Trevor Traxton

6 minutes de lecture

«Le haut comité à l'armement vient de voter le budget avec une augmentation à effet immédiat sur l'astéroïde 435-S. La pénurie de fer touche tout le monde dans le secteur de l'armement, mais pas seulement. Le gouvernement se montre toutefois confiant et promet une nette amélioration dans les prochains mois dans les approvisionnements.»

«—En effet, Mickaël, le syndicat des employés du complexe militaro-industriel directement impactés par le chômage s'est estimé satisfait de la rallonge budgétaire qui est –selon le syndicat– un très bon début. C'est la fin de ce bulletin d'information, c'était Malinda Travers, et Mickaël Song. Tout de suite, notre bulletin d'information et la tempête solaire qui...»

L'homme se détourna de l'écran pour se plonger dans son whisky de synthèse au goût de synthèse dans un verre de synthèse, probablement. Surpris de son cynisme, il se contenta de froncer le nez en avalant son breuvage à l'arrière goût chimique.

— C'est pas ça qui va arranger nos affaires, Cap'tain.

— Ca ne changera pas grand' chose. Tu peux rajouter tout l'argent que tu veux, s'il n'y a plus de minerais, ça n'en fera pas apparaître. Et encore, on sait très bien que ce n'est pas ça, le fond du problème.

Jigsen croisa ses bras derrière sa tête ; cette posture amusait toujours le capitaine car son mécanicien-pilote avait de très longs bras. Il avait donc tendance à donner des coups de coudes involontaires à ses voisins de table, bien souvent lui et Yamato. La gynoïde garde du corps était aussi sa lieutenant et son bras droit, parfois même son bras gauche également. Il se demandait toujours s'il n'en demandait pas trop à son maigre équipage qui se trouvait obligé de cumuler les postes... Mais avait-il seulement le choix?

Le nez toujours dans son verre, il réfléchissait à la suite de ses affaires : il fallait au plus vite reprendre les excursions, récupérer massivement tout ce qui pouvait l'être et rentrer de l'argent... Seulement, les filons étaient rares et la concurrence agressive. Il fallait en parler avec–

— Capitaine Traxton?

Le capitaine se redressa subitement et tourna la tête vers la personne qui l'avait interpellé. C'était un jeune homme, à peine sorti de l'adolescence, l'uniforme impeccable de la Fédération, l'insigne rutilant, les bottes soigneusement astiquées donc il claqua les talons sèchement en se mettant au garde à vous.

— Adjudant-huissier Quentin Edgemont. J'ai une missive officiel à vous remettre de la part de la Banque Fédérale.

L'adjudant sortit l'enveloppe de sa sacoche et tendit un bloc-notes au capitaine.

— Veuillez signer ici, s'il vous plait!
— Mouais, on n'a qu'à faire ça...

Il gribouilla avec la plus grande mauvaise volonté sous le regard inquisiteur du jeune homme.

— Veuillez écrire votre nom lisiblement je vous prie. C'est la procédure.
— Ça va, adjudant, on est pas à la caserne. Et je ne suis pas militaire de toute façon, alors on peut laisser tomber la procédure, non?
— Je regrette, les consignes sont les consignes. Refusez-vous le pli, capitaine?»

Grommelant, Traxton écrivit avec un soin exagéré son nom en traçant des lettres majuscules sty lisées.

— Ça ira comme ça?
— Parfait capitaine! La Fédération Spatiale vous remercie de votre coopération!

Il salua le capitaine, claqua une dernière fois des talons avant de les tourner pour s'éloigner à grand pas.

— Un souci, cap'tain?» s'enquit le pilote.
— Réfléchis un peu.

Yamato regarda le pli et l'air contrarié du capitaine.

— Il s'agit forcément du retard de paiement.

La remarque aussi sagace qu'abrupte fit grimacer le capitaine. Les traites du Rodger Young, son cargo, n'étaient plus honorées et la banque risquait de le récupérer. Ce qui voulait dire plus de revenus, plus de virées spatiales et se retrouver cloué au sol sur cette planète minable. Et ça, il n'en était pas question.

— Quel est le plan, capitaine?

Traxton regarda Yamato, puis Jigsen avant d'afficher son plus éclatant sourire.

— On met les voiles. On va repartir en chasse et...

Il prit un air de conspirateur en se frottant les mains.

— Vous voulez dire qu'on va s'adonner au pillage et à la maraude?
— Yamato, enfin! On est un équipage respectable!

Il jeta des regards alentour, mais entre le bruit ambiant et l'indifférence générale caractéristique de ce genre de rade paumé, il était très improbable que quelqu'un ait entendu cette ingénue confession.

