Marie

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Je retourne dans la rue, le lieu ne correspond pas à mon souvenir , le bar n'existe même pas.

Je marche au hasard sans savoir où aller. La réalité se dérobe ou réécrit ses contours. Quand un souvenir me revient, la citerne, oui, mais où se trouve-t-elle.

Le chantier Toranomon – Azabudai Hills.

Il pense à la voix. À la sphère. À l’insecte.

Je rentre dans une boutique et interroge le propriétaire en anglais, heureusement, il me comprend et me montre sur une carte, il me faut prendre le bus, la ligne T 06 qui relie Shibuya Station à Shinbashi Station, en passant à proximité de Toranomon.

Une fois dans le bus, je surveille ma destination, descendre à l’arrêt “Toranomon Hills”, situé tout près du site en développement.

Le bus serpente à travers les artères de Tokyo. Le signal du boîtier est toujours là. Il ne clignote pas, il respire.

Je descends enfin du bus et me dirige vers le chantier, il est 18 h passées, le chantier est fermé.

Je trouve facilement un passage.

J'entre sans bruit. Aucun garde. Aucun mouvement. Mais l’air semble chargé… comme si quelque chose savait que je venais. Le sol vibre légèrement à chaque pas. Le signal indique : fréquence 417, stabilisation en cours. Un écran de chantier clignote une seconde, puis s’éteint. Quelques néons de sécurité projettent des halos irréels.

Je parcours le chantier sans rien trouver, il y a un escalier qui s'enfonce dans le sous-sol, je l'emprunte.

Le béton semble absorber mes pas. L’escalier, humide, étroit, descend en spirale. Il rejoint une galerie ou plutôt un tunnel creusé à la main… Ou par une volonté plus archaïque. Les ouvriers sont tombés sur un site surprenant, la roche est vitrifiée. Des fresques partiellement grattées ornent les murs par endroits. Je suis le boyau, il me conduit dans une salle de grande dimension, elle sert pour le stockage de quantité de choses qui servent sur le chantier. J'aperçois tout au fond une sorte de réservoir cylindrique, c'est ma citerne.

Le souffle court, les mains moites, Jean s’approche du réservoir. Son cœur bat à l’unisson avec le signal, fréquence 417, toujours instable mais présente.

Je cogne doucement la paroi. J'attends fébrile. Rien. Je frappe plus fort...

J'entends au loin une sirène de pompiers ou de la police, puis cette voix.

Jean, Jean, c'est toi...

Sa voix est étouffée, mais reconnaissable. Fatiguée, mais vivante.

Je m’effondre un instant contre la paroi. La citerne vibre légèrement. Elle n’est pas scellée hermétiquement. Il y a une faille quelque part. Un joint, une trappe. Mais je dois garder la tête froide. Marie dirait : de la méthode…

Jean murmure à la citerne :

— Je suis là, Marie. Je vais te sortir de là. Je te jure… cette fois, c’est moi qui pense à ta place.

Le signal monte à 418 Hz, puis redescend. Le lieu répond. Ce n’est pas un réservoir… c’est une chambre vibratoire, camouflée comme un container.

Jean pose sa main sur la paroi. Elle est tiède. Elle pulse. Comme si Marie résonnait à travers elle.

— Marie, je pense qu'il faut la bonne fréquence pour ouvrir la porte.

— Tu comptes la trouver comment ?

— J'ai ma petite idée, je fais un essai, nous verrons bien.

— Ce n'est pas toi, qui es enfermé. J'aimerais t'y voir, si tu me propulses dans un autre monde.

— Après ce que j'ai vécu, je t'assure, il vaut mieux essayer.

Jean utilise son boîtier comme un émetteur et se cale sur la fréquence 852 Hz. Il ne se passe rien du tout.

— Jean explique moi ce que tu fabriques.

— Je suis sur la fréquence de 852 Hz.

— Tu es génial. C'est une fréquence de conscience supérieure. Je dois me connecter, tu émets toujours ?

— Oui, vas-y !

Jean comprend. Ce n’est pas la fréquence qui ouvre. C’est l’intention.

Marie visualise la spirale et la projette hors de la sphère. Un son intérieur se fait entendre, la citerne vibre de plus en plus.

Le métal se dilate. Comme un tissu vivant. Sa surface se déforme lentement. Puis s’écarte avec une fluidité irréelle. Une respiration. Une membrane. Un passage en forme d’iris.

Marie surgit. Les bras en avant. Les pupilles dilatées. La peau parcourue d’électricité. Elle tombe dans les bras de Jean. Il referme l’étreinte, comme on referme une faille.

— Tu es là... souffle-t-elle. Il lui répond :

— Tu es libre.

La spirale ne s’éteint pas. Elle reste ouverte.

• Un champ vibratoire fluctue autour d’eux, la fréquence monte lentement vers 963 Hz

• L’activation spirituelle complète.

• Le boîtier émet un signal constant : “Connexion établie. Liaison double. Fréquence réciproque.”

• Le container n’est plus une prison. Il est devenu un résonateur, un point de jonction entre les deux expériences.

Jean regarde Marie dans les yeux.

— Ce que j’ai vu… ce que j’ai été…

Elle le devine déjà.

— Moi aussi, Jean. Je n’étais pas simplement enfermée. J’étais... traversée, utilisée.

Ils restent là, dans l’ombre du chantier. Ils ne parlent pas plus. Mais tout est dit.

Le conteneur devient une interface entre deux expériences hors du temps : " UTILE ", la sphère, les spirales, les fréquences… tout converge.

— Jean, tu as neutralisé la mémoire, comment ?

— Tu ne vas pas me croire, je l'ai fait douter.

— Ah, Marie n'insiste pas...

Nous avons conscience qu’une civilisation vibratoire, utilisant les êtres comme capteurs, comme relais a bel et bien existée.

Le vortex s’est refermé, mais sa mémoire reste gravée dans les corps. Jean et Marie ont vu le Temple de Hoysaleswara à travers la spirale, un lieu d’origine, ou de dernier appel.

— Je pense que tout vient de là-bas.

— Nous y allons, le plus rapidem... Chut écoute, cachons-nous.

Trois hommes. Leurs mots découpent l’air comme des lames : budget colossal, échec, élimination. Marie et Jean se recroquevillent derrière un compresseur, respiration suspendue.

— Je ne veux pas savoir, débarrassez-vous de la fille, le gus, il nous le faut vivant, il est transformé.

Nous nous éloignons discrètement à chaque passage à chaque avancée dans la pénombre du chantier, les respirations se confondent avec le bruit des tuyaux. De retour, nous contournons l’hôtel. Deux hommes montent la garde.

Jean entre par la porte de service, monte, récupère le strict nécessaire.

Un bruit. La poignée tourne.

Jean agit par instinct. Sa lampe torche s’abat avec une précision féroce. L’homme s’écroule. Il l'attache sommairement.

Dans sa poche intérieure, il récupère son portable.

Bagages légers. Le signal toujours enfoui dans le boîtier.

Jean redescend par l’escalier de service.

Marie l’attend dans une ruelle adjacente, yeux flamboyants.

— Tu l’as ?

— Oui. Et je crois… Qu’ils savent tout. Ce sont des professionnels.

— Et nous... Qui sommes nous ?

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