Hokkaido
La voiture roule lentement sur les routes enneigées d’Hokkaido. Le silence entre Jean et Mathieu n’est pas gênant. Il est dense. Chargé. Ils ne parlent pas tout de suite. Ils savent que les mots viendront plus tard.
Mathieu finit par briser le silence :
— Il est apparu hier matin. Juste après le lever du soleil. Il s’est posé sur cette branche, là-bas, près du lac. Il est resté immobile pendant presque une heure. Comme s’il attendait.
Jean :
— Tu crois qu’il m’attend ?
Mathieu :
— Je crois qu’il sait. Et qu’il veut être vu. Mais pas observé. Reconnu.
Jean accélère. Le paysage s’ouvre. Des montagnes basses, Ils arrivent près du lac d’un bleu presque métallique. Le vent est glacial, mais sec. Le ciel est clair. Il est là sur une branche nue, au bord de l’eau, l’aigle de mer de Steller. Immense. Immobile. Son bec massif, ses serres puissantes, son regard d’avant le temps.
L’aigle. Gigantesque, beau comme une statue.
Jean descend lentement. Il ne s’approche pas trop. Il s’arrête à quelques mètres. Il ferme les yeux. Il respire.
Et dans ce souffle, il sent quelque chose. Une vibration. Une fréquence. Un appel.
L’aigle tourne la tête. Leurs regards se croisent. Pas comme deux êtres vivants. Comme deux présences.
Jean (à voix basse) :
— Tu es réel. Mais tu viens d’une autre dimension.
Mathieu reste en retrait, debout, les jumelles autour du cou, Il observe Jean. Il voit son corps se détendre, son visage s’ouvrir. Il voit un homme qui ne cherche plus à comprendre. Mais à recevoir.
Jean sent une pression dans la poitrine. Pas de peur. Une résonance. Et puis une sentence fuie.
L’aigle déploie ses ailes immenses. Silencieuses. Et dans ce geste, Jean voit une spirale. La même que sur les blocs. La même que dans la pierre.
Jean ne comprend pas, il se penche pour trouver ses jumelles, la balle siffle, fauche l’air, et percute l’arbre dans un bruit sourd, projetant des éclats d’écorce. L’écho roule sur les collines comme une onde de choc. Le paysage, paisible quelques secondes plus tôt, se fige.
Jean comprend, il vient d’échapper à quelque chose.
Comme à l’entraînement, il roule sur lui-même, se propulse derrière un rocher. Il sort la tête.
L’individu est là. Il vise. Il tire à nouveau.
Mais Jean est déjà en mouvement. Son corps épouse le sol, roule, glisse, échappe. Ce n’est pas un exercice. C’est réel. Trop réel.
L’homme s’avance, l’arme au poing. Jean retient son souffle. Le sol est humide, couvert d’aiguilles de pin. Chaque battement de son cœur résonne comme un tambour dans sa poitrine.
L’homme approche. Silhouette noire. Silencieuse. Méthodique. Il ne cherche pas à intimider. Il veut en finir.
Jean glisse sa main vers sa ceinture. Un petit couteau. Lame courte, mais affûtée.
Il calcule la distance : sept mètres. Trop loin pour charger. Trop près pour fuir. Il rampe…
Mais alors, un cri. Un cri d’aigle. Puissant. Percutant. Le Steller s’est envolé. Ses ailes immenses battent l’air comme des coups de tonnerre. Il survole l’intrus.
L’homme se fige surpris. Juste une seconde. Jean bondit. Il frappe le poignet. L’arme tombe, roule sur les pierres. Ils s’affrontent, corps à corps, dans une danse brutale et silencieuse.
Le premier coup vient de l’adversaire : un crochet brutal qui heurte la mâchoire de Jean. Il vacille, recule, mais ne tombe pas. Il encaisse. Il observe.
Les coups pleuvent. Jean est en mauvaise posture. Il glisse, trébuche, se retrouve plaqué contre un rocher. Le souffle court, les côtes douloureuses. L’homme veut en finir.
Mais Jean ne cède pas. Il attend. Il écoute le rythme. Il repère une faille : un mouvement trop large, une garde trop ouverte.
Et là, il frappe. Pas fort. Mais juste. Un coup sec au plexus, suivi d’un balayage rapide. L’adversaire perd l’équilibre. Jean enchaîne : un coup de genou, un revers du coude, un étranglement maîtrisé.
