Cuzco

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Nous sommes de retour à Paris. Nous avons mis au propre toutes les données en notre possession et les relisons souvent pour bien les apprendre, pas question de les prendre avec nous. Notre prochain lieu est le Machu Picchu, nous ne parlons à personne de notre destination.

Dans leur appartement parisien, Marie et Jean s’entourent d’imprimés, de cartes, et de schémas soigneusement annotés. L’atmosphère est feutrée, avec ce silence propre à ceux qui savent que la vérité attire autant qu’elle expose. Et parfois détruit.

Ils se glissent dans la foule comme deux ombres tranquilles. Pas de photo. Pas de message. Pas d’adieu. Juste deux ombres en partance avec un secret en bandoulière.

Marie referme le carnet des protocoles. Jean vérifie les calibrations. Ils répartissent les appareils — sonomètres, capteurs infrarouges, cartes vibratoires, dans des sacs banals. Aucun badge scientifique. Aucun nom inscrit.

— Marie, tu es prête ?

— Oui. On ne peut plus revenir en arrière, Jean. —

Le vol est long. Mais le temps… s’est dissous.

Nous faisons escale à Lima, capitale du Pérou, elle est située à l'ouest de l'Amérique du Sud.

Aujourd’hui, il fait près de 30°C.

Notre correspondance pour Cuzco est dans 2 heures. Après 6 heures de vol, nous allons nous dégourdir les jambes et prendre une collation.

Le ciel est clair. Le vent presque complice. Le disque est resté à Paris, bien caché. Mais ses résonances… voyagent avec nous.

Nous avons observé les passagers, puis l'aéroport, les rues de Lima, nous n'avons rien vu de suspect.

À l'embarquement, tout est normal.

Ils descendent de l’avion à Cuzco, l’air est plus léger… ou est-ce leur cœur qui palpite avec l'altitude et d’anticipation ? Le terminal grouille de vie, mais dans les oreilles de Marie, les vibrations sont déjà là : une fréquence sourde qu’elle ne parvient pas à situer.

— Jean, il y a du bruit... mais pas comme le bruit qu’on entend. C’est plus mystique.

Jean hoche la tête, distrait par un murmure qui semble provenir de la pierre elle-même. Ils sortent du terminal, et Cuzco s’offre à eux : une ville qui vit en strates temporelles, entre les anciens, l’empire des Incas et les klaxons modernes.

Marie propose de consulter un contact local.

Un libraire spécialisé en cosmogonie précolombienne. Il leur remet une page abîmée d’un manuscrit inconnu, avec des symboles géométriques impossibles à décrypter. Une note griffonnée au dos :

“Ce que vous cherchez est plus qu’un son. C’est une mémoire gravée dans la roche.”

— C’est tout ce que je possède, Marie, tu peux le garder. Dit le libraire. —

— Qui a pu écrire le message. Demande Marie. —

“Ce que vous cherchez est plus qu’un son. C’est une mémoire gravée dans la roche.”

— Je n'en ai aucune idée. Voici une carte pour la vallée sacrée. —

Nous avons quitté le libraire, après avoir promis de revenir.

Nous logeons dans un petit hôtel connu de Marie.

Le lendemain, le départ est discret. À l’aube, la vallée sacrée nous accueille comme une promesse suspendue.

Au détour d’un virage, les Salines de Maras se dévoilent. Plus de 4 000 bassins en terrasses, imbriqués, pensés avec une intelligence géométrique que ni les Incas ni les géologues n’expliquent totalement. Situées à plus de 3 000 mètres d’altitude, elles défient les lois de la nature. Ces bassins d’eau salée, perchés à flanc de montagne, sont pour certains le fruit d’une formation naturelle, pour d’autres l’œuvre très ancienne d’un peuple inconnu.

Le sel brille sous le soleil. Les tons varient du blanc éclatant au brun aride.

— Qui a pu imaginer un tel agencement ? demande Jean.

Jean s’approche d’un bassin. Il y plonge la main. Le sel est tiède, presque cristallisé. Marie observe les reflets. Ils ne sont pas naturels. Ils vibrent.

— Ce n’est pas la lumière, dit-elle. C’est une mémoire. Jean sort un capteur. Une fréquence s’élève. 528 Hz.

— La fréquence de la réparation cellulaire, murmure-t-il. Marie ferme les yeux. Elle entend un chant. Lointain. Ancien. Et dans ce chant, une voix : “Vous êtes sur le bon chemin. Mais le sel garde ses secrets...”

