Olga

4 minutes de lecture

(2013 - Fiction : Olga)

  — Vous n'avez que quelques minutes dans ce monde pour changer les choses et avoir une chance de leur échapper. Mon tour viendra après le vôtre. Mais je dois vous sauver vous, maintenant. Alors pour l'amour du ciel Eli, sautez, n'attendez plus. On … On a qu'à le faire ensemble, continue-t-elle en montant sur la barrière. 7.14am, il est encore temps. On n'a qu'à le faire tous les trois.

 Le moment n'est plus à l'hésitation. Le temps commence à devenir précieux pour qu'Eleanor et Owen puissent fuir, en quelque sorte, cette maudite clinique Van Oaken. Ils sont là tous les trois sur le plus haut pont de Cedar Valley : le jeune couple et Olga.

 Elle est déjà montée sur la balustrade, quand Owen tend la main à Eleanor pour l'aider à s'y hisser, ce qu'elle fait avec hésitation. Maintenant réunis, tous les trois, mains dans la main, ils regardent vers le bas, où la circulation est dense. Mais alors qu'ils étaient tous les trois aux portes de la liberté, derrière eux, deux pompiers en uniforme, un masque anti-fumée sur le visage, leur court après pour les empêcher de sauter. Pour le jeune couple, c'est trop tard. Ils perdent pied et plongent verticalement vers la chaussée quelques mètres plus bas. En revanche, ces deux pompiers réussissent à attraper Olga, qui est emmenée de force dans une fourgonnette noire où tout s'éteint ; les lumières, et ses espoirs.

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 C'est étrange. Presque irréel. Il y a quelques instants, le cahot semblait régner sur nos têtes. Tout ce vacarme, ce brouhaha incessant des véhicules sur la chaussée, le vent, la peur et à la fois, un certain courage qui nous a furtivement ouvert les yeux et incités à faire le grand saut. Et puis, plus rien. Ce vide autour de moi. Suis-je en train de rêver ? Non ce n'est pas possible, cela me semblait tellement vrai, concret. Jade dans la forêt. George à l'entrée de ce tunnel. Eleanor et Owen sur ce pont. Tous avec moi en une journée, après tant d’absence. Quand ils m'ont arrachée à cet espoir. L'espoir de la revoir, ma famille, dans un autre monde peut-être, mais pas de celui-ci, de l'autre côté, dans l'au-delà, s'il existe. Ils m'ont arraché cet espoir, ces deux pompiers en uniforme. Et pourquoi portaient-ils des masques anti-fumée, alors que nous étions baignés par un soleil radieux. C'est étrange. Presque irréel.

 Maintenant, c'est l'obscurité qui m'habille. Je ne peux pas voir mes mains, sentir l’environnement dans lequel je suis, décrypter un quelconque indice sur la situation. Ma situation. Suis-je statique, en mouvement, éveillée, endormie ou entre-deux, vivante ou morte ? Je suis perdue.

 Mais alors que les doutes m'envahissaient, voilà qu'une voix étouffée et floue vient à la rencontre de mes tympans. C'est une voix d'homme. Une voix que je croix reconnaître. Une voix que je n'aime pas et... Ho non. Ulrich !

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  — Olga... souffle cette voix atténuée par le néant environnant. Olga, replonge !

 La voix répète ces mots plusieurs fois en se clarifiant davantage, avant d'être enfin nette, sèche et franche :

  — Olga ! Replonge !

 Alors, comme aspirée dans un nouveau monde par un bruit semblable à celui d'une inspiration profonde, Olga est transportée d'un néant à un autre. Le vide infini laisse place à un paysage post-apocalyptique. De la brume, des fumées, mais toujours aucun signe de vie. Seule la brise sur ses épaules semble exister. Stupéfaite d’atterrir ici sans raison, elle cherche des repères, tournant lentement sur elle même, avant de la voir, cette grande colonne rouge et blanche sertie de poutres de fer qui la maintiennent droite. Il s'agit de la cheminée d'un des réacteurs de la centrale nucléaire de Tchernobyl, cheminée qui semble encore tenir debout malgré d'importants dégâts visibles.

  — Qu'a-t-il bien pu se passer ici ? se demande-t-elle.

 Puis une main vient se poser brutalement sur son épaule, la faisant sursauter, se retourner et se pétrifier lorsqu'elle voit ce visage. Son visage. Elle est comme dupliquée, là, à un mètre à peine de son reflet virtuel. La réplique d'Olga ne prononcera que quelques mots :

  — Ton avenir, lui dit-elle d'une voix douce et résonnante, presque divine.

 Puis, brusquement, les deux côtés de sa gorge éclatent dans une tonalité semblable à l'explosion de deux feux d'artifice ; de longues entaillent laissent alors place à deux trous béants d'où jaillissent au ralenti ces panaches de sang. Les flots et gouttelettes s'étendent dans les aires et se déploient, formant comme deux ectoplasmes d'hémoglobine, de part et d'autre du cou du clone. Olga ne tardera pas à comprendre que c'est ce qui risque de lui arriver. Son cœur palpitant lui impose de faire demi-tour, ce qu'elle s'empresse de faire, lorsqu'elle se trouve cette fois-ci face à son tortionnaire : Ulrich Van Oaken. Il la regarde droit dans les yeux avant de la sermonner :

  — C'est mal ce que tu as fait Olga. Très mal ! Tu vas finir par ruiner mes essais. Dommage que toute ta famille en ait été une conséquence. Tu viens de la sacrifier en dehors de cette fiction. Je ne sais pas si tu t'en rends compte, mais dans la réalité, ils sont morts !

 Elle chancelle, prenant conscience de ce qui s'est passé.

  — Tu vas être plus docile maintenant, sujet de référence. N’essaie pas de lutter. Quand tu te réveilleras, deux personnes auront survécu : il s'agit de la petite Jessie, avec qui tu aimes tant partager des leçons de piano, et de son correspondant français, Armand. Écoute-moi bien Olga. Tu vas m'obéir maintenant. C'est une chance que je te laisse de les protéger. Pense à leurs avenirs ! Pense à ton avenir. Ils pourraient rester en vie et toi aussi.

 Il recule de quelques pas, puis termine cette phrase avec un claquement de doigts :

  — Tu me rejoins dans la réalité et tu m'écoutes. Maintenant !

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