L’adversaire tente de se relever, grogne, mais Jean le domine maintenant.
Il ne frappe pas pour vaincre. Il frappe pour suspendre le combat. Pour comprendre ce qu’on voulait lui taire.
Jean prend le dessus. Il plaque l’homme au sol, genou sur la cage thoracique. Le regard de l’homme est vide, mais pas fou. Il murmure :
— Tu ne devais pas le voir. Tu n’étais pas censé entendre. —
Jean serre les dents. Il ne comprend pas encore. Mais il sait que ce voyage vient de basculer. Ce n’est plus une quête. C’est une chasse. Et il est devenu la proie.
Pourquoi ?
Il cherche Mathieu du regard, l'homme en profite pour croquer une capsule, la mort est instantanée.
Le corps de l’homme, raide, secoué par un dernier spasme. Jean reste figé. Le silence qui suit est assourdissant.
Même l’aigle s’est tu.
Il se penche lentement. Le corps de l’homme gît là, figé dans une posture étrange, presque offerte. Son visage est déjà livide. Le vent s’est levé. Froid. Tranchant. Mais Jean ne le sent pas. Il le fouille.
Pas de papiers. Pas de téléphone. Juste une capsule brisée entre les dents. Un professionnel. Envoyé pour l’empêcher de voir. De comprendre.
Il fouille lentement méthodiquement. Pas d’identification. Pas de téléphone. Juste un petit carnet, glissé dans une poche intérieure.
Jean l’ouvre. Des symboles. Des coordonnées. Des fragments de phrases :
“Fréquence 18.2 – seuil de perception.” “Ne pas laisser le sujet atteindre le seuil.” “Le Steller est sur le Lieu… ”. Des coordonnées. Et un symbole : un cercle noir traversé par une ligne ondulée rouge. Comme une fréquence interdite.
Jean lève les yeux. Mathieu est là, à une dizaine de mètres, figé lui aussi, les yeux écarquillés. Il s’avance, tremblant.
— Tu l’as vu ? Demande Jean.
— Oui. Il était là depuis ce matin. Il m’a dit qu’il surveillait l’aigle. Mais il mentait. Il attendait quelqu’un. Il t’attendait.
Jean regarde autour de lui. Le lac, les arbres, l’aigle qui s’est envolé. Tout semble intact. Mais quelque chose a changé.
Jean montre le symbole à Mathieu.
— Tu connais ça ?
— Non… mais ce n’est pas la première fois que je le vois. Il était gravé sur une pierre, près du serpent. Tu te souviens ?
C’est un avertissement. Et nous sommes déjà allé trop loin pour reculer.
Jean referme le carnet. Il comprend. Ce n’était pas un hasard. Ce n’était pas une agression. C’était une intervention.
Il glisse le carnet dans sa veste. Il ne sait pas encore ce qu’il va faire. Mais il sait que Puma Punku, Hokkaido, le serpent, l’aigle… Tout est lié.
Mathieu montre un renforcement avec une petite plage, situé à plusieurs kilomètres.
Super endroit pour établir un camp, dit jean.
Le renforcement est naturel, presque invisible depuis les hauteurs. Une petite plage de galets, bordée par des pins tordus par le vent, protégée par une avancée rocheuse. Mathieu l’a repérée depuis longtemps. Un endroit discret, parfait pour établir un camp sans attirer l’attention.
Quelques heures, plus tard, le campement est prêt. Une tente basse, des sacs bien rangés, un feu discret. Jean et Mathieu s’installent sur une pierre plate, face au lac. Le ciel s’assombrit doucement, l’aigle n’est plus visible.
Jean (à voix basse) : — On est bien ici. Trop bien. Ça me fait peur. —
Mathieu (sourit) : — Tu veux dire que le calme cache quelque chose ? —
— je ne sais pas, c’est trop calme — .
La nuit enveloppe le camp. Le feu s’est éteint, mais le ciel veille. Jean dort, le visage tendu, les mains crispées sur le tissu de son sac. Son souffle est profond, mais son esprit voyage.
Il rêve.
La planète n’a plus de forêts, ni de mers libres. Tout est construit. Des arches colossales relient les continents. Les routes sont faites de dalles de pierre, chacune pesant des centaines de tonnes, gravées de symboles oubliés.