— Marie ! Que fais-tu là, je suis trop heureux de te revoir, viens ici que je t’embrasse. —

— Bonjour François, contente de te revoir. Voici Jean avec qui je voyage. —

Jean serre la main de François, mais le cœur n’y est pas.

Jean observe François. Il y a dans ses gestes une familiarité qui le dérange. Il la touche sans arrêt avec complicité.

Marie, elle, semble flotter dans une joie douce, comme si le passé venait tendrement à elle.

— Tu es toujours dans les livres, François ? — Demande-t-elle.

— Plus que jamais. Et je crois que j’ai quelque chose qui pourrait vous intéresser. —

Il sort de sa poche un porte-cartes, il l'ouvre et en extrait un papyrus, au milieu d'écritures hiéroglyphiques égyptiennes, il y a un dessin trois cercles concentriques, traversés par une ligne brisée.

Ce dessin... Murmure Jean.

François sourit.

— Alors… Jusqu’où êtes-vous allés dans vos recherches ? —

— Justement, nous nous rendons au Machu Picchu, pour vérifier si notre théorie est valable.

répond Marie.

Jean garde le silence. Il sent que quelque chose se joue.

Marie renchérit, presque trop vite. Tu viens avec nous ?

François sourit, mais son regard glisse vers Jean.

— Si vous m’acceptez, bien sûr. Ce symbole… Je l’ai vu ailleurs. Pas seulement en Egypte. —

Jean fronce les sourcils.

— Où ça ? —

— Dans une grotte, au sud de l’Islande. Gravé dans la roche. —

Marie se tourne vers Jean.

— Tu vois ? Ce n’est pas une coïncidence. —

Jean acquiesce, mais son cœur reste en retrait.

Nous poursuivons vers Calca.

La petite ville semble posée entre deux géants : les monts Pitusiray et Sawasiray.

Le site de Huchu’y Qosqo me revient à l’esprit. Je l’ai foulé au début de ma carrière. Une maison étrange. Carrée. Fondations très anciennes, massives, sculptées sans joint. Mais au-dessus… un toit de style Inca, plus léger, presque maladroit.

— Pourquoi une telle bâtisse ? murmure Jean, lisant dans mes pensées. —

— Je me le suis demandé il y a des années. Et je n’ai jamais eu de réponse. —

Les eaux thermales de Machacancha fument dans le matin gris. Les eaux gazeuses de Minasmoqo offrent un silence électrique.

Marie s’arrête. Elle palpe les fondations.

— Ce n’est pas un simple abri. Peut-être une station… un relais. Situé à environ 3 600 mètres. —

— L’édifice semble tronqué. Le haut a disparu. Jean montre les marques d’un étage manquant. Une pierre spéciale aurait pu y être logée. —

— Pour émettre, Pour communiquer ? —

Jean secoue la tête.

— Nous parlons en matière et outils. Mais eux… je pense qu’ils transmettaient autrement. —

François intervient :

— Vous pensez réellement, qu'ils avaient des smartphones. —

Marie le regarde avec étonnement.

— C’est toi qui dis ça ? —

François rit doucement.

— Vous êtes sérieux ? Des pierres qui parlent ? —

Jean ne répond pas tout de suite. Il s’approche d’un mur, pose sa main. Une vibration. Faible. Mais présente.

— Ce mur est un relais. Il ne stocke rien. Il transmet. —

Marie regarde François.

— Tu n’as jamais ressenti ça ?

François baisse les yeux.

— Non. Moi, il me faut mon portable pour communiquer.

Jean répond calmement, mais fermement, c'est une technologie vibratoire oubliée, non-matérielle.

— Alors écoute mieux, regarde comme dans un rêve les images viennent seules ou des sons. —

— Relâche-toi. — dit Marie... —

— Ahhhhhh ! Cri François, il est tout pâle. —

J'ai vu un aigle Immense.

Il m'a dit : DÉGAGE. Ses serres… elles voulaient me saisir.

Je suis désolé, je ne peux pas continuer, c'est trop pour moi, je préfère ma bibliothèque. —

François nous quitte précipitamment. Il se retourne est nous demande.

— Tenez-moi au courant. A bientôt. —

Cette vision… elle donne des réponses. Pas rationnelles, mais cohérentes.

— Marie, nous devons rester seul, personne ne doit savoir. —

Ils fouillent. Rien d’autre que le silence. Puis Marie lève les yeux.

Une bâtisse solitaire au sommet d’un sentier brisé.

— Tu ne veux pas vraiment grimper là-haut, hein ? demande Jean.

