Katarina Volk & Björn Van Oaken

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(1948 - Passé : Katarina Volk & Björn Van Oaken)

 Voici Björn. Björn Van Oaken. Il était un chercheur non reconnu et, en cela, il décida de poursuivre ses expériences à l'abri des regards, dans le sous-sol d'une maison isolée. Mais un jour, ses essais allaient être dévoilés et, de ce fait, il fuit les pays scandinaves pour venir s'installer en Ukraine, ou plutôt en République socialiste soviétique d'Ukraine en URSS, dans la plus parfaite discrétion. Il poursuivit ainsi ses expériences.

 Son travail portait sur le cerveau humain, plus particulièrement sur la création de nouvelles informations, non pas sur le plan physiologique, mais plutôt sur le plan psychique. Ainsi, il examinait la façon dont ses sujets rêvaient et essayait de les influencer dans des choix, en utilisant des électrodes collées sur leurs crânes. Bien souvent, l'option qu'il voulait qu'ils choisissent fut suivie. Mais le travail ne s'arrête pas là, puisque ces choix impacteraient en fait leur vie, en dehors de leurs rêves, dans ce qu'il aimait appeler Le Vrai Monde. Il avait inventé un terme pour ce phénomène : la cognition paradoxale.

 En Ukraine, plus les jours passaient et plus les sujets venaient à manquer, entraînant une solitude immensurable dans l'esprit de Björn. Il parcourut alors les campagnes, non loin de Tchernobyl, avant de faire la rencontre de Katarina Volk, une paysanne qui vivait de la production de ses pommes de terre. Rapidement, ils sont devenus très proches et une enfant vint au monde.

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 Calme et silence. C'est une atmosphère bien peu habituelle dans ce petit village perdu d'Ukraine. Un brouillard aussi lourd que l'ambiance qui règne sur les cheminées fumantes et les arbres nus. Les corbeaux, de leurs croassements, viennent rehausser ce sentiment d’hostilité. Un hurlement vient interrompre la scène, faisant battre des ailes deux ou trois de ces volatiles, puis un deuxième, plus long, plus profond, en fait s'envoler. Des gémissements puissants s'échappent par la fenêtre d'une toute petite maison, semblable à une vieille dépendance, juxtaposée à cet énorme corps de ferme, de l'autre côté du village. Si nous étions l'un de ces corbeaux curieux, nous quitterions notre branche pour nous faufiler entre les maisons, tournoyant à droite à gauche, évitant une voiture qui arriverait sur ce sentier de terre et de cailloux blancs, avant enfin d’apercevoir cette petite fenêtre au simple vitrage, ouverte sur l'extérieur ; nous nous poserions dessus pour y voir cette femme.

 Elle est allongée sur ce qui s'apparente à un canapé. La cheminée qui lui fait face suffoque, manquant de bois à consumer. Elle aussi peine à respirer. Katarina. Elle hurle à nouveau, écartant davantage ses jambes légèrement fléchies et relevées, poussant de toutes ses forces, quand il la rejoint. Björn. Il lui pose un chiffon humide sur le front, tamponnant son visage qui luit de sueur. Encore une contraction. Elle en profite pour pousser à nouveau son enfant hors de son utérus. Björn l'encourage, sa main dans la sienne.

 Le corbeau est toujours perché sur cette fenêtre, ameutant ses congénères. Björn lâche alors Katarina pour aller la fermer et faire fuir ces oiseaux peu rassurants, quand elle pousse un cri proportionnel à la douleur qu'elle vient de ressentir. L'enfant sort trop vite et cela a pour effet de lui fendre le vagin dans une violence indescriptible. Une petite artériole mal située est lésée, faisant fuir suffisamment de sang pour inquiéter la future mère, qui se crispe et accentue de ce fait la douleur de cette entaille.

 Björn, qui venait à peine de s'absenter à cause de cette fenêtre, accourt et se positionne en face de l’orifice qui s'élargit et se peinture d'hémoglobine. La tête de l'enfant quitte légèrement le vagin de Katarina. Ses grands yeux bleus transforment le visage du futur père. Katarina pousse encore. Et encore. Et encore une fois. Björn saisit les épaules de leur fille qui s'extirpe rapidement une fois le buste passé, et Katarina gémit dans un souffle tremblant. Elle est sortie. Le père la porte aux seins de la jeune mère. Tout le monde est silencieux, dans ce tableau qui semble presque religieux. Le calme regagne la pièce, ce qui ne tardera pas à inquiéter de nouveau Katarina, constatant que leur enfant ne pleure pas.

 Le père s'active alors à une réanimation. Bouche à bouche. Massage cardiaque. Une seconde insufflation ; insuffisante. Massage cardiaque. Encore une insufflation. Quand soudain, ils se font entendre, les gémissements du nourrisson.

  — Ma fille, souffla Katarina en versant une dernière larme ; une larme de joie cette fois.

  — Bonjour ma fille, reprit Björn.

 Katarina blottit son bébé contre elle en le berçant.

  — Mon ange, Zdenka.

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