Trois civilisations cohabitent. L’une vit dans les hauteurs, entre les tours de verre et les ponts suspendus. L’autre dans les profondeurs, creusant des galeries sous les anciennes montagnes. La troisième erre entre les deux, sur terre et sur mer, nomade, gardienne des souvenirs.
Il n’y a pas de chefs. Pas de lois. Mais tout le monde obéit à la mémoire. Elle est souveraine. Elle dicte les gestes, les mots, les silences. Elle est transmise par les pierres, les vents, les chants.
Jean voit un enfant marcher seul sur une dalle. Il porte un masque fait de plumes et de métal. Il s’arrête, pose sa main sur la pierre, et murmure :
— Le passé est vivant. —
Et dans ce calme, Jean sent que l’aigle reviendra.
Jean ouvre les yeux. Le ciel est encore sombre, mais l’aube approche. Le lac est immobile, comme figé dans une attente. Mathieu dort, roulé dans sa couverture, le visage paisible.
Jean se lève sans bruit. Il marche jusqu’au bord de l’eau. Il regarde les galets, les pins, les ombres. Et il murmure, comme l’enfant du rêve :
— Le passé est vivant. —
Un souffle traverse les arbres. Pas un vent. Un frisson.
Et là, dans le ciel qui pâlit, un cri. Puissant. Grave. Ancien.
L’aigle est de retour. Il plane au-dessus du lac, ses ailes immenses découpant l’horizon. Mais cette fois, il ne vole pas seul.
Il observe, l'aigle est là, non pas celui d'hier, une autre espèce asiatique très rare, parfois aperçue : Le pygargue empereur, d'après Mathieu.
Un peu plus loin, un autre aigle, il est encore plus impressionnant, enfin, sur un arbre dominant, il y a l’aigle de mer de Steller vue la veille.
Jean plisse les yeux. Derrière lui, dans l’ombre des pins, une silhouette. Fine. Immobile. Un enfant. Le même que dans le rêve. Masque de plumes et de métal. Main posée sur une pierre.
Jean s’approche. Mais l’enfant ne bouge pas. Il regarde l’aigle. Puis Jean. Et il murmure :
— Tu as vu. Tu as entendu. Maintenant, tu dois transmettre — .
— que dois-je transmettre ? —
Voix intérieure :
— L’homme est revenu. Toujours en quête de pouvoir. Toujours prêt à souiller tout ce qu’il touche.
— L’homme détruit la planète
— L’être s’exprime avec une voix dans ma tête.
Jean reste figé. Le pygargue empereur, majestueux, le fixe de ses yeux dorés. Son plumage sombre semble absorber la lumière naissante. Sur l’arbre dominant, l’aigle de mer de Steller déploie lentement ses ailes, comme pour saluer l’aube.
Un silence. Dense. Comme si le monde retenait son souffle.
Mathieu s’approche lentement, sans bruit. Il pose une main sur l’épaule de Jean.
Mathieu (chuchote) : — Tu la vois aussi ? —
Jean hoche la tête. Il sent que cette présence n’est pas hostile. Mais elle n’est pas neutre non plus. Elle est là pour quelque chose.
La silhouette lève une main. Elle tient une pierre noire, lisse, gravée du même symbole que dans le carnet : Un cercle traversé par une ligne rouge comme une onde.
— Après le Grand Anéantissement, son règne s’est effondré. La nature a repris ses droits. Les survivants ont oublié jusqu’au feu. —
Mathieu murmure : — Quel... anéantissement ? —
La silhouette montre la pierre noire. Le symbole rouge semble pulser.
— Deux astres de feu. Lancés par le courroux des cieux. Le premier a brisé les montagnes. Le second, onze heures et-six minutes plus tard... a fait basculer l’axe du monde. Le globe a tourné de telle sorte que le pôle nord s’est retrouvé à peu près à la place du sud, avec une inclinaison de 23°50’.
Avant cela le soleil se levait à l’ouest.—
— Les océans se sont levés. Ils ont tout emporté. Les cités, les mémoires, les noms. —
Un souffle traverse les feuilles.