— Toi, reste là. J’ai besoin de savoir. —

Jean regarde Marie s’éloigner.

Elle entame l’ascension.

Chaque pas… une époque. Chaque pierre… une mémoire.

Les roches l’accueillent. L’air s’épaissit.

Marie ressent. Une onde. Marie grimpe, chaque pas résonne comme une note.

Une pulsation, une invitation.

— comme si la construction l’appelait. —

Ressaisis-toi, tu as trop d'imagination, le paysage l'environnement te joue des tours, j'approche d'un portique, le sentier est bel et bien une route avec des murs superbes, ce chemin si bien taillé ne peut pas mener nulle part !

Arrivée devant le portique, elle pose la main sur un pilier. Rien ne bouge.

La porte, si je peux l'appeler ainsi à trois niveaux les fondations en pierre, le corps en terre durcie, et le haut en brique d'argile, le tout surmonté d'un petit toit. Elle fait plusieurs fois le tour, se positionne au centre, se baisse et juste devant elle, bien dissimulée, dans une suite logique. Elle se redresse…

— Tu vois bien. Il n'y a rien à voir. —

— Tu m'as fait peur imbécile, tu es venu tout de même. Regarde ce que je viens de découvrir.

— Une mine d'or ? —

— Soit un peu sérieux. Regarde cette dalle. —

Au pied du portique, une dalle rectangulaire légèrement enfoncée. Marie invite Jean à passer sa main sous l’arrête :

Jean se met à genou.

— Tu as trouvé ? —

— Oui, il y a une pierre ronde, comme un bouton et alors ? —

Tourne là.

— Elle tourne, pas possible ! Jusqu'où ? —

— On verra bien. —

Jean s’exécute. La pierre tourne sans résistance. Une fois en bout de course, la dalle pivote lentement sur elle-même, dévoilant une cavité sombre sous leurs pieds.

Marie s’esclame :

— Un souterrain. —

Un souffle s’élève de la cavité. Ni chaud, ni froid. Mais chargé d'une odeur de renfermé.

Jean recule d’un pas.

— On entre ? demande Marie. —

Jean hésite. Il regarde le ciel, puis la dalle.

— Ce chemin si bien taillé… ne menait pas à rien. —

Jean toujours aussi prudent dit :

— Je fais un grand tour pour être sûr que nous sommes seul, je reviens de suite. —

En effet, quelques minutes après, il est de retour.

— Personne dans les environs, nous pouvons y aller. —

Marie, elle, s’accroupit. Elle tend la main, mais ne touche pas. Elle écoute.

— Tu sens ? —

— Une pression.—

— Non. Une présence. La cavité n’est pas vide. Elle attend. —

Jean allume une lampe torche. Le faisceau glisse sur les parois. Des gravures.

Des cercles. Des spirales. Des formes qui semblent bouger quand on ne les regarde pas.

Marie murmure :

— Ce n’est pas un tombeau. —

— Alors quoi ? —

Jean descend le premier, nous avançons dans un corridor, au toit arrondi, la lampe de Jean éclaire le granit qui reflète comme un miroir. Il aide Marie à descendre. Nous débouchons dans une salle qui a une forme surprenante à la fois simple et très complexe.

Jean est dubitatif, il remarque :

— Leee vo vo lululumememe... —

Il s'approche de mon oreille et très bas me dit :

La pièce a un volume particulier. L’écho n’est pas ordinaire. Le fond de la salle est arrondi. La précision de la taille du granit est époustouflante. Regarde au fond, il y a une sorte de lyre en pierre.

Nous nous approchons, une roche est taillée en triangle avec des cordes en pierre. Jean avec son briquet heurte une corde...

La vibration qui s'en suit est hallucinante, nous portons nos mains aux oreilles, mais c'est tout notre corps qui vibre.

Le son n’est pas une note. Ce n’est pas acoustique. C’est une onde qui traverse le corps, un appel à la mémoire physique.

Le granit miroir semble absorber la lumière, mais il renvoie autre chose : un frémissement sous la peau. Jean, encore tétanisé par la résonance, murmure :

— Ce n’est pas du son, Marie. C’est… de l’architecture vibratoire. —

Ils reculent d’un pas. La lyre n’a pas bougé, mais l’espace autour semble légèrement distordu, comme si les angles de la salle avaient changé. Et pourtant, tout est fixe.

Marie s’approche à nouveau. Les cordes de pierre ne sont pas pleines. Elles sont creuses, taillées avec une finesse presque chirurgicale.