— Mais enfin, balance pas ça comme ça!» grommela-t-il à voix basse.
— Ouep, et c'est pas comme si tout le monde s'en foutait» commenta le pilote avec nonchalance.

Jigsen pianota sur son communicateur.

— Vous êtes un prophète cap'tain. Scipio nous indique qu'il a quelque chose pour nous.»

Traxton arbora un sourire suffisant.

— J'ai souvent raison. Pourquoi ça semble toujours vous surprendre?

Jigsen et Yamato se regardèrent, préférant s'abstenir de commentaires.

— J'espère que cette fois, ce sera pas aussi foireux que la précédente, sur l'astéroïde...
— On a dit qu'on en parlait plus, de cet astéroïde. D'ailleurs, je ne sais même pas de quel astéroïde tu parles.
— Il parle de l'astéroïde-prison, capitaine» précisa Yamato.
— Celui sur lequel on a tous failli mourir pour rien, mis à par une clef de stase complètement inutile en dehors de la prison...
— Tu disais? Je ne t'écoutais pas, Yamato» coupa Traxton.
— On devrait p'tet essayer de refourguer le bidule, cap'tain, ça intéressera sans doute un collectionneur tordu ou un geek féru de trucs collector...
— J'ai dit que je ne voulais plus en parler, et d'ailleurs personne ne veut de ce truc. Bref, on s'en va. Et taisez-vous, j'ai besoin de réfléchir.

C'est donc dans un silence morose et subissant la mauvaise humeur du capitaine que les trois membres rejoignirent la baie d'amarrage du cargo de catégorie I, le F.S.S. Rodger Young.

Une fois à bord, le capitaine consulta sa messagerie, toujours aussi vide, mis à part les spams et les courriers de relance. Il soupira en tournoyant sur son fauteuil.

— Scipio? Qu'est-ce que tu as pour nous, mon ami?
— Je ne suis pas votre ami capitaine, juste votre astro-navigateur.
— Décidément, vous avez tous décidé de me faire chier aujourd'hui, ou bien...?
— Non, je tenais simplement à rappeler les faits, capitaine.

Comme à son habitude, la voix mentale de Scipio était dénuée d'émotion, tranchante et d'une froideur parfois déstabilisante. Inutile de lui demander de faire des efforts de ce côté, il en était de toute façon incapable.

— Vous avez trouver un acheteur pour la clef de stase?
— Bien sûr que oui! Et même à un très bon prix!
— Vous savez que je sais quand vous mentez, n'est ce pas?
— Ça valait le coup d'essayer. T'aurais pu faire semblant d'y croire.
— Je ne crois en rien capitaine, je sais, c'est tout. Et je me contente de faire les choses, pas juste essayer.
— Je ne suis qu'un humain Scipio, c'est toi le super cerveau! Adapte toi!
— D'accord, capitaine, la prochaine fois, j'essaierai de nous envoyer dans l'espace en espérant que mon intuition sera bonne. Ça va certainement très bien se passer.
— Et ben tu vois, tu progresses : tu pratiques le sarcasme! Merveilleux! Trêve de plaisanterie, qu'est ce que t'as trouvé?

Après un certain temps de silence pesant et réprobateur, Scipio reprit :

— J'ai recoupé des informations sur un crash spatial qui a eu lieu dans la bordure extérieure il y a trois ans ; il est possible que les débris de l'épave s'y trouve toujours.
— Il y a trois ans? Tu sais très bien que tous les ferrailleurs du coin ont déjà pillé le truc dans l'heure qui a suivi le crash...
— Ah, j'ai aussi intercepté une communication concernant un fret... Vous savez, la bordure extérieure est très peu fréquentée. Le voyage sera moins coûteux si on tente de la récupération et si par un heureux hasard vous mettiez le grappin sur une cargaison de marchandises qui trainerait dans ces confins reculés, vous serez gagnant.

Le capitaine se redressa sur son fauteuil, le sourire affable.

— Il fallait le dire tout de suite, Scipio! Jig? Cap sur la bordure extérieure! Yamato, contrôle les stocks, et vérifie les armes! Préviens quand même M3d1c de se tenir prêt, au cas où.

Le regard bleuté de Yamato se braqua sur Traxton.

— Tant que je serais là, il ne vous arrivera rien, capitaine.
— Tu veux qu'on reparle de l'astéroïde?» questionna Jigsen.
— Silence! On part et lâchez-moi la grappe avec cette histoire!

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Yedelvorah ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0