— Gaïa a pleuré. Et le silence a duré mille ans. —
Jean (calmement, mais troublé) :
— Cela expliquerait beaucoup de choses… Les ruptures géologiques, les civilisations disparues, les lacs salés apparus sans source. Mais aucune étude scientifique ne le confirme. —
Un rire éclate. Pas dans l’air. Dans leurs têtes. Un rire sec, ancien, presque métallique.
Voix intérieure :
— Ah, ah, ah… Pauvres humains. Toujours à chercher des preuves dans la poussière. Toujours à croire que ce qui n’est pas mesurable n’existe pas. —
Le rire s’éteint. Mais le silence qui suit est plus lourd encore.
Voix intérieure (plus grave, presque solennelle) :
— Vous avez oublié que la mémoire ne se lit pas. Elle se ressent. Elle se transmet. Elle vous traverse. Et vous, enfants de Gaïa, vous avez rompu le lien. Vous avez cru dominer. Mais vous n’avez jamais compris. —
Jean veut parler. Mais l’enfant a déjà disparu. Comme une onde. Comme un souvenir.
Seule la pierre est demeurée.
Jean s'approche doucement. Il regarde autour de lui : pas de danger, il se baisse et ramasse la pierre.
Il serre la pierre noire dans sa main. Elle pulse doucement. Il ressent comme une palpitation.
Et il comprend que ce qu’il tient n’est pas un artefact.
C’est un fragment de mémoire vivante.
Comment une simple pierre peut-elle contenir ?
— Les semiconducteurs, le silicium ou le germanium, une structure cristalline tridimensionnelle peut réaliser... —
Dans sa tête :
— Toujours vouloir comprendre… Mais parfois, il faut simplement accueillir. —
Jean ne cherche plus à analyser. Il sent. Sous ses doigts, le cristal semble respirer. Pas avec de l’air. Avec du temps.
Des images floues traversent son esprit. Des formes impossibles. Des architectures suspendues dans le vide. Des voix sans bouche. Des pensées sans mots.
Il ne sait pas s’il rêve ou s’il reçoit.
Une brume s’élève autour de lui, sans source visible. Le sol vibre à peine, comme si quelque chose s’éveillait sous la roche.
Voix intérieure :
— Tu veux comprendre. Mais comprendre est une forme de contrôle. Et ici, tu n’as aucun pouvoir. Tu n’es pas le lecteur. Tu es la page. —
Jean ouvre les yeux. Ils brillent d’une lueur pâle, comme si le cristal avait laissé une empreinte en lui. Il ne parle pas. Il écoute.
Et là, il entend, il lui suffit de capter soit un grillon, un oiseau, une herbe, une goutte d'eau, du sable... Absolument, tout n'est que conversation, non, soliloque.
Jean cherche Mathieu. il est là, presque inconscient.
Il s’approche de Mathieu. Il est étendu sur le sable, les yeux mi-clos, le souffle lent. Pas blessé. Mais comme absorbé.
Jean reste immobile. Le monde autour de lui ne fait plus de bruit. Il parle.
Chaque élément devient une voix. Le grillon, une question. La goutte d’eau, une réponse. Le sable, une mémoire. Le vent, une plainte ancienne.
Jean ne traduit pas. Il ressent. Et dans ce ressenti, il comprend que le langage humain est un filtre. Mais ici, il est nu. Il est page, comme l’a dit la voix. Et sur cette page, le monde écrit.
Mathieu, inquiet.
— Jean ? Tu vas bien ? —
Jean tourne lentement la tête. Ses yeux brillent encore. Mais son regard est calme. Profond.
— Je ne vais pas bien. Je suis vrai, entier.
Mathieu ne comprend pas. Mais il sent que quelque chose a changé. Jean n’est plus seulement Jean. Il est un vecteur.
Jean serre la pierre. Elle pulse. Et dans cette pulsation, il entend une dernière phrase :
Autour d’eux, le monde parle. Mais pas avec des mots. Avec des fréquences. Des pulsations. Des silences. Des Signes.
Le grillon émet une fréquence. L’oiseau trace une courbe dans le ciel. L’herbe se plie dans une direction précise. La goutte d’eau tombe avec un rythme. Le sable s’écoule comme une horloge sans aiguilles. Le monde autour de lui joue.