Elle effleure une autre corde. Une onde monte depuis ses pieds, comme une mémoire ancienne : une procession, des silhouettes, un feu, des voix en spirale. Son corps n’est pas seulement parcouru, il est exploré, analysé, chaque organe régénéré.

— Je me sens légère… Comme si mon corps baignait dans une fontaine de jouvence, dit Marie.

Jean allume son appareil. Le son capté ne dépasse pas 417 Hz. Mais il contient des harmoniques impossibles à reproduire.

— Ce lieu n’a pas été conçu pour produire des sons… Mais pour activer quelque chose en nous. —

Marie ferme les yeux. Un frisson court dans son dos. Et derrière eux… la dalle se referme.

On se regarde interdit, Jean m'interroge :

— Tu penses que la vibration est à l'origine de la fermeture de la porte ? —

— Je n'en sais rien, comment veux-tu que je le sache ? —

— Je te propose de continuer notre exploration sonore. —

Ils échangent un regard, entre l’émerveillement et l’inquiétude. Le souterrain les a avalés. La dalle scellée. Pas de retour immédiat. Seul le granit, l’instrument en pierre… et les ondes.

Marie ajuste le capteur sur son poignet. Il vibre par intermittence, comme une réponse silencieuse aux fréquences qu’ils enregistrent.

— Jean, ces harmoniques… elles ne sont pas linéaires. —

— C’est comme si le son contenait des informations codées, dit-il. Pas une mélodie, mais une suite de déclencheurs. —

Marie s’approche des murs. À la lumière, une trame fine se révèle : des lignes gravées en creux, presque invisibles sans vibration.

— Ces lignes n’étaient pas visibles avant, murmure-t-elle. L’onde a fait apparaître un réseau.

Jean ajuste la caméra thermique.

— Il y a des points chauds… alignés le long des parois. Comme une architecture énergétique.

• Les sons produits par la lyre activent une série de motifs invisibles.

• Les capteurs révèlent une disposition de chaleur, comme un circuit enfoui.

• Et lorsque Marie effleure une troisième corde, les motifs commencent à se déplacer — lentement, comme une procession fossile.

— Jean, tu enregistres ? —

— Depuis le début. Mais je crois que ça… ne s’enregistre pas vraiment. —

— C’est pour nous, pas pour les machines. —

Nous avons testé toutes les cordes, chacune correspond à une fréquence, mais pas seulement. Les circuits qui apparaissent sur les murs sont incompréhensibles.

Jean ajuste le micro. Le signal est instable, mais riche. Les harmoniques se superposent, se croisent, se plient. Comme si le son n’était pas linéaire… mais spatial.

Marie recule. Les motifs sur les murs se déplacent lentement. Pas comme une animation. Comme une réminiscence.

— Jean, regarde… Les lignes se rejoignent. Elles forment un symbole mouvant. Pas fixe. Pas figé. Un algorithme ancien, gravé dans la pierre. —

Jean murmure :

— Ce n’est pas une écriture. —

— Non, dit Marie. C’est une structure de pensée. —

Le capteur sur son poignet vibre plus fort. Une fréquence s’installe : 528 Hz. Jean fronce les sourcils. — C’est la fréquence de la transformation cellulaire. —

— De la réparation, ajoute Marie. —

Ils se regardent. Et dans ce regard, une certitude : Ce lieu soigne. Pas seulement le corps. La mémoire fracturée.

Marie s’approche d’une quatrième corde. Elle hésite. Puis la touche.

Un souffle. Une lumière douce. Et une voix. Pas une voix humaine. Une voix de fréquence.

“ Le souvenir n’est pas ce qui revient. C’est ce qui attend d’être reconnu.”

Jean recule. Il regarde la lyre. Elle ne bouge pas. Mais elle respire.

Et dans ce souffle, ils comprennent : Ils ne sont pas là pour découvrir. Ils sont là pour se souvenir.

Cela fait plus de deux heures que nous tournons en rond. Marie observe la lyre sans comprendre, elle se dit, il y a un mode d'emploi que nous sommes incapables de trouver. Elle caresse le pourtour de la lyre, puis dans un geste machinal, balaye l'ensemble des cordes en remontant.

Il se passe alors quelque chose d'hallucinant les murs dans un premier temps se transforme en circuit vibratoire, puis s'illumine, nous voyons le paysage alentour, pas celui d’aujourd’hui, comme il était, il y a des centaines d’années, une autre vision le Machu Picchu pour enfin disparaître.

Nous sommes sur la dalle, par quel miracle.

Dans un geste instinctif, le balayage des cordes a déclenché un processus. Comme une séquence oubliée, inscrite dans la matière. Les fréquences, les harmoniques, les circuits… n’étaient pas un puzzle à résoudre rationnellement. Ils étaient un seuil — dont le maillage nous échappe.

Marie, les mains encore posées sur le cadre de la lyre, regarde autour d’elle. La salle n’est plus là. Juste la dalle, et le silence. Pas un silence vide… mais un calme chargé, comme si le lieu avait transmis son message.

Jean touche son capteur : il ne vibre plus.

— C’est terminé ? demande-t-il.

Marie répond en observant les alentours.

— Non… Je pense que cela commence à peine. L’espace autour semble identique… mais quelque chose a changé. Ce retour à la dalle est peut-être une illusion. —

— Ou le seuil vers un autre palier. Une autre salle ? Une autre époque ? Une autre mémoire ? —

Jean reste immobile.

Le capteur est muet. Mais son corps… résonne encore.

Marie s’assoit sur la dalle. Elle ferme les yeux. Elle ne cherche pas à comprendre. Elle intègre.

Le vent se lève doucement. Pas pour disperser. Pour sceller.

Jean s’approche. Il s’assied à côté d’elle. Ils ne parlent pas. Ils écoutent.

Et dans ce silence, une pensée traverse Marie :

“Ce que nous avons vu n’était pas une vision. C’était une mémoire offerte. Et maintenant… elle nous habite.”

Jean murmure :

— Tu crois qu’on doit en parler ? —

Marie ouvre les yeux.

— Pas encore. —

— Alors quoi ? Vivre avec. Et attendre le prochain appel. Tu en penses quoi Marie. —

— C’est beaucoup pour moi aujourd’hui rentrons à l’hôtel, nous devons réfléchir. —

Ils se lèvent. La dalle est froide. Mais elle pulse encore. Faiblement. Comme un cœur ancien.

Ils quittent le lieu. Pas comme des explorateurs. Comme des porteurs de fréquence.

Le retour à l’hôtel est silencieux. Pas de conversation. Juste le bruit des pas sur le gravier, le vent dans les palmes, et cette pulsation intérieure.

Marie s’allonge sans se dévêtir. Elle ferme les yeux. Mais elle ne dort pas. Elle intègre.

Jean reste assis, carnet ouvert. Mais il n’écrit rien. Il attend.

Puis, sans se parler, ils se lèvent. Ils sortent sur la terrasse. Le ciel est dense. Les étoiles semblent plus proches.

Marie murmure :

— Tu sens ? Jean hoche la tête. —

— Oui. Ce n’est pas le lieu. C’est nous. —

Ils ne sont plus les mêmes. Quelque chose s’est accordé. Et dans cette justesse, une pensée traverse Jean :

“Le monde ancien ne dort pas. Il attend que nous soyons prêts à l’entendre.”

Marie regarde l’horizon. Elle ne cherche pas. Elle écoute.

Et dans ce silence, elle sait : Le prochain appel ne viendra pas d’un lieu. Il viendra d’une fréquence intérieure.

Une fois restaurés, nous avons fait le point de ce que nous avons compris. Le ressenti est plus difficile à noter.

Marie a ouvert son ordinateur, elle tape :

Ce que nous avons observé.

1. Chaque corde est une fréquence, mais aussi une mémoire enfouie, un segment du message global.

2. Le balayage intégral a agi comme un déclencheur gestuel - une clef sensible au mouvement plutôt qu’au raisonnement.

3. La lyre n'était pas un instrument, mais un décodeur vibratoire : son activation a permis le basculement spatial.

4. Les circuits lumineux étaient une projection temporaire, des artefacts de transition entre les plans.

Les instruments, une fois stabilisés, livrent enfin leurs données.

• Fréquence principale : 417 Hz Associée à la transformation, la rupture de schémas anciens, selon les tonalités solfégiques.

• Harmoniques secondaires :

o 528 Hz (réparation cellulaire)

o 963 Hz (activation spirituelle)

o une mystérieuse 311 Hz, instable et fluctuante.

• Échos internes : L’onde ne rebondit pas normalement sur les parois. Elle se courbe, contourne les angles - comme si la géométrie du lieu répondait à des lois non euclidiennes.

• Température des murs : Élévation localisée en spirale autour de la lyre, comme si un flux invisible animait la pierre.

• Champ magnétique : Anomalie stable mais faible, centrée sur la dalle, indiquant un possible champ vortex, ou mémoire fossile concentrée.

Jean écarquille les yeux.

— On ne peut pas reproduire ça. Même en laboratoire. —

Marie, concentrée sur l’écran :

— C’est comme si cette salle générait un modèle vivant de mémoire. —

— On n’analyse pas un lieu... On dialogue avec lui. —

Marie projette les données sur le mur de la chambre.

Jean superpose les relevés de la salle avec ceux du centre cérémoniel d’Ahu Tongariki à Rapa Nui.

Fréquence (Hz) Salle actuelle Rapa Nui Commentaire

417 ✅ ❌ Absente à Rapa Nui — unique à ce site

528 ✅ ✅ Présente aux deux — résonance universelle ?

963 ✅ ✅ Active à des moments clés — alignement céleste ?

311 (instable) ✅ ❓ Inconnue dans les relevés polynésiens

Jean :

— La 311 Hz… C’est comme un murmure enfoui dans la roche. Elle change selon qui l’écoute ou l’observe. —

— Encore de la physique quantique —

Superposition géologique

• Les deux sites :

la salle rocheuse et Rapa Nui, s’alignent selon une diagonale courbe touchant :

o Le plateau de Nazca

o Le massif de Tassili

o Le mont Kailash

o L’archipel de Haida Gwaii

• Cette ligne semble suivre une résonance tectonique fossile, une ancienne ligne énergétique oubliée.

Marie sourit, presque nerveusement :

— Ce n’est plus de la géophysique. C’est de la géopoésie. —

Jean reste debout, face aux projections. Les lignes s’entrelacent, les points s’alignent.

Mais ce n’est pas une carte. C’est une partition ou un canevas.

Marie s’approche. Elle ne regarde pas les données. Elle les ressent.

— Tu vois cette diagonale ? —

— Oui. —

— Elle ne relie pas des lieux. Elle relie des états. —

Jean fronce les sourcils.

— Des états ? —

— De conscience. De mémoire. De vibration. —

Elle trace du doigt la ligne courbe. Nazca. Tassili. Kailash. Haida Gwaii. - Ce ne sont pas des sites sacrés. Ce sont des points d’accord.

Jean murmure :

— Et si cette ligne… était une onde fossile ? Un chant ancien, inscrit dans la croûte terrestre ?

Marie hoche la tête. —

Et nous… nous avons commencé à l’entendre.

Ils restent là, dans la chambre, face aux données. Mais ce ne sont plus des chiffres. Ce sont des fragments de mémoire vivante.

Et dans ce silence, une pensée traverse Jean :

“Le monde ancien ne nous parle pas en mots. Il nous accorde. Comme un instrument. ”

Conclusion provisoire : Ces lieux ne communiquent pas par matière… mais par fréquence. Et la fréquence, ici, porte la mémoire d’une civilisation disparue ou cachée.

Le téléphone de Marie sonne qui cela peut-il être.

— c’est Jean-Luc ! —

Marie décroche.

— Allo.—

— Alors c’est l’amour ou quoi, vous nous avez oublier, la réunion a commencé depuis une heure.

Que faites-vous ? —

Marie bredouille :

— Il est une heure ici. —

— Mais ou êtes-vous ? —

Marie reste figée. Le téléphone contre l’oreille, mais son esprit… ailleurs.

Jean-Luc parle encore, elle n’écoute plus vraiment.

Elle regarde les projections sur le mur. Les lignes. Les points.

La partition du monde.

Jean s’approche. Il prend doucement le téléphone.

— Jean-Luc, excusez-nous. On est en déplacement. —

Vous êtes où exactement ? —

— Loin. Très loin. Au Pérou. —

— Vous revenez quand ? —

— Quand ce sera terminé. On vous tiendra au courant. —

Il raccroche. Pas brusquement. Mais comme on referme une porte.

Marie s’assoit. Elle murmure :

— Tu crois qu’on peut encore revenir ? —

Jean sourit.

— Revenir… où ? —

— À l’avant. —

— Il n’y a plus d’avant. Il y a ce qui vibre maintenant. —

Ils restent là, dans la chambre. Les données clignotent doucement. Mais ce ne sont plus des relevés. Ce sont des appels.

Et dans ce calme chargé, une pensée traverse Marie :

Ce n’est pas nous qui cherchons les lieux. Ce sont les lieux qui nous appellent.”

— Moi aussi je t’appelle.

Viens.

Il faut dormir... Avant que le prochain lieu ne nous réveille.

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