs. Une maison toute de gris se dressait devant moi. L'aide amicale de l'enfant-chèvre m'était réconfortante.

Deux adultes sur le perron qui semblaient être ses parents nous regardaient avancer, inquiets.

-Que nous as-tu ramené là, mon enfant ? A demandé la dame avec angoisse.

-Un humain ! S'est exclamé le monsieur en avançant vers nous. Viens vite, Asriel, il me semble bien mal en point ! Il faut le soigner.

Asriel. Un nom qui me disait clairement quelque chose. Je me rappelai sans trop de difficulté le nom des parents : Asgore et Toriel, le roi et la reine de l'Underground, l'endroit où avait atterri l'enfant.

Je vis encore d'autre choses : Asriel et le petit humain manger ensemble une délicieuse tarte cannelle-caramel préparée par la reine, les deux jouer ensemble parmi des chutes d'eau éclairées par des champignons et de l'eau qui émettaient une vive lumière bleue, la chèvre et l'humain dessiner gaiement sur les murs de l'immense grotte dans laquelle ils vivaient. Puis... Puis je sentis autre chose.

La maladie. La souffrance. L'Espoir. Je sentais la dernière volonté de l'humain se faire plus forte. Il voulait être libre, il voulait, une dernière fois, voir les fleurs de son village natal. Mais ni Asriel, ni Asgore, ni Toriel ne pouvaient faire quoi que ce soit. Mais pourquoi, comment en ai-je oublié la raison ? Les visions ne m'indiquaient pas pourquoi cette famille était impuissante dans cette situation, et même si ma mémoire me disait que je devais m'en rappeler, je ne le pouvais pas.

La conscience de l'enfant s'est éteinte le lendemain soir. Dans ma vision, je pouvais toujours entendre et sentir tout autour de moi, mais je ne voyais plus rien. Je sentis l'âme de l'enfant se faire absorber. Puis, quelqu'un prit son corps tendrement et marcha avec. Après un moment qui me sembla durer des heures, l'individu s'arrêta et posa le corps de l'enfant par terre. Le sol me semblait jonché de grosses fleurs qui caressaient la peau de l'enfant. j'entendis l'être reculer, puis j'entendis des cris. Des pleurs. Des accusations.

"Mon enfant !" a gémi une femme dont la voix ne me disait absolument rien et qui a relevé le corps.

"Est-elle... Est-elle morte ?" a demandé un autre homme juste à côté, une boule dans la gorge.

"Monstre ! Assassin !" a hurlé une autre femme, plus loin.

"On va te faire la peau, pour ça !" a menacé un jeune homme.

Puis des bâtons qui s'entrechoquent, des cordes qui se tendent, des cris de fureur. J'entendis des arcs se détendre pour envoyer des flèches, des bruits de chair qui se transpercent.

Je pouvais même sentir l'aura de celui qui m'avait amené ici. ASRIEL encaissa tous les coups que les villageois lui faisaient subir, une larme d'émotion à l'œil et un tendre sourire aux lèvres. Puis, toujours sous le joug des flèches, il se retourna lentement et se remit en marche.

Je savais ce qu'il lui arriverait par la suite. Epuisé, il serait retourné dans l'Underground. Là, il se serait arrêté sur un tapis de boutons d'or devant sa maison et, tel son meilleur ami, tomberait sur le tapis de fleurs dorée et ne bougerait plus. Mais ça, la vision ne le montra pas. Elle me montra plutôt d'autres scènes. Des génocides. Des pacifications. Des espoirs. Des cauchemars. Je vis l'enfant affronter une demi-dizaine d'aventuriers, dont une affreuse Axo qui me rappelait quelqu'un et qui avait l'air d'être animée par un désir de meurtre indicible.

Je vis encore d'autres scènes ; l'enfant discutant avec un esprit sombre, s'entraînant avec un démon, détruisant des univers. Je commençais à me rendre compte à quel point j'avais été aveugle.

L'emprise de l'Ancien se fit moins forte. Quand elle fut finie, j'arrachai le bandeau qui me cachait les yeux.

-Vous... Vous avez vu ces trucs ?

-Oui, je les ai vus. ils ne font que confirmer le doute que j'avais : une sombre présence est en toi, mon petit ami. Cela me rappelle vaguement quelque chose. Je vais fouiller dans mes livre et je te rappellerai dès que j'ai du neuf. En attendant, tu n'as plus besoin d'autre session. J'ai déjà eu en toi tout ce que je voulais.

-Et alors ? Quelle est ma magie ?

-Je peux pas être certain. désolé.

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Qu'est-ce que je pourrais raconter de plus, sérieux ?

je sais pas, moi... Que Härdd est un prof génial, qu'on était douze élèves chez lui dont un semi-démon comme moi et trois Skärf, que le prof a abandonné de me refourguer une baguette parce que mes deux bâtons me convenaient, ...

AH OUI ! Moi aussi j'ai reçu une tenue. D'un bleu assez classique, elle était ornée de quelques décos gris-jaunes avec un t-shirt magique brun. Y avait un pantalon, brun lui aussi, et des chaussures noires. Ma robe à moi n'était pas pourvue de gants, ma capuche ne m'assombrissait pas la figure, mais y avait aussi d'autres choses qui me différenciait de Thor' : le bas de la robe, chez lui, remontait moins sur le devant. Ses genoux sont bien cachés. Les miens, par contre, n'étaient cachés que par mon pantalon. Dans le dos, les deux tenues manquaient de toucher le sol, seulement moi le tissu remontait plus fort.

J'ai quitté le cours. Après on a eu un cours de math ultra-chiant. Thor' était censé être là, mais je ne le voyais pas. En tout cas pas à ce moment-là, car à la fin du cours un mec drapé dans une robe blanche et bleutée s'est approché de moi et m'a appelé par mon nom. Vu la voix, j'ai tout de suite compris qui c'était. Thor' et moi nous nous sommes assis à une table dans le Jardin, comme on avait droit à une pause. Witz nous a rapidement rejoint, suivi d'Atherach.

-Vous n'allez pas croire ce que j'ai vu, a déclaré Witz. Falk est un archer impressionnant !

-On a un fulguromancien noir dans notre classe... A soupiré Thauroji.

-Bah, on s'en fiche, avais-je dit.

-"On s'en fiche" ? Imagine un peu que t'aies un Limonien dans ta classe !

-Un Limonien ?

-Un mec qui manipule le Limon Ardent, si tu préfères.

-Ah ouais. Dans ce cas-là, je comprends.

-Plus sérieusement, les gars, je vais vous raconter ça, je peux pas garder ça pour moi ! s'est excité Witz.

Il a commencé à raconter l'exploit de Falk. il avait presque chanté ses louanges !

Thauroji rabaissa sa capuche. Il était assez ébouriffé, mais maintenant je le voyais correctement. Il regarda Atherach, à sa droite, qui posait sa tête sur le banc.

-Et toi, mec, ça s'est passé comment ?

Atherach ne répondit pas. Il se releva, sans plus.

-Tu sais au moins quelle est ta magie ? Demandai-je.

Atherach remua la tête de gauche à droite. Les sentiments qui passaient sur son visages m'étaient indescriptibles.

-Pas un seul petit indice ? S'inquiéta Witz.

L'intéressé soupira rageusement et frappa du poing sur la table... Sur laquelle il s'écroula un instant plus tard.

-Atherach ? Appela Thor', inquiet. Est-ce que ça va ?

Il prit notre pote par l'épaule et le souleva. Atherach était évanoui.

-Mais qu'est-ce qu'il s'est passé ? Demanda Witz, en mettant sa main sur la table pour se rapprocher. OUH !

-Qu'est-ce qu'il y a, gars ?

-La table ! Elle est super froide !

Je touchai la surface du meuble de marbre. C'est vrai qu'elle était glacée ! Ma main glissait sur sa surface. Elle était vraiment gelée.

-je crois qu'on a trouvé la magie d'Atherach, conclut Witz.

-Il faut le conduire chez l'Ancien ! s'alarma Thor'. Peut-être que c'est dangereux pour lui !

Il fallait vraiment qu'un de mes meilleurs potes se retrouve à manipuler un des élément némésis du feu ?

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