Et Jean ne traduit pas. Il ressent, comprend. Ce n’est pas un soliloque. C’est une partition. Un cantique ancien, que seuls ceux qui ont été marqués par la mémoire peuvent entendre.
Mathieu ouvre les yeux. Il regarde Jean. Et dans ce regard, Jean voit qu’il a entendu lui aussi.
Mathieu ne parle pas. Mais son regard a changé. Moins inquiet. Plus vaste. Il se redresse lentement, comme si son corps devait se réaccorder à ce qu’il vient de percevoir. Il pose sa main sur le sable, ferme les yeux, et il écoute.
Jean ne dit rien. Il observe. Il ne guide pas. Il laisse faire.
Le vent se lève doucement. Pas pour disperser. Pour rassembler. Les sons s’entrelacent : le cri lointain d’un oiseau, le frottement des pins, le murmure des galets.
Et dans cette symphonie discrète, Jean comprend : Ce n’est pas lui seul qui doit transmettre. C’est eux. Ensemble.
Autour d’eux, le monde pulse. Chaque cristal possède sa propre fréquence, sa propre mémoire. La pierre dans la main de Jean vibre encore, mais faiblement. Comme si elle avait donné ce qu’elle devait. Comme si elle devenait mémoire dormante, prête à être réveillée ailleurs, par d’autres mains, d’autres cœurs.
Un cristal est un matériau solide défini par un arrangement atomique ou moléculaire hautement ordonné qui forme des motifs répétitifs sur des plages étendues. Cette architecture ordonnée accorde aux cristaux comme le quartz une multitude de propriétés distinctives.
Mathieu ouvre les yeux. Il regarde Jean. Et il murmure :
— Je crois… que je t’ai entendu. Mais ce n’était pas toi. C’était le monde à travers toi.
Jean sourit. Pas pour répondre. Pour accueillir.
Et dans ce silence partagé, une certitude s’installe : Ils ne sont plus des chercheurs. Ils sont devenus des résonateurs.
Le feu s’est éteint depuis longtemps, mais une chaleur demeure. Pas celle des flammes. Celle d’un accord silencieux entre deux êtres et le monde.
Jean regarde la pierre. Elle ne pulse plus. Mais elle rayonne. Comme si sa mémoire dormante avait trouvé un écho dans leur présence.
Mathieu se lève lentement. Il ne parle pas. Il marche jusqu’à l’eau, s’accroupit, et laisse ses doigts effleurer la surface. Des cercles se forment. Des ondes. Comme une réponse.
Jean le rejoint. Ils ne cherchent pas à comprendre. Ils reçoivent.
Et dans ce silence, une pensée traverse Jean. Pas une voix. Une intuition.
“Ce que nous avons entendu ne nous appartient pas. Ce que nous avons ressenti... Doit être offert.
Non pas expliqué. Mais vécu.”
Ils se regardent. Et sans se concerter, ils savent.
Leur rôle est de faire vibrer.
Mathieu me demande :
— qu'est-ce que tu en penses ? —
Jean,
— je pense que nous touchons au mystère de nos origines. —
Mathieu ne répond pas tout de suite. Il regarde la pierre dans la main de Jean. Elle semble banale, mais elle pulse doucement, comme si elle respirait. Le symbole gravé “ce cercle traversé” semble s’animer à la lumière du matin.
(à voix basse) :
— Tu crois que cette mémoire… est en nous ? Ou dans la pierre ? —
Jean :
— Les deux. Je crois que la pierre est un relais. Elle garde ce que nous avons oublié. Elle attend qu’on soit prêts. —
Les aigles sont déjà loin, mais leur vol laisse une empreinte dans le ciel.
Plusieurs jours passent, sans le moindre signe. Nous avons enterré l'homme, personne n'est venu, nos recherches alentour sont vaines.
Jean prend la décision :
— Je retourne auprès de Marie, si tu as du nouveau appelle d'accord. —
Jean contacte Marie pour la rejoindre, Marie lui répond par un sms :
>je me trouve dans le désert du Karah, les fouilles prennent une autre tournure, je t'expliquerai. vient, je t'attends.
Jean relit le message. Le désert du Karah. Un lieu aride, brut, mais chargé d’histoire. Il sent que Marie ne l’appelle pas seulement pour les fouilles. Elle l’appelle parce que quelque chose s’est ouvert.

Annotations